En toute sincérité : Justice, l'utile report !

François MENSAH 29 avril 2013

Le gouvernement béninois a décidé de jouer les prolongations en reportant les états généraux de la justice. A première vue, une telle attitude pourrait susciter l’indignation chez certains citoyens. Seulement à y voir de près, l’on pourrait comprendre à dessein cette décision qui se révèle sage et judicieuse pour la justice béninoise. N’étant pas visiblement prêt, l’Exécutif a fait le pari de ne point tenir des assises bâclées qui vont finalement déboucher sur des conclusions hâtives et inutiles pour le système judiciaire national. Il vaut mieux reculer pour sauter. Le gouvernement l’a compris en ajournant cette rencontre qui n’aurait abouti à aucun résultat concret, sans le dialogue ni la concertation. Le pays a en effet pris l’habitude de réformer dans la précipitation et le désarroi. Ce qui naturellement donne des résultats peu fiables et éphémères. En vérité, la République n’a pas besoin de décisions brutales et non muries. Les choix doivent être réfléchis et bien préparés. Le gouvernement béninois vient de s’offrir un succès éclatant en décidant de ne pas organiser des assises pour le plaisir d’en organiser. C’est tout simplement la victoire de la maturité et la défaite de l’improvisation. Comme le dit si bien un vieil adage, mieux vaut tard que jamais. Quelle que soit la période, les états généraux de la justice auront lieu, dans de bonnes conditions, si les données ne changent pas. La justice béninoise est en réalité imparfaite. Elle ne résulte pas d’un bouton sur lequel il faut appuyer pour que la vérité jaillisse. La justice est d’ailleurs humaine et dépend des comportements des policiers, des juges, des avocats, des greffiers et des différents acteurs du secteur judiciaire. La justice est à ce juste titre faillible. On ne saurait en débattre sans prendre le temps de se poser des questions essentielles. Les juges ne sont justement pas les amis du peuple puisqu’au civil, ils font mal à certains et n’arrivent pas à satisfaire entièrement d’autres. Au pénal, on se passerait d’eux volontiers. En vérité, la maison justice a des problèmes qu’on ne saurait résoudre au soir d’un séminaire ou d’un colloque. Les ennuis de l’appareil judiciaire ne sauraient être réglés sans une prise de conscience des acteurs du secteur. Il faudra donc scruter dans les arcanes de la maison justice pour définir les priorités et trouver des solutions aux maux qui plombent le fonctionnement de l’appareil judiciaire national. Les juges sont appelés à trancher honnêtement et avec compétence. Si l’appareil judiciaire est confronté à des difficultés, il vaut mieux chercher les solutions à l’interne, notamment sur le plan purement organisationnel. La composition du conseil supérieur de la magistrature ne devrait pas être occultée dans la quête de solutions pour sortir la maison justice de l’ornière. Il faut revoir certains paramètres. Qui sont par exemple les premiers responsables du conseil supérieur de la magistrature ? Qui peut oser déplaire à ceux qui décident de votre carrière ? De nombreuses difficultés attendent les partisans de la réforme de la justice béninoise. Il faudra les braver avec efficacité. Il faut réformer la justice, c’est une évidence, mais il faut aller jusqu’au bout en ne se limitant pas aux seuls juges. Tout le secteur judiciaire a besoin de toilettage. A quoi aurait servi l’enrôlement de milliers de policiers si ces derniers traquent les hors-la loi alors qu’il n’y a pas de juges pour gérer les cas de ces individus sur lesquels la civilisation n’a plus prise ? Un effort remarquable a été fait ces dernières années sur le plan du recrutement des juges, mais il demeure insuffisant. La justice a besoin de réformes, c’est indéniable. Toutefois, il faudra une réforme bien pensée et correctement appliquée à tous les niveaux. Le gouvernement l’a sans doute compris en procédant au report des états généraux de la justice. Le moins qu’on puisse souhaiter est que la tenue de ces assises apporte un souffle nouveau à la maison justice qui en a réellement besoin.



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