En vérité : La parole aux partis

Moïse DOSSOUMOU 27 juillet 2020

La nature a horreur du vide. Cette célèbre assertion se vérifie également sur la scène politique. A huit mois de l’élection qui suscite le plus d’intérêt dans une démocratie, on entend presque les mouches voler. Les partis politiques qui débordent d’activités à la veille de ce rendez-vous électoral qui décuple les convoitises sont curieusement abonnés absents. Contrairement aux années antérieures où chaque famille politique se met dans une logique de séduction de l’électorat, cette fois-ci, le personnel politique est dans une logique attentiste. Certes, la réforme du système partisan qui a contribué à une réduction drastique du nombre de creusets politiques en est pour quelque chose. Mais ceci n’est pas une raison pour justifier l’inertie actuelle. Par essence, la raison d’être d’un parti politique, c’est la conquête et l’exercice du pouvoir. A priori, aucun d’eux n’est encore intéressé par la présidentielle. Mais ce n’est pas le cas des jeunes qui s’organisent pour donner de la voix.
En un laps de temps, plusieurs mouvements de jeunes ont poussé comme des champignons. Pour la plupart d’entre eux, le mot d’ordre est le même. Obsédés par la réélection de Patrice Talon, ils font feu de tout bois pour susciter sa candidature. Ces clubs, nés pour la circonstance, demandent expressément au chef de l’Etat de renoncer à sa promesse de mandat unique dont il a fait par ailleurs « une exigence morale ». Chaque semaine, des jeunes, sortis de nulle part, quittent l’anonymat pour supplier Patrice Talon de se porter candidat. Partout ailleurs, le discours est le même. Pour ces mouvements, les réformes opérées ces dernières années et les réalisations physiques à l’actif du régime devraient obliger le chef de l’Etat à rempiler. Pour eux, il est inconcevable que leur idole passe la main à un successeur d’ici quelques mois. En temps normal, s’il faut rester dans la logique des motivations de la réforme du système partisan, ces jeunes devraient s’exprimer sous la bannière des partis politiques.
Cette réforme qui a fait plein de malheureux, est supposée placer les creusets politiques sur un piédestal. Il leur revient en effet d’opiner sur les grands sujets tels que la présidentielle de 2021. L’espace public devait être exclusivement occupé par les membres de la dizaine de partis officiellement en règle. S’il faut susciter une candidature, y compris celle du chef de l’Etat, ce sont des jeunes ayant adhéré à un parti politique et se réclamant comme tel qui devraient prendre la parole. A défaut de présenter un candidat formel maintenant, les partis gagneraient à s’inscrire dans une dynamique de participation à cette élection. Des débats axés sur des projets de société, les attentes des populations, le lancement des primaires à l’interne, l’appréciation du mandat en cours…sont des axes sur lesquels le personnel politique, tous bords confondus, est interpellé. Le mutisme actuel les dessert tout comme l’hyper activité des jeunes ne veut pas dire grand-chose.
Ça peut se comprendre que les uns et les autres soient prudents ou que des conciliabules se mènent en secret. Mais la présidentielle se joue sur la place publique. Au nom de leur autonomie organisationnelle, l’Union progressiste, le Bloc républicain et la Force cauris pour un Bénin émergent, qui ont toutes les cartes en main pour parrainer les candidats doivent prendre les devants. Sur papier, seuls les candidats issus des rangs de la mouvance présidentielle peuvent participer à ce scrutin. Vivement qu’ils sortent de leur torpeur et s’expriment. C’est le moment idéal pour que les partis investissent la scène publique. La flopée des mouvements de jeunes dont le discours reste invariable n’apporte aucune valeur ajoutée au débat de la présidentielle. La parole doit être au personnel politique.



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