En vérité : Eco, la monnaie unique

Moïse DOSSOUMOU 2 juillet 2019

C’est un tournant important, l’objectif ultime de l’intégration. Abuja a vu naître samedi dernier la décision des chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) d’aboutir à une monnaie unique à l’horizon 2020. Ce rêve longtemps caressé par les panafricanistes et autres anti Cfa est-il sur le point de se réaliser ? Difficile de le dire. Pour l’instant, la volonté des dirigeants de la Communauté est manifeste, hormis quelques voix discordantes dont le Nigéria qui préconise d’évoluer à pas mesurés et assurés. Cela fait trente ans que les 15 Etats membres regroupant 300 millions d’habitants, tentent de respecter la feuille de route devant mettre en œuvre cette monnaie unique. Péniblement, la marche lente mais qui semble irréversible suit son petit bonhomme de chemin. Aujourd’hui, le communiqué final qui a sanctionné le 55ème sommet des chefs d’Etat de la Communauté réaffirme leur volonté d’aller vers cet idéal.
Compte tenu des difficultés qui continuent de compromettre ce projet, l’option d’une "approche graduée de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence", c’est-à-dire l’inflation ou encore le déficit budgétaire, a été faite. Ainsi, les pays qui sont techniquement prêts vont accueillir cette monnaie unique à partir de 2020. « L’adhésion » des autres États pourrait se faire « au fur et à mesure ». Les chefs d’Etat ne sont pas allés bien loin pour trouver leur source d’inspiration. Ils se sont contentés du modèle européen. Après cette décision, somme toute historique, il reste à lever des obstacles pour la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes » à l’intérieur de la Cedeao. Et ça, ce n’est pas une mince affaire. C’est même là que réside la plus grosse difficulté de cette intégration économique qui tarde à prendre corps.
Eco, le nom donné à cette nouvelle monnaie devrait remplacer le franc CFA arrimé à l’euro pour huit pays membres (soit 155 millions d’habitants) rassemblés au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. L’Eco devra aussi mettre fin à l’usage des devises nationales pour sept autres pays : « l’escudo » pour le Cap-Vert, le « dalasi » pour la Gambie, le « cédi » pour le Ghana, le « franc guinéen » pour la Guinée, le « dollar libérien » pour le Liberia, le « naira » pour le Nigeria et le « leone » pour la Sierra Leone. Il faut souligner que ces monnaies qui ne sont pas convertibles entre elles ne facilitent pas les échanges entre les Etats. C’est pourquoi, le principe d’un régime de change flexible et une politique monétaire centrée sur la maîtrise de l’inflation ont été formellement adoptés. Quant à la banque centrale, elle sera fédérale pour que chaque pays ait sa voix au chapitre.
Reste à savoir si toutes les conditions seront bien réunies en 2020, ce dont doutent la plupart des spécialistes. « La situation s’est détériorée pour le critère du déficit budgétaire », indique le rapport interministériel remis à tous les chefs d’Etat, ce samedi. Néanmoins, ce n’est pas si mauvais que l’Afrique de l’Ouest ait décidé de se débarrasser de ces monnaies qui ne font pas forcément son bonheur. Le franc Cfa notamment ne cesse de faire l’objet de vives critiques. Si, en dépit de tout, la Communauté parvient à passer ce cap avec succès, un pas de géant serait posé sur le terrain de l’affranchissement économique. Mais attention à ne pas subir les revers de l’Euro. Les nouvelles ne sont pas bonnes de ce côté-là.



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