Editorial : Le péril du feu

Moïse DOSSOUMOU 30 novembre 2016

Le commerce de l’essence de contrebande communément appelée « kpayo » est menacé. Sous le couvert de l’opération de déguerpissement des occupants du domaine public, les autorités étatiques, sans le mentionner expressément, veulent débarrasser les abords des grandes artères des vendeurs de l’essence kpayo. Depuis plusieurs années que ce commerce florissant a fait son apparition et nourri une bonne frange de la population active qui a pris ses quartiers dans le secteur informel, les abords des voies étaient pris d’assaut par des étalages où sont entreposés des bouteilles et récipients remplis de kpayo. C’est peu dire que cette activité fait partie du décor des centres urbains. Les revendeurs installés le long des voies sont dans la tourmente, huit mois après l’investiture de Patrice Talon à la tête de l’Etat.
Le gouvernement, par le truchement du ministère du cadre de vie et du développement durable, a initié l’opération de déguerpissement des occupants du domaine public. Cette initiative ainsi que son nom l’indique vise à libérer les voies publiques de leurs occupants illégaux. Les commerces pour la plupart sont dans le viseur de José-Didier Tonato et ses collaborateurs qui veulent mettre de l’ordre dans les habitudes des Béninois qui, au fil des années, prennent d’assaut les abords des grandes artères et même des voies secondaires pour y mener leurs activités. Les premiers signaux de cette décision à polémique ont été émis par les préfets qui ont pris soin de dégager les commerçants installés le long des clôtures des établissements scolaires. Vaille que vaille, avec le concours de la force publique, l’opération a connu un certain succès.
Fort de cette première réussite, les préfets reviennent à l’assaut. Le bal est ouvert par Modeste Toboula dont le zèle est bien connu des populations. Pendant que ses pairs allient fermeté et douceur lors des séances de sensibilisation, dans le Littoral, c’est tout le contraire. Soit les occupants libèrent le domaine public, soit ils seront contraints à le faire manu militari. « Nous avons la force », se plait-il à répéter pour indiquer qu’aucune résistance ou rébellion à l’opération de déguerpissement ne sera admise. Au fond, les populations ne contestent pas le bien-fondé de l’opération. Mais il manque à la démarche des pouvoirs publics, notamment à Cotonou, de la pédagogie mais aussi et surtout de l’anticipation. Casser à tout prix n’est pas forcément la solution aux tares de la société. Pour preuve, le ministère du cadre de vie et les préfets réussiront peut-être à libérer le domaine public, mais les vendeurs de kpayo dont l’activité est sujette à mille et une préoccupations résisteront à l’initiative.
C’est une filière qui, quoiqu’informelle, est très bien organisée. Ses animateurs, des importateurs grossistes aux petits détaillants, disposent de plus d’un tour dans leur sac et l’ont déjà prouvé par le passé. Si on les oblige à libérer les grandes artères, ils vont se replier dans les ruelles et même dans les maisons. Les clients qui ne peuvent se passer de leurs produits s’adapteront à cette nouvelle situation. Le risque serait à ce moment que les populations vivront dans la hantise permanente des incendies. Déjà que les contrebandiers enterrent les produits inflammables dans les maisons qui leur servent de dépôt. A la moindre étincelle, ce sont des quartiers entiers qui seront consumés. A défaut de lutter contre ce commerce à la source d’approvisionnement, il vaut mieux réfléchir par deux fois avant d’exposer les populations au péril du feu.



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