Editorial : Soumission ou sanction

Moïse DOSSOUMOU 13 décembre 2016

Patrice Talon a enfin déclaré ses biens. Son nom ne figure plus sur la liste des personnalités qui rechignent à le faire en dépit des dispositions légales qui les y contraignent. Par contre, pendant que le chef de l’Etat s’est exécuté, certains de ses collaborateurs et pas des moindres, des ministres notamment n’ont pas daigné le faire. Huit mois déjà qu’ils sont ministres et depuis, ils ne se sont pas décidés à se soumettre à la loi. Avec eux, un nombre important de députés se sont inscrits dans le lot des rebelles. Du côté des élus communaux et municipaux, les maires, notamment, c’est la catastrophe. Aucun d’eux n’a daigné fournir à la Chambre des comptes de la Cour suprême les précieuses informations réclamées par le législateur. Les cadres de l’administration qui occupent de hautes fonctions aussi se font désirer. Quid des hautes personnalités de l’Etat ?
Si déjà à l’entrée en fonction, les personnalités, élus et hauts fonctionnaires visés à l’article 3 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes ont du mal à déclarer leur patrimoine, qu’en sera-t-il lorsqu’ils seront appelés à déposer le tablier ? La loi évoquée supra fait obligation à tout citoyen occupant des postes de responsabilité à un certain degré de déclarer son patrimoine à l’entrée comme à la sortie de fonction. Les Chambres des comptes des Cours d’appel n’étant pas encore fonctionnelles, seule la Chambre des comptes de la Cour suprême est habilitée à recevoir lesdites déclarations appuyées des titres prouvant la propriété des déclarants. Nonobstant cette contrainte légale, les mis en cause traînent les pas. L’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) a dû révéler une fois de plus le pot-aux-roses.
Le refus de déclaration de patrimoine est une faute passible de sanctions. En effet, les deux derniers alinéas de l’article 4 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes donnent pleins pouvoirs au président de la Chambre des comptes de la Cour suprême pour prendre les sanctions appropriées en cas de violation de la loi. « Le refus de déclaration est puni d’une amende dont le montant est égal à six mois de rémunération perçue ou à recevoir dans la fonction occupée. L’amende est prononcée d’office ou sur dénonciation par le président de la Chambre des comptes ». Force est de reconnaître que jusqu’à présent, ce pouvoir de coercition n’a jamais été exercé. Cet état de choses est de nature à faire le lit de la complaisance.
En optant pour la déclaration de patrimoine des serviteurs de l’intérêt général, le législateur veut s’assurer de leur probité et de leur intégrité pendant tout le temps qu’ils prêteront leurs compétences à l’Etat. Dans l’exercice de leurs fonctions, certaines personnalités peuvent être tentées de distraire les ressources publiques à des fins privées ou encore d’user de leur position pour obtenir des avantages substantiels sur les plans matériel et financier. C’est donc à la fois pour décourager l’enrichissement illicite et les détournements et promouvoir l’intégrité que cette disposition contraignante figure dans le droit positif béninois. De deux choses l’une, soit la loi est appliquée ou elle ne n’est pas. Soit les mis en cause se mettent très vite au pas, soit le président de la Chambre des comptes de la Cour suprême met un terme à la violation de la loi.



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