Editorial : Le bel exemple de Yayi

Moïse DOSSOUMOU 29 mars 2016

A l’instar de Lionel Zinsou, Boni Yayi a posé un acte qui consolide le Bénin dans le rang des pays africains où la pratique démocratique est citée en exemple. En présentant ses félicitations à son ennemi juré que les Béninois ont désigné pour lui succéder dès le 6 avril prochain, le chef de l’Etat a pris de la hauteur par rapport à un événement vécu sans aucun doute comme un drame personnel pour lui. Ce n’était pas évident, même après la proclamation des résultats provisoires par la Cour constitutionnelle que Boni Yayi range aussi facilement les armes après avoir subi une défaite mémorable. Mais en bon démocrate, il s’est soumis au verdict des urnes comme l’a fait Lionel Zinsou, candidat malheureux au second tour de la présidentielle de mars 2016.
C’est un acte de grandeur d’esprit qu’a posé le chef de l’Etat vendredi dernier lorsqu’il a établi le pont avec son successeur. Mieux, les conclusions du Conseil des ministres relatives à la préparation de la cérémonie de prestation de serment de Patrice Talon rassurent quant à la volonté de Boni Yayi de se retirer de la scène avec élégance, exactement comme feu Mathieu Kérékou il y a 10 ans. Jusqu’à preuve du contraire, le tête-à-tête officiel entre les deux hommes aura bel et bien lieu avant que le nouvel élu ne prenne congés de son prédécesseur. A tout point de vue, le scénario wahala craint et redouté par une bonne frange de la population n’aura pas lieu. Les rancœurs sont peut-être encore plus vives que par le passé, mais elles ne gâcheront pas la fête.
Au centre de ce conflit entre deux anciens complices, le peuple a fait son choix. Partie d’une garde à vue à polémique courant 2012, l’affaire a pris des proportions inquiétantes. On en est même venu à des soupçons de tentative d’empoisonnement puis d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le principal accusé en exil obtint son salut grâce à la vérité judiciaire qui trancha en faveur d’un non-lieu. Il y eut ensuite les fameux « pardons » de part et d’autre. A cette étape, l’opinion était d’avis que cette page pouvait enfin se fermer. Mais la guéguerre, loin de se calmer, est repartie de plus belle. Et c’est là qu’est intervenu le dernier acte à ce jour, l’épisode de la présidentielle. L’ennemi public N°1 a débarqué au pays en plein jour pour y mener ses activités politiques jusqu’à la consécration du 20 mars dernier.
Boni Yayi a mille raisons d’en vouloir à Patrice Talon. A cause de ce dernier qui tirait les ficelles de loin, son poulain a raté de peu la présidence de l’Assemblée nationale en 2015. Et pour couronner le tout, c’est Patrice Talon en personne qui a battu son candidat Lionel Zinsou dans les urnes et s’apprête à s’installer dans les tout prochains jours dans le fauteuil présidentiel. Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que le président de la République lui a adressé ses félicitations. Mais il fallait cela pour la beauté du jeu démocratique. Boni Yayi a certes des défauts. Mais sur ce coup, il s’est élevé au-dessus de la mêlée. Puisqu’il est désormais sur la bonne voie, gageons que la passation de charges entre les deux hommes d’Etat se fera dans une ambiance conviviale. Au-delà de nos petites personnes, c’est l’image du Bénin qui est en jeu.



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