En toute sincérité : Justice, le temps des interrogations

François MENSAH 21 mai 2013

Nous n’allons pas nous mettre à faire le travail des juges à leur place. Nous n’avons ni leur formation, ni leur vocation. Nous prenons acte de la décision du juge du 6ème cabinet du tribunal de Cotonou, Angelo Houssou qui a pris deux ordonnances de non lieu dans les dossiers sulfureux de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat et de tentative de coup d’Etat.
Mais, de même qu’il n’y a pas de démocratie sans opposition vivace et vigilante, il n’y a plus de justice quand personne n’est là pour évoquer l’injustice, guetter l’erreur judiciaire possible, être la voix discordante. Les ordonnances de non-lieu s’imposent à tous, à l’effet que l’appel interjeté par le procureur de la République n’annule pas. Vient le temps des interrogations. Pourquoi rendre deux ordonnances de non lieu le même jour pour deux dossiers différents, mais tout aussi chaud l’un que l’autre ?

Même si la loi ne l’interdit pas, la complexité des deux dossiers amène à s’interroger.

Pourquoi ces deux ordonnances interviennent au lendemain de l’obtention de visa de séjour aux Etats-Unis pour le juge instructeur ?

Les faits rapportés par la police nationale qui font état de ce que le soir où il a rendu les ordonnances, le juge instructeur voulait se rendre au Nigeria avec trois valises sont-ils confirmés ? Si oui, pourquoi faire ?

Tout ceci en ajoute à la complexité du dossier. Mais là se trouve tout le charme de l’indépendance du juge. A présent, il existe des voies de recours, notamment la chambre d’accusation de la Cour d’appel qui est déjà saisie, et cette juridiction du second degré dira le droit, confirmera les ordonnances de non-lieu ou les cassera et dans ce dernier cas, ce serait à la cour d’assise de juger les mis en cause. Mais en attendant cela, le calme et la sérénité doivent être de mise. C’est ainsi que l’on doit éviter les voies de fait et ne pas toucher ni à l’intégrité physique du juge Angelo Houssou ni à sa liberté d’aller et de venir.

Si on estime qu’il a commis de faute, il est loisible de saisir le Conseil supérieur de la magistrature qui est seul habilité à apprécier les actes des magistrats. En attendant, tous les regards sont tournés vers le tribunal de Paris qui doit se prononcer ce mercredi sur les demandes d’extradition exprimées par la justice béninoise. Après, ce sera à la chambre d’accusation de la Cour d’appel de trancher. Tout ceci pour nous rappeler que : " la justice est humaine. Elle dépend du comportement des juges, des policiers, des avocats et des justiciables, des convictions des uns et des revirements des autres, elle ne résulte pas d’un bouton sur lequel on appuierait pour que la vérité sorte ; elle est donc par essence faillible. Mais, elle n’est pas faillible partout avec la même fréquence ni avec les mêmes justiciables. " Eric Halphène a tout dit.



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