L’ŒIL JURIDIQUE : Sauvons le code pénal !

Landry Salanon 10 avril 2014

Le code pénal applicable au Bénin est celui rédigé par Jean Gaston Bouvenet. C’est un recueil de textes rendus applicables dans les colonies françaises d’Afrique de l’Ouest par un décret du 06 mai 1877. A la date de publication de cette chronique, le code pénal cumule cent trente sept (137) ans, et est toujours appliqué au Bénin. Loin de tout peindre en noir, je voudrais relever quelques infractions qui renforcent le caractère obsolète de ce recueil de textes : le vagabondage, la mendicité et les cérémonies ruineuses.
La mendicité est le fait de mendier, c’est-à-dire de demander l’aumône, don charitable fait à un pauvre. Elle est encore réprimée par le code pénal de 1877. Question alors : Combien de fois aviez-vous vu un mendiant comparaître à la barre d’un tribunal ? Et pourtant, ils sont des dizaines qui assiègent nos carrefours et les feux tricolores, sous le regard impuissant de nos autorités.
Le vagabondage est l’état d’une personne qui n’a ni foyer, ni revenu fixe et erre à l’aventure, où ses pas la portent. Le vagabondage est considéré comme un délit. Des centaines de personnes répondent à ces critères au Bénin, et pourtant, rien…
Les cérémonies ruineuses : sont le fait d’avoir à l’occasion des cérémonies funéraires ou de mariage, effectué des dépenses de denrées, boissons et services de toute nature. En République du Bénin, ce sont les articles 2 alinéa 2 et 8-1 et les articles 3 et 8-1 de l’ordonnance 11/ PR/MJL du 05 mai 1967 tendant à réprimer les dépenses excessives à l’occasion des cérémonies familiales qui fixent les peines encourues par les personnes reconnues coupables de cérémonies ruineuses. Ce texte de loi précise que lorsqu’il s’agit des cérémonies funéraires, toutes les dépenses effectuées ne doivent pas être supérieures à dix mille (10. 000) francs Cfa. Quant aux dépenses de mariage, le montant total à dépenser est de vingt mille (20.000) francs Cfa. Les cérémonies ruineuses constituent un délit puni d’un emprisonnement de un mois à trois mois et d’une amende de vingt mille (20.000) à deux cent mille (200.000) francs Cfa. Ces dispositions, bien que n’ayant pas été expressément abrogées, sont caduques, et par conséquent, inapplicables.
Il serait tout de même loisible de rappeler qu’un projet de code pénal béninois est introduit à l’Assemblée Nationale depuis 1995 (Soit 19 ans en 2014). L’étude en commission est déjà terminée et le vote de ce projet de loi faisait partie des cinq points inscrits à l’ordre du jour de la 2ème session extraordinaire parlementaire de l’année 2013. Mais les attentes de certains juristes sont restées en l’état. Et pourtant, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, qui faisaient aussi partie des Etats de l’Afrique Occidentale Française disposent depuis des années de leur code pénal. Or, mon pays le Bénin est doté aussi d’un parlement, qui cumule déjà six législatures. Des projets de loi d’une importance moindre que celle du Code pénal ont été déjà votés et promulgués avec célérité. Des actes qui amènent des analystes à conclure que "le vote du projet de code pénal du Bénin ne constitue pas la priorité des représentants du peuple". Dommage n’est-ce pas ? En 2013, la France, le pays colonisateur éditait la 110ème édition de son code pénal. Ahurissant n’est-ce pas ?
Le projet code pénal béninois a déjà passé 19 ans à l’Assemblée Nationale. Il est déjà majeur, et par conséquent autonome. Honorables députés, libérez-le, en procédant à son vote.



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