Grossesse gémellaire : le plaisir au bout du calvaire

La rédaction 27 juin 2019

Quand une femme tombe enceinte, elle s’attend généralement à un enfant au bout de huit ou neuf mois. Mais certaines femmes font exception à la règle en concevant deux ou plusieurs enfants à la fois. Pour certaines, porter une grossesse gémellaire, c’est une partie de plaisir, mais pour d’autres, c’est presqu’un calvaire.

« Habituellement, j’ai un gros ventre quand je suis enceinte. Alors, je ne me suis vraiment doutée de rien lorsque je portais mes jumelles », révèle dame Charlotte, la trentaine environ et originaire du département des Collines. Toujours surprenante mais plausible. Imprévue comme c’est souvent le cas. Il s’agit de la grossesse à fœtus multiple et plus précisément de celle gémellaire. Dans les milieux ruraux, on n’accorde pas de l’importance à l’échographie, d’où la surprise à l’accouchement. D’un air souriant et détendue, dame Charlotte partage son expérience : « Hum ! Je pensais avoir fini avec les douleurs de l’enfantement et le fait de pousser à la sortie du premier bébé, mais non. La sage-femme me fit comprendre que ce n’était que le premier bébé qui venait de sortir, il restait donc le deuxième », confie-t-elle.
C’est face à cette surprise que se retrouvent certaines femmes. Beaucoup d’entre elles ne le découvrent qu’à l’accouchement comme c’est le cas chez Charlotte. Par contre, d’autres reçoivent l’information bien avant l’accouchement notamment grâce à l’échographie ou grâce à des signes avant-coureurs. Parlant de signes avant-coureurs, des femmes constatent une certaine différence entre la grossesse à fœtus unique qu’elles ont porté et celle gémellaire. « Plus ma grossesse évoluait, plus son volume et sa longueur inquiétaient plus d’un. Même à l’hôpital où j’allais me faire ausculter, les sages-femmes m’ont dit à plusieurs reprises d’aller dans un grand hôpital afin d’en avoir le cœur net », a dit dame Kéda. En ce qui concerne dame Valérie, elle a su que sa 2ème grossesse est gémellaire au 4ème mois suite à des douleurs qui l’ont poussée à aller à l’hôpital. « Une fois au centre de santé, une échographie m’a été demandée. C’est cela qui a révélé que je porte deux enfants », a-t-elle dit avec émotion. « Mon épouse en a été informée dès le premier mois de la grossesse », a fait savoir Sok, l’époux de dame Adjoua. Ce jeune couple a, avec stupéfaction, reçu la nouvelle.

Double émotion !
Noëllie, 36 ans, a eu peur à l’annonce de la nouvelle. « Aoh ! S’il vous plaît, aidez-moi. J’attends des jumelles », ainsi s’est-elle mise à se lamenter dans les rues de Zézounmè, un quartier de Cotonou après avoir quitté la maternité. Pour cette dame, ce jour, il y a environ 6 ans, c’était comme si le ciel lui était tombé sur la tête. « En effet, j’avais déjà trois enfants. A peine, nous arrivions à joindre les deux bouts. Je me demandais alors comment prendre soin des deux filles sur le point de naître puisque j’étais au 6ème mois de la grossesse », explique-t-elle tout en ayant encore la chair de poule même des années plus tard. Cependant, Noëllie n’est pas la seule à réagir de la sorte. Avoisinant aujourd’hui la cinquantaine, dame Kéda, coiffeuse, a conçu des jumeaux alors que son époux, agent de sécurité, ne voulait plus d’enfant parce que le couple était démuni et avait déjà deux garçons. Ils ont même voulu avorter mais tous leurs efforts ont été vains. Presqu’à terme, l’échographie lui révèle qu’elle attend des jumeaux. A cette nouvelle, Kéda a définitivement perdu sa sérénité. Néanmoins, elle a gardé son calme jusqu’à son domicile. Mais une fois chez elle, abattue et découragée, elle a demandé à ses clientes voulant être tressées de partir. « Quelle misère me suis-je encore attirée ! Avec cette pauvreté, comment vais-je entretenir ces enfants, vu surtout l’attitude de mon époux », s’est-elle mise à s’écrier, pleurant. Trente ans après, elle raconte son expérience les yeux larmoyants.
Quant à Adjoua, une jeune fonctionnaire vivant à Godomey-Togoudo, elle s’est affolée à cause de sa morphologie lorsqu’elle a su que ce sont des jumelles qu’elle porte à un mois de grossesse. « J’ai craint d’éventuelles complications, car j’étais vraiment effilée et en plus j’étais à mon premier geste », déclare-t-elle avec soupir. Effectivement, elle a expérimenté un développement exagéré de son corps et des pieds très enflés à tel point qu’elle était tout le temps alitée.
Il faut dire cependant que ce ne sont pas toutes les femmes porteuses de plus d’un fœtus qui sont anxieuses à l’annonce de la nouvelle. Pendant que les unes pensent aux implications, les autres remercient Dieu de leur avoir donné deux êtres d’un coup. « Quoique j’étais à mon 6ème geste, j’ai débordé de joie lorsque j’ai su par échographie que je portais deux filles. Pour moi, c’est une grâce divine », telle est la façon dont dame Jocelyne, a accueillie l’information, il y a une vingtaine d’années. Dame charlotte a aussi eu le même sentiment même si c’est sur la table d’accouchement qu’elle a appris qu’elle portait des jumelles. A l’en croire, le Créateur lui a fait grâce en lui accordant deux filles en un seul geste.

Une partie de plaisir ou un calvaire ?
Les expériences diffèrent d’une femme à une autre. « J’ai normalement vécu cette grossesse. Je n’ai pas eu de difficultés particulières. D’ailleurs, j’ai accouché par le bas », confie allègrement Charlotte. A l’en croire, sa grossesse gémellaire a évolué normalement comme une grossesse à fœtus unique.
Mais contrairement à charlotte qui a porté sa grossesse gémellaire sans heurt, Valérie a connu des douleurs dès le 4ème mois. A ses dires, au 6ème mois, elle a eu des menaces de fausses couches. « J’ai dû être hospitalisée pendant un mois avant l’accouchement afin d’éviter de faire des prématurés. J’ai reçu des soins médicaux particuliers à cause des difficultés sanitaires observées à mon niveau », affirme-t-elle. Adjoua quant à elle, à partir du 6ème mois, elle ne pouvait plus soulever ses pieds, car elle avait des œdèmes exagérés. « J’ai fait quatre ou cinq fois ma corpulence lors de la grossesse. J’étais énorme. J’ai dû rester couchée tout le temps jusqu’à terme », fait-elle savoir tout en ajoutant qu’elle a eu des menaces de fausses couches. Elle a subi une césarienne à l’accouchement afin de sauver les enfants et elle-même. « A quelques mois de grossesse, une fois assise, je devais m’appuyer sur mes mains mises derrière. Plus la grossesse évoluait, plus son volume et sa longueur inquiétaient plus d’un. En effet, l’échographie a montré que l’un des fœtus est positionné en largeur et l’autre a posé sa tête sur lui », précise Kéda. A l’entendre, vu la disposition des enfants, le 1er enfant a été accouché par le bas mais le 2ème est né par césarienne. « Aucun de mes accouchements n’a été si pénible », affirme-t-elle. Lucrèce a aussi eu une grossesse gémellaire difficile. « A 4 mois, mon ventre était énorme. J’avais des menaces de fausses couches. Ma sage-femme m’a suivie de très près avec des soins particuliers. J’ai fait deux beaux garçons mais prématurément et par césarienne », se remémore-t-elle toute crispée. Malgré l’accouchement par voie basse de Jocelyne, elle a connu des difficultés ayant poussé sa sage-femme à lui recommander le repos au lit à partir du 6ème mois jusqu’à terme.

Et pourtant … !

Même si certaines femmes vivent de façon inconfortable leur grossesse gémellaire, la joie, l’euphorie, la satisfaction et la gratitude vis-à-vis du créateur pour leur avoir permis de faire d’une pierre deux coups sont les sentiments qui les animent après l’accouchement. C’est le cas de Adjoua qui a fait deux filles. « Après notre mariage, mon époux et moi avions attendu huit mois avant de concevoir. Et comme surprise, Dieu nous accorde deux belles filles à la fois. Lorsque je les ai vues à la crèche, j’ai oublié toutes les souffrances de la grossesse. Notre joie est à son comble », s’exprime-t-elle en laissant transparaître un sentiment de satisfaction. De même, Kéda dit avoir été très joyeuse une fois après avoir vu ces jumeaux devenus tous aujourd’hui des adultes. « Ces deux garçons font mon bonheur depuis leur naissance. Et contrairement à mes craintes, je n’ai jamais manqué de quoi subvenir à leur besoin », confie-t-elle avec beaucoup d’enthousiasme sans oublier de mentionner que ce sont d’ailleurs eux qui prennent soin d’elle aujourd’hui. Que ce soit Valérie, Jocelyne, Noëllie… leur contentement devient très manifeste sur leur visage quand elles parlent de leur sentiment après la délivrance. Etant gratifiés de deux enfants en un seul geste, certains couples décident de s’en arrêter là. Faire plus d’un enfant à la fois est donc vu comme un raccourci par certains. C’est le cas de Noëllie qui, après ses jumelles, n’a plus voulu avoir d’autres enfants. De la même façon, l’époux de Adjoua ne veut plus que son épouse fasse d’autres enfants car, il n’en voulait que deux. « Nous nous étions entendu sur ce point même avant le mariage. Nos deux filles nous suffisent largement », confie-t-il.

Dr Elodie TOVIESSI au sujet des grossesses gémellaires :
« Le suivi médical d’une porteuse de jumeaux doit être plus corsé »
Il est un plaisir d’accoucher d’un enfant mais ce plaisir se multiplie quand en un seul geste, on en fait deux ou plus. Cependant, la grossesse gémellaire mérite d’être mieux comprise pour être bien vécue et pour éviter d’éventuels risques de complication. Le médecin gynécologue, Dr Elodie Toviessi, renseigne à ce propos.

Avez-vous déjà suivi une femme porteuse de jumeaux jusqu’à terme ?
Oui, nous recevons beaucoup de patientes porteuses de grossesses multiples dont la grossesse gémellaire. Il nous est déjà arrivé d’en suivre du début jusqu’à l’accouchement et même dans les suites de couche et ce, lorsqu’elles viennent tôt à l’hôpital.

Existe-t-il des facteurs basés sur des preuves scientifiques qui augmentent la possibilité d’avoir des jumeaux ?
Il y aurait des facteurs alimentaires tels que la consommation de beaucoup d’ignames et de patates, des produits riches en protéine comme le lait favoriseraient la conception des jumeaux. Le fait de rester dans une zone ensoleillée ou d’avoir des rapports sexuels à une période d’apparition de la lune favoriserait également la conception des jumeaux. Mais aucun de ces facteurs avancés n’a fait l’objet d’une étude scientifique qui permette de les relier à la conception de jumeaux. Donc, il n’y a aucune preuve scientifique par rapport à ces facteurs.

Y a-t-il des signes particuliers pouvant permettre à une femme enceinte de savoir si elle attend des jumeaux ?
Lorsqu’une femme est enceinte elle voit des signes comme le retard des règles qui est appelé aménorrhée. Elle ressent des symptômes comme la fatigue, la nausée, une tension au niveau des seins et des douleurs au bas-ventre qui lui font suspecter qu’elle attend un bébé. Mais ces signes à eux seuls ne permettent pas de dire qu’il s’agit d’une grossesse d’un seul embryon ou gémellaire.

Comment fait-on alors le diagnostic d’une grossesse gémellaire ?
Pour faire le diagnostic de grossesse gémellaire, il faut réaliser un examen et si la taille de l’utérus est supérieure à la norme, on peut suspecter une grossesse gémellaire qu’on confirmera par un examen échographique qui nous permettra de voir qu’il y a effectivement deux embryons ou deux fœtus.

Les symptômes et sensations pendant la grossesse sont-ils différents lorsqu’il s’agit des jumeaux ?
Je dirai oui et non. Oui, parce que lorsqu’une femme est enceinte, elle peut ressentir de la nausée, des vomissements, de la fatigue, des vertiges, une tension douloureuse au niveau des seins. Tous ces symptômes peuvent être majorés lorsqu’il s’agit d’une grossesse gémellaire.
Non, car il peut arriver que ce ne soit pas le cas. En effet, une femme à fœtus unique peut ressentir des symptômes majorés. C’est donc au cas par cas.

Quelles sont les transformations physiologiques ou physiques observées chez une femme porteuse d’une grossesse gémellaire ?
L’organisme s’adapte à la nouvelle situation. Le cœur bat plus vite. Les seins peuvent devenir beaucoup plus volumineux. De même, la taille de l’utérus devant porter les bébés dépasse la taille normale pour une grossesse à fœtus unique. En outre, la femme prend beaucoup plus de poids. En plus, elle connaîtra de la rétention d’eau, ce qui va lui causer des œdèmes. Quoique ces transformations soient aussi remarquables chez une femme porteuse d’un fœtus unique, elles sont tout de même majorées chez celle qui porte des jumeaux.

Parlant des besoins alimentaires et du suivi médical, quelles sont les particularités ?
Quand une femme attend des jumeaux, ses besoins énergétiques et alimentaires augmentent puisqu’il y a au moins deux fœtus qui doivent grandir, raison pour laquelle elle doit s’alimenter un peu plus qu’une femme à fœtus unique. Elle pourrait accroître sa ration alimentaire de un à deux repas. Cependant, il faut obligatoirement que ces apports alimentaires soient beaucoup plus qualitatifs que quantitatifs. Sur ce, elle doit augmenter ses besoins en énergie, en protéines, en fer, en vitamines et en minéraux.
Le suivi médical d’une grossesse gémellaire est un peu plus corsé à cause des risques d’avortement précoce ou tardif, d’accouchement prématuré, d’hypertension artérielle… S’il arrive que l’on décèle une certaine anomalie, le suivi sera plus rapproché. Il peut également advenir que les examens échographiques soient faits à une fréquence plus élevée en vue de mieux surveiller les fœtus surtout lorsqu’ils ont le même placenta et sont dans la même poche.

Après l’accouchement, le suivi médical est-il différent de celui d’un accouchement non gémellaire ?
Il faut noter avant tout que toute femme qui vient d’accoucher mérite une attention particulière, car la période qui suit directement l’accouchement est la plus dangereuse pour elle. De ce fait, le suivi doit être aussi bien pour une femme qui a accouché un seul bébé que pour celle qui a fait des jumeaux dans le but d’éviter les complications et de vite les prendre en charge au cas où elles existeraient. La différence chez la femme qui a mis au monde des jumeaux est qu’elle a eu un utérus plus gros lors de la grossesse. De ce fait, l’utérus a souvent du mal à se rétracter c’est-à-dire à reprendre sa forme normale, ce qui fait que le risque de saignement chez cette femme est plus grand. Par conséquent, il faut augmenter particulièrement l’attention à son niveau afin de prévenir les risques de complication.
Hormis cela, il faut suivre la mère des jumeaux pour qu’elle puisse mieux prendre soin des enfants parce que ce n’est pas toujours facile. En effet quelques fois, certaines mères de jumeaux sont dépassées par les événements. Elles doivent être aidées dans l’allaitement maternel, dans le suivi des enfants pour qu’ils soient présentés au pédiatre et être vaccinés. De même, concernant la mère elle-même, il urge de suivre les suites de couches pour voir si tout se passe bien.

Vos conseils
Je dirai simplement que la grossesse est un évènement normal qui mérite une attention particulière et un suivi particulier. Raison pour laquelle il faudrait que, lorsqu’une femme pense qu’elle est enceinte, elle puisse consulter le plus tôt possible, respecter les rendez-vous de consultation, les prescriptions médicales parce qu’on observe des femmes qui ne viennent même pas en consultation tout au long de la grossesse et c’est parfois au moment de l’accouchement qu’on se rend compte qu’il y a deux bébés parce qu’elles n’ont jamais fait l’échographie. Donc, il faut que les femmes prennent l’habitude de consulter lorsqu’elles tombent enceinte, j’insiste sur cela.
Réalisé par Sinatou ASSOGBA (Coll.)



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