En vérité : Bon producteur, et après ?

Moïse DOSSOUMOU 6 juin 2019

C’est un résultat plutôt flatteur. Les chiffres sont encourageants et révèlent la qualité des efforts fournis à la fois par l’encadrement technique et le monde paysan. La note de conjoncture économique régionale du 4ème trimestre de 2018 place le Bénin sur un piédestal. Selon les experts qui ont travaillé pour produire ce document, « le Bénin est classé 2ème plus grand producteur de cultures vivrières dans la sous-région, avec une production évaluée à plus de 11 mille tonnes, derrière la Côte-d‘Ivoire (17 mille tonnes) ». Cette prouesse reconnue et célébrée motivera davantage les acteurs de cette embellie qui voudront s’investir davantage pour aller de l’avant. Lorsqu’on parle de cultures vivrières, on sait quel impact elles peuvent avoir sur les ménages et à une échelle plus large sur la nation. Rien qu’en considérant les chiffres, on peut se féliciter de ce résultat qui ouvre la voie à des défis beaucoup plus grands.
Le tout premier est relatif à l’autosuffisance alimentaire. Le Bénin produit-il suffisamment pour nourrir sa population ? Les prix auxquels les vivres sont cédés permettent-ils à la majorité des ménages de s’en procurer régulièrement ? Les paysans sont-ils récompensés à la hauteur de leurs efforts ? Qu’en est-il des terres ? Vu l’urbanisation galopante à bien d’endroits et la frénésie des Béninois par rapport à la terre qu’ils considèrent comme le bien le plus sacré, ne faut-il pas s’inquiéter de la réduction des terres cultivables ? Que fait-on maintenant pour que les années à venir, l’agriculture béninoise soit toujours aussi dynamique ? C’est bien de se bomber le torse aujourd’hui. Que nous réserve demain ? Encore qu’actuellement, en dépit de cette embellie, il reste tant à faire pour sortir l’immensité des ménages de la précarité. S’il est évident que le Bénin produit des milliers de tonnes de produits vivriers au point de tutoyer le sommet dans la sous-région, que fait-il de cette production ?
Le second défi tout aussi important que le premier reste la transformation des vivres. Le maïs, le mil, le sorgho, l’igname, le manioc, la patate, le riz, l’arachide… sont des produits prisés aussi bien par les Béninois que par la sous-région, si on se limite à cette aire géographique. Au lieu de vendre les produits de notre agriculture dans leur forme initiale tels que sortis de terre, pourquoi ne pas se donner pour objectif de les transformer d’abord ? La commercialisation n’aura de valeur ajoutée que par la transformation. Ce procédé fait appel à l’intelligence, à la technologie et bien évidemment à la main d’œuvre. La production de la richesse passe nécessairement par là. Si d’aventure, le Bénin en vient à damer le pion à la Côte-d’Ivoire en se positionnant en tête dans la sous-région, tant que les produits de son agriculture ne seront pas valorisés sur place, la réalité ne changera pas pour autant.
Il en est de même d’autres aliments tels que la tomate qui coûte actuellement les yeux de la tête, alors qu’il y a tout juste quelques semaines, il y en avait à foison. C’est dire que le défi de la transformation est d’une impérieuse nécessité. Il ne sert à rien de se targuer excellent producteur si l’on est incapable de valoriser ce qui sort de la terre. C’est le lieu de le dire. Beaucoup de jeunes inspirés ont compris et se jettent à corps perdus sur cette voie. Passionnés, en dépit des difficultés, ils parviennent à inonder le marché avec les produits de l’agriculture transformés par leur soin. Si le problème de l’emballage et du conditionnement continue de se poser selon le cas, il faut admettre que plusieurs jeunes pousses s’illustrent positivement sur cette voie. Au nom de la production de richesse, ces petites et moyennes entreprises méritent un sérieux accompagnement des pouvoirs publics.



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