Liberté de ton : A l’ère des injures !

Moïse DOSSOUMOU 10 décembre 2013

Notre société vibre au rythme des dérives verbales. Produites à profusion, ces insanités servies à temps et à contretemps, meublent d’innombrables échanges, au mépris de toute règle de civilité. Rien n’arrête la furie de ces fanatiques de la mauvaise parole qui en abusent, pour peu que l’opportunité leur est offerte de se mettre en scène. Du berceau à la tombe, toutes les tranches d’âge s’illustrent dans la manifestation de ce phénomène ambiant.
Le drame, c’est le sort des enfants en âge préscolaire, qui sous l’influence de leur entourage, excellent dans ces travers. Des mots puants qui sortent par saccades de ces bouches innocentes font tomber à la renverse. Abondamment nourris à la source de l’indécence dès leur naissance, ils ont tôt fait d’imiter leurs proches experts en la matière. En public, occupés aux jeux avec leurs copains, ils s’administrent naïvement ces raclées verbales. Leur jeune âge ne leur permet pas en effet de mesurer la portée de leurs propos. En présence de leurs géniteurs, ils tiennent la dragée haute d’autant plus qu’ils tiennent cette manie d’eux. Curieusement, la gêne que peuvent ressentir ces derniers en de pareilles circonstances, ne s’accompagne pas de la réaction appropriée à même de décourager leurs progénitures qui prennent plaisir à proférer de telles grossièretés.
Le constat est aussi désobligeant dans le cercle des jeunes gens et jeunes filles. Qu’ils soient scolarisés ou pas, c’est avec le même entrain qu’ils se décochent des flèches aux pointes bien acérées, oubliant que « la langue qui fourche fait plus de mal que le pied qui trébuche ». Et entre amis, où une certaine estime doit être de mise, c’est la même rengaine qui s’observe.
La médaille d’or de ce championnat qui défie toutes les règles de la civilité revient incontestablement aux conducteurs de taxi-motos, communément appelés « zémidjans ». En dehors de leur conduite approximative, ils ont trouvé un autre terrain de prédilection qu’ils affectionnent particulièrement. Osez-vous en prendre à eux et vous en aurez pour votre compte. Un mauvais dépassement, un moment d’inattention, une erreur de freinage, un léger accrochage et ça y est. En pleine circulation, où chaque conducteur se ménage pour arriver à bon port, les insanités pleuvent à la vitesse de la diarrhée impossible à contenir. Oubliant que les loups ne se mangent pas entre eux, ils ne se font aucun cadeau. De part et d’autre, les insultes pleuvent sans discontinuer. Comme si l’escalade verbale ne suffisait pas, ils en viennent même aux mains, comme si le fait de déverser sur autrui le trop plein de frustrations accumulées pouvait améliorer leur sort.
Les mégères du quartier ne sont pas du reste dans la manifestation de ce désastre moral. Elles alimentent en effet leur environnement de paroles malodorantes qu’elles ont l’art de produire en quantité industrielle. Si l’envie vous vient d’apprécier leur force de frappe, donnez-vous la peine de provoquer une de ces femmes oisives, aigries, désabusées par la vie et vous serez généreusement servis. Pourtant, comme le dit le proverbe, « les marques du fouet disparaissent, la trace des injures, jamais ». « Les récurrentes disputes des marchés, sur les lieux de travail et même sur les lieux de culte témoignent de l’ampleur du mal.
Pour inverser la tendance au sein de ce peuple aussi friand d’injures et de bagarres, il faut revenir naturellement aux fondamentaux de la morale, d’où le renforcement de l’instruction civique dans les écoles maternelles et primaires. Mais avant, la famille, première cellule de la société a la lourde obligation d’encadrer au mieux les enfants qui prennent pour paroles d’évangile tout ce qui sort de la bouche de leurs aînés. Une censure rigoureuse de la parole doit être de mise tant au niveau des parents qu’à celui des domestiques et nourrices qui sont le plus au contact des tout petits. Plus encore, une rééducation des adultes au choix de la tolérance et de la maîtrise de soi s’impose. Car, comme le dit le sage,« Si tu n’as pas des mots plus forts que le silence, tais toi ».



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