Editorial : Une dérive regrettable

Moïse DOSSOUMOU 6 août 2015

Patrice Talon n’est pas au bout de ses peines. Ses proches continuent de payer le prix de son divorce d’avec le régime au pouvoir. Exilé à Paris depuis trois années déjà, le magnat du coton ne finit pas d’égrener le chapelet de ses mésaventures avec le gouvernement. La dernière en date est liée au refus opposé à l’un de ses fils de fouler la terre de ses ancêtres. Sollicité pour l’obtention du visa, le consulat général du Bénin à Paris n’a pas trouvé mieux que d’opposer un refus catégorique à cette demande. Ceci n’est qu’un épisode du long feuilleton politico-juridique qui met aux prises Patrice Talon, sa famille et ses proches avec le pouvoir en place.
Comment comprendre qu’une fois arrivés à expiration, un Béninois n’ayant pas pu renouveler ni son passeport, ni sa carte d’identité nationale, décide néanmoins de se servir de son passeport français pour rentrer dans son pays d’origine et qu’on lui refuse le visa sans lequel il ne peut effectuer le déplacement ? Plus qu’un abus, c’est de l’arbitraire, une dérive dangereuse. L’article 25 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 garantit d’ailleurs la liberté d’aller et de venir pour tous les citoyens. Pourquoi après le célèbre « pardon » du 14 mai 2014, les services de l’administration béninoise se sentent obligés de remuer le couteau dans la plaie ?
Ce soir-là, le chef de l’Etat, en prenant l’opinion publique à contre-pied, avait manifesté la ferme intention de mettre fin aux rapports tumultueux qu’il entretenait avec Patrice Talo, son ex mentor. « Dans l’intérêt supérieur de notre pays et de la priorité que j’ai toujours accordée à l’intérêt général, j’ai décidé en mon âme et conscience et en toute liberté, de pardonner… J’exhorte chaque Béninoise et chaque Béninois à tourner définitivement la page de cette affaire et nous atteler ensemble à la résolution des problèmes quotidiens auxquels notre Peuple est confronté. Cette affaire doit être derrière nous tous ». Si plus d’un an après cette déclaration présidentielle, le fils de Patrice Talon souhaite fouler à nouveau la terre de ses ancêtres et qu’on l’en empêche, il faut comprendre que le ver est encore dans le fruit.
Cette situation inadmissible dans un Etat de droit est une atteinte aux droits humains. Nul n’a le monopole du territoire béninois. Le gouvernement qui entretient une telle situation descend assez bas et ternit l’image du Bénin sur le plan international. Le ministre des affaires étrangères est appelé à se prononcer sur ce sujet, car ce serait vraiment difficile de ne pas évoquer sa responsabilité dans ce dossier. De la même manière, les fonctionnaires qui sont au service de la nation, donc de l’intérêt général et qui se laissent instrumentaliser ont une conscience. Qu’ils sachent que la roue tourne. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Abraham Lincoln ne croyait pas si bien dire. “Le silence devient un péché lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation ; et, d’un homme, il fait alors un lâche.”.



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