Editorial : Le « kpayo » à la croisée des chemins

Moïse DOSSOUMOU 2 février 2017

Sale temps pour les commerçants de produits pétroliers dits de contrebande ! L’opération de libération des espaces publics initiée par le gouvernement a porté un grand coup à leurs activités. Leurs étalages précaires qui trônaient à perte de vue aux abords des grandes artères de la ville de Cotonou notamment se comptent maintenant du bout des doigts. La plupart, face à la fermeté des pouvoirs publics, se sont repliés dans les ruelles secondaires pendant que d’autres songent à se reconvertir dans un autre secteur d’activités. Seuls quelques téméraires et optimistes à toute épreuve continuent d’exposer leurs produits comme si de rien n’était. Le vœu du gouvernement qui consiste à assainir le cadre de vie des populations prend timidement corps. Les motocyclistes et automobilistes habitués à s’approvisionner en essence dite de contrebande sont appelés à changer leurs habitudes. Mais à l’heure actuelle, aucune solution ne leur est proposée.
Depuis que l’opération de libération des espaces publics est entrée dans sa phase répressive, il n’y a pas que les vendeurs de l’essence dite de contrebande qui ont perdu le sourire. Des promoteurs de mini-stations services ont aussi fait les frais de cette politique qui fait grincer des dents. Leurs installations, implantées à coût de millions et qui occupaient les abords des voies bitumées et pavées, ont été enlevées manu militari. Appelés à la rescousse par le gouvernement précédent aux temps forts des précédentes luttes contre l’essence « kpayo », ces promoteurs se croyaient à l’abri de toutes déconvenues en provenance des pouvoirs publics. Puisqu’il fallait casser et déguerpir sans discernement les occupants des espaces publics, ces promoteurs qui se battaient dans la mesure de leurs moyens pour survivre face à l’impitoyable concurrence du « kpayo », ont dû plier bagages. Censés suppléer l’insuffisance des stations-services dans les grandes villes, ces commerces dont beaucoup de Béninois ont salué l’avènement, n’existent aujourd’hui qu’en nombre très réduit.
Devant ce vide, que faire ? Où s’approvisionner en produits pétroliers de bonne qualité sans parcourir une grande distance ? Ce sont là des interrogations légitimes que se posent les consommateurs habitués à s’approvisionner aux abords des voies dans le commerce illicite ou dans le secteur formel. « La nature a horreur du vide ». L’Etat ayant pris la décision de se passer des vendeurs de « kpayo » installés aux abords des grandes artères et des mini-stations qui offraient leurs services, il lui faut maintenant combler ce grand vide. Nul doute que l’opération de libération des espaces publics est inscrite dans le cadre d’une politique globale. Et s’il faut attendre la clôture de la phase de déguerpissement et des contrôles éventuels pour décourager tout récidiviste, les clients de vendeurs de « kpayo » ne réfléchiront pas par deux fois avant de les retrouver dans leur gîte. A moins qu’entre temps, ce type de commerce bascule dans les souvenirs.
Quoi de plus simple aujourd’hui, puisque l’Etat ne veut pas laisser ses espaces être occupés en permanence, de susciter l’implantation des stations-services mobiles ? Un simple appel d’offres suffit pour que des opérateurs économiques, qui n’attendent qu’un appel de pied des pouvoirs publics, s’intéressent à cette activité lucrative. Dans ce cas de figure, l’Etat s’engagerait auprès des banques à suppléer aux dettes des promoteurs si, entre temps, le commerce du « kpayo » reprenait ses droits. Cette solution a l’avantage de rendre les produits pétroliers disponibles à plein temps, mais aussi de sécuriser les investissements qui seraient consentis dans ce cadre par des privés. La croisade voilée contre le « kpayo » aura de beaux jours devant elle si et seulement si le gouvernement applique une méthode réfléchie, coordonnée et non brutale et agressive.



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