La phobie du numérique

Moïse DOSSOUMOU 24 août 2020

Le verdict est sans appel. Il dresse, toutes proportions gardées, l’état des lieux. On en sait un peu plus sur les aptitudes des agents publics appelés à relever le défi de la dématérialisation de l’administration. Comme l’a mentionné le Programme d’actions du gouvernement, l’implication du numérique dans plusieurs procédures administratives est enfin à l’ordre du jour. Après la phase de la déclaration d’intention, il est venu celle de la mise en œuvre. Conçues pour révolutionner les pratiques afin de procurer des gains substantiels de temps aux usagers des services publics, les plateformes devant matérialiser le basculement de la paperasse au numérique attendent d’être utilisées comme cela se doit. Visiblement, ça coince à ce niveau. Si en aval, le public devra se mettre au pas sans se faire prier, il va sans dire que les fonctionnaires et assimilés se trouvant en amont et qui sont chargés de recevoir les demandes et de les traiter pour donner satisfaction aux demandeurs soient opérationnels.
Visiblement, tel n’est pas le cas. Selon le compte-rendu du Conseil des ministres du mercredi 19 août dernier, le constat est plutôt effarant. Sur 1540 agents évalués entre le 27 novembre 2019 et le 7 février 2020, seulement deux se sont montrés aptes à relever le défi de la dématérialisation. Il y a de quoi être étonné. 1538 travailleurs ont ainsi échoué. En termes de pourcentage, 99,87% de personnes évaluées sont passées à côté de l’objectif. Elles ont, en effet, obtenu un score en dessous de 75% qui est, soit dit en passant, le taux homologué au plan international. Face à cette réalité, le gouvernement n’aura pas d’autre choix que de procéder au renforcement des capacités des intéressés ainsi que de tous ceux qui n’auraient pas les notions nécessaires pour répondre avec efficacité aux exigences de notre époque. Cela va d’ailleurs de soi, puisque si les agents publics ne savent pas manipuler les outils du numérique, l’objectif de la dématérialisation ne sera nullement atteint.
Certes, le Conseil des ministres n’a donné aucune précision sur les agents évalués. Proviennent-ils tous d’une seule administration ou d’horizons divers ? Quelles sont leurs qualifications ? Sont-ils des agents de conception ou d’exécution ? Cet échantillon de 1540 personnes est-il représentatif ? De toutes les manières, en général, la plupart des utilisateurs de l’ordinateur se bornent à privilégier le logiciel Word dont ils ne maîtrisent d’ailleurs pas toutes les fonctionnalités. Quand ils sont sur internet, l’essentiel est de savoir envoyer, de recevoir des mails et de faire éventuellement des recherches basiques. Force est de constater que les outils tels que Excel, Powerpoint, Outlook et autres qui requièrent plus de doigté et de technicité, n’ont pas beaucoup de fans. Seuls les curieux, les amoureux de l’outil informatique ou encore ceux qui sont obligés de s’en servir pour des raisons professionnelles y sont habitués. A l’heure actuelle, ce sont les plus heureux.
Quoi de plus raisonnable que d’être en phase avec les nécessités de son temps ? Ces derniers mois, il faut reconnaître que plusieurs procédures, naguère longues et harassantes, ont été dématérialisées. La délivrance du passeport et du casier judiciaire en est une parfaite illustration. Dans l’administration fiscale, les habitudes sont également bousculées avec la transmission des états financiers qui se fait désormais en ligne en vue de l’obtention de l’attestation fiscale. Il en est de même des déclarations à la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss). Face à toutes ces nouveautés, il est de bon ton que les travailleurs des secteurs publics notamment ceux qui interviennent sur les plateformes fassent preuve de pro-activité en se formant pour répondre efficacement aux attentes. C’est toujours mieux de se prendre en charge soi-même au lieu d’attendre chaque fois le gouvernement.



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