Entretien avec M'po Gui N'Dah, expert en construction de Tata Somba : "Tous les Tata sont spirituels parce qu'en leur sein, habitent les esprits des ancêtres…”

3 janvier 2023

Les bâtiments atypiques des populations de l’Atacora dénommés ‘‘Tata Somba’’ sont l’une des merveilles du Bénin. Leurs spécificités et leurs caractéristiques sont une attraction de plus pour le tourisme. Ces bâtisses sont communes à plusieurs peuples de la région. Qu’ils soient Otammari, Lamba, Gangamba, Béberbè ou Yindé, Djerma, Peuls, Bariba, Cotocoli, ils ont pour point commun ces Tata Somba. Il en existe sous plusieurs forms, axeés sur plusieurs rites traditionnels et spirituels. Dans cet entretien, M’po Gui N’DAH, expert en construction de Tata et originaire de Boukomb,é dévoile le mystère de ces merveilles.

Qu’entend-on par "Tata" ?
"Tata", c’est le diminutif de "Tatamantchienta" qui veut dire la maison d’un Otamari, les bâtisses en terre. Donc "Tata" égal à "Tatamantchienta". On a coupé ça pour permettre aux gens de pouvoir le prononcer plus aisément et plus facilement.

Comment se déroule en effet le processus de construction des Tata ?
Pour construire un Tata, il faut d’abord y être initié, il faut être un Otamari initié, avoir l’âge adulte et finir toutes les cérémonies d’initiation. Tu vas sur le terrain de tes parents et le papa te montre son domaine, là où tu peux construire.

Quelles sont les périodes propices pour construire un Tata ?
Pour construire un Tata, c’est la période de saison sèche qui est recommandée. C’est-à-dire qu’on ne construit pas le Tata pendant la saison pluvieuse. Jamais !

Y a-t-il des conditions qu’il faut remplir avant de déclencher le processus de construction ?
Il y a un processus bien défini. Tu dois aller consulter pour voir si l’emplacement retenu pour la construction est bon et verifier si l’eau ne stagne ce niveau là, l’eau ne reste-t-elle pas là ?

Comment faut-il remplir ces conditions ?
Il faut être Otamari, prendre connaissance des préceptes au niveau des ancêtres.

A quelle échéance et pourquoi ?
Il n’y a globalement pas d’échéance. Si tu veux construire un Tata, tu te prépares pendant au moins un an parce qu’il faut aller couper du bois et attendre qu’ils deviennent sècs d’abord avant la fondation.

Que peuvent subir les personnes comme conséquence si ces conditions ne sont pas respectées de bout en bout ?
Si les conditions requises ne sont pas respectées, ton Tata peut tomber très rapidement parce que les matériels utilisés ne sont pas efficaces. Par exemple, si c’est dans un sous bassement, le Tata va s’effondrer très rapidement. Si c’est un lieu que les esprits traversent, et que tu as insisté pour y construire, tu auras des problèmes à savoir le manque de sommeil, les cauchemars et donc tu ne pourras plus habiter ce Tata.

Quelles sont les principaux types de Tatas qu’on rencontre ici à Boukombé ?
Ici à Boukombé, il y en a quatre types ‘‘Tata’’. Le premier grand type est dans la plaine à Boukombé et est appelé "Tata Ochao’’. Il y a le “pientirou" dans l’arrondissement de Tampotre ; "Ossori" qu’on rencontre généralement à Kosso et à Koutagou et le "Okpanri" avec plusieurs greniers à sa devanture, qu’on les rencontre à Kosso et dans les environs des montagnes.

N’importe qui peut-il habiter dans les Tatas ?
Oui bien sûr. N’importe qui peut habiter dans les Tatas. Mais n’importe qui ne peut pas enconstruire.

La construction de Tata relève-t-elle de la mode ou de la nécessité ?
Au départ ça relève de la mode mais de nos jours, ça relève de la nécessité. Il y a des Tatas vraiment importants à savoir les "Tatas sacrés" qu’il faut forcément conserver.

Pourquoi faut-il construire un Tata ? Est-ce une recommandation traditionnelle ?
Le Tata est l’habitat traditionnel, authentique d’un Otamari. L’Otamari n’avait pas autre habitat, autre chambre que son Tata. Donc tout ce qu’il faisait, c’était dans le Tata. Mais aujourd’hui, à cause du modernisme, il y a des chambres rectangulaires qu’on adopte au détriment des Tatas.

Les Tatas détiennent-ils des forces invisibles ? Si oui, lesquelles ?
Bien sûr ! Le Tata est en quelque sorte un temple et donc détient des forces invisibles et visibles qu’on ne peut pas se mettre à citer ici.

Quel est en moyenne le temps que peut durer un Tata ?
Le Tata est une bâtisse centenaire. Il y a des Tata qui ont plus de 200 ans aujourd’hui. Seulement il faut à chaque saison l’entretenir.

Les nouvelles constructions de Tata respectent-elles toujours les normes de l’ancien temps ?
Plus ou moins. Les matériaux ne sont plus les mêmes et donc on ne peut plus avoir les gros bois comme aux temps de nos ancêtres. De plus, la terre d’aujourd’hui est beaucoup plus mélangée avec des produits chimiques et donc ne peut pas donner les mêmes résultats.

Quels sont les rites traditionnels qu’ont en commun ces types de Tatas ?
Il y a le rite de naissance, il y a le rite d’initiation, il y a le rite mortuaire et celui funéraire. Tout ça est commun aux différents types de Tata.

Tous les Tatas sont-ils spirituels ?
Oui tous les Tatas sont spirituels parce qu’en leur sein, habitent les esprits de la famille, les esprits des ancêtres.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll)



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