En vérité : Une curieuse réforme !

Moïse DOSSOUMOU 13 août 2018

Ils ont vraiment osé. Les membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale sont au cœur d’une polémique. Le code électoral voté par leurs soins et qui sera transmis à la plénière pour étude et amendement suscite moult interrogations. Quelle mouche a bien pu piquer les élus du peuple pour qu’ils ressentent la nécessité de corser, outre mesure, les conditions à réunir pour la validité d’une candidature aux législatives et à la présidentielle ? Il a été annoncé tambour battant que l’une des motivations phares à la base de la réforme d système partisan, c’est de limiter le pouvoir de l’argent en politique. En termes clairs, les débats d’idées, les propositions techniques, les idéologies devraient désormais avoir pignon sur rue. L’influence de l’argent dans le jeu politique et la compétition électorale seraient davantage amoindrie. Paradoxalement, le nouveau code électoral déjà validé par la commission des lois ne s’inscrit pas dans cette dynamique.
Si d’aventure, ce texte est validé en l’état, à l’avenir, chaque liste aux législatives devra mobiliser la somme de deux cent millions de nos francs en guise de caution. Alors que le code actuellement en vigueur n’exige qu’une caution de huit millions trois cent mille, à raison de cent mille francs par candidat. Qu’est-ce qui peut bien expliquer ce grand écart ? Qu’est-ce qui a bien pu fondamentalement changer sous le ciel béninois pour qu’on assiste à une augmentation fulgurante et exponentielle du montant de la caution ? Ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin, la commission des lois enfonce le clou pour ce qui est de la présidentielle. Ainsi, pour prétendre briguer la magistrature suprême, il faut mobiliser au prime abord une somme de deux cent cinquante millions. A la présidentielle de 2016, la dernière en date, la caution n’était qu’à quinze millions.
Les raisons avancées par la commission des lois pour justifier cette posture incompréhensible ont trait à l’assainissement du personnel politique. Quelle vertu poursuit-on avec l’argent comme déterminant et unité de mesure ? Le problème des candidatures multiples et fantaisistes, si c’en est vraiment un, peut être réglé par l’exigence d’un certain nombre de signatures d’élus locaux ou de conseillers municipaux et communaux. Une candidature ou une liste sérieuse n’aurait aucun mal à obtenir les faveurs de ces élus à la base qui sont directement et quotidiennement au contact des populations de nos différentes contrées. Les élus du peuple, membres de la commission des lois, n’ont pas cru devoir nourrir de telles exigences. Pour eux, la seule valeur qui compte, c’est l’argent. Ces cautions exagérément fixée à la hausse ne sauraient être la conséquence du financement public de l’activité des partis politiques. C’est à la limite indécent que de telles dispositions figurent dans le futur code électoral du Bénin, pays considéré comme le berceau de la démocratie en Afrique francophone.
Le comble dans la série de trouvailles de la commission des lois, c’est la barrière érigée contre les anciens chefs d’Etat, qui devront, à moins que la plénière en décide autrement, renoncer à leurs avantages avant de se porter candidat aux législatives. Difficile de ne pas voir en cette disposition des manœuvres purement politiciennes. Pourtant, les membres de la commission des lois ne sont pas sans ignorer qu’une loi se doit d’être impersonnelle. Ces facteurs d’exclusion portent en eux-mêmes les germes de l’implosion. L’actualité de la sous-région nous en donne l’illustration. Le tollé suscité par ces soi-disant « innovations » devrait inspirer l’ensemble des 82 députés à rentrer en eux-mêmes pour amender le texte afin de le débarrasser des vices qu’il contient. « Quiconque frappera dans la cendre amassée en respirera le nuage de poussière nocif », dit un adage. Parce que la roue tourne, prenons garde de ne pas saper les fondements démocratiques du jeu politique.



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