Multi partenariat sexuel : Une vie sentimentale mouvementée sous le voile du plaisir intense

La rédaction 13 mars 2014

Beaucoup vivent aujourd’hui la sexualité de façon dispersée. Malgré les actions de sensibilisation sur les impacts négatifs de ce phénomène, il persiste, notamment au sein de la couche juvénile.

Les relations intimes autrefois étaient respectées, sacrées et protégées. Le constat actuel est le caractère banal qu’on attribue à la chose. La plupart des jeunes ne respectent plus les relations intimes qu’ils tiennent entre eux. Les expressions telles que : mon amour, ma chérie, je t’aime,… n’ont plus leur sens aujourd’hui. La vie intime est beaucoup plus basée sur du fantasme. A chacun ses raisons, l’important, c’est d’arriver au bout des intentions que sont dans la plupart des cas, le sexe, l’argent, le plaisir... le manque de considération à l’égard des relations intimes amène la couche juvénile à se lancer dans plusieurs relations à la fois, sans aucun remords. Pour Achille, apprenti tailleur, le sexe a été créé pour le plaisir et en tant que jeune, il faut en profiter. « C’est pour cela que Dieu a crée la femme pour l’homme. L’affaire de dignité est un faux problèmes », a-t-il affirmé. Pour Gaël, étudiant à l’Eneam « Les jeunes vont vers le multi partenariat sexuel, car en premier lieu, il constitue un plaisir pour eux. Aussi, il y a l’envie d’avoir plusieurs partenaires pour se jauger et acquérir de l’expérience avec les femmes », a-t-il déclaré.

A chacun ses raisons

Etant donné que le sexe est une libido et une pulsion, la sexualité est une force, un besoin de l’individu à un certain âge. Ainsi, la puberté peut constituer un phénomène qui conduit au multi partenariat sexuel. Le garçon, pour s’affirmer peut chercher à avoir plusieurs petites amies à la fois. Stéphane, un jeune de 19 ans vit dans un jeu de concurrence de fille avec ses camarades. « J’ai des amis qui ont plus de 5 copines, chaque semaine, il faut tout faire pour avoir une nouvelle copine, et si tu rates, les autres se moquent de toi et te traitent de gamin », a-t-il dit en ajoutant que l’autre défi, c’est de coucher avec cette nouvelle le plus tôt que possible. Le psychologue et psychothérapeute Ildevert Egué confirme : « chez certains garçons adolescents, c’est en collectant des filles qu’ils se sentent fiers et courageux. De cette même façon, il y a des filles qui multiplient les partenaires, juste parce qu’elles se sentent fières du fait qu’elles sont belles et plusieurs hommes les courtisent et les désirent ». Selon le père André Quenum, l’environnement a des répercussions sur certains jeunes. « C’est la loi de : ‘’c’est ce que tout le monde fait’’ à travers les mauvaises compagnies, les feuilletons qui ne sont, en réalité, que des fictions », a-t-il décrié. Aussi, continue-t-il, lorsqu’on parle de relation amoureuse, pour le jeune, c’est directement le sexe, les mensonges et les trahisons. « Alors qu’il s’agit d’une union des âmes et il faut beaucoup plus de bonheur et de confiance », a-t-il dit.
L’amour du gain facile, les ambitions démesurées et la pauvreté sont également autant de stimulants pour la multiplication des partenaires chez les jeunes, surtout les filles. « Mes parents sont jusqu’à Dassa. Moi-même je sais qu’ils n’ont pas les moyens et ils fondent leurs espoirs sur moi pour survivre. Je dois en plus de tout, acheter des documents, faire des photocopies, sans oublier le manger », avoue Brigitte, étudiante en 3ème année de gestion qui difficilement a confié : « J’ai quatre partenaires sexuels. Et, puisque j’ai eu la chance de rencontrer des hommes qui peuvent m’aider, je ne peux pas refuser et rentrer au village. On ne mange pas la dignité », a-t-elle déclaré. En effet, les conditions économiques difficiles amènent des femmes à multiplier le nombre de leurs partenaires en espérant recevoir des avantages de toute nature. Pour Alice, apprentie couturière, la jeune fille doit se servir de sa jeunesse pour profiter des hommes. « Lorsque je vais me marier, l’homme va commencer par me dire qu’avant c’était une compétition ; or, la jeunesse n’arrive qu’une seule fois dans la vie d’une femme », a-t-elle avancé. Elle continue en affirmant que la femme est synonyme d’argent parce qu’elle doit prendre soin de son corps. Pour la deuxième déléguée du Ceg Houéyiho, Samaké Yasminatou, « quand on envie sa copine qui s’habille mieux et qui a de l’argent, ça pousse à aller demander aux hommes de l’argent mais en retour, ces derniers demandent le sexe. Et comme on a besoin de l’argent, on cède ».
Le niveau d’instruction amplifie aussi le multi partenariat sexuel car, au fur et à mesure que le jeune évolue dans ses études, ce comportement devient plus récurrent. Dans la tranche d’âge de 20 à 24 ans, les jeunes hommes deviennent plus intéressés par le phénomène du multi partenariat sexuel. mais, chez certaines filles, lorsque l’âge augmente surtout dans la tranche de 20 à 24 ans, elles deviennent de plus en plus sérieuses. Car, il y a la hantise de devenir de vieilles demoiselles et de se retrouver au nombre de celles qui n’ont pas eu le bonheur de goûter aux délices du mariage qui les amène à prendre conscience du retard qu’elles accusent et du coup, mettre un terme au multi partenariat sexuel.

Evidentes répercussions
Selon les explications du docteur en fonction à la direction de la santé de la mère et de l’enfant, Mabou Ahokpossi, en adoptant le comportement de multi partenariat sexuel, l’intéressé s’expose aux risques de perdre le contrôle de sa sexualité, aux grossesses précoces et non désirées, à l’avortement et à la mortalité maternelle sans oublier les maladies sexuellement transmissibles telles que : la blennorragie, la gonococcie, le condylome, la syphilis, les hépatites, le Sida… Samuel, un jeune homme, après avoir fait son expérience dans le multi partenariat sexuel s’exprime : « Depuis le cours secondaire, moi j’ai toujours vécu dans un désordre sexuel. Je changeais de filles chaque semaine. Pendant les vacances après la classe de Tle, j’ai même enceinté deux filles. Aujourd’hui, poursuit-il, je souffre de la syphilis et je n’ai même pas les moyens de me traiter correctement ». « Les jeunes hommes qui se livrent à cette pratique se détruisent car, c’est de l’énergie qu’ils déploient. Dans certains cas, ils sont victimes de troubles mentaux », a expliqué le psychothérapeute Ildevert Egué. Il continue en affirmant que le multi partenariat est l’un des facteurs qui poussent certains hommes à se laisser corrompre et à détourner. Ceci, puisqu’ils seront appelés de par leur comportement sexuel, à prendre en charge plusieurs femmes. Pour le père André Quenum, l’excès de sexe chez un jeune gêne la croissance normale de sa vie affective et crée des risques de dépréciation de soi. « Il est presque impossible pour le jeune qui s’est adonné à cela, qu’il soit homme ou femme de désapprendre et de rester dans un foyer avec fidélité », a-t-il affirmé. Selon ses dires, « une société a aussi besoin d’être psychologiquement saine et quelqu’un qui n’a pas appris à mettre de l’ordre dans sa vie ne peut pas avoir des projets porteurs pour son pays ».

Ildevert Egué Psychologue et psychothérapeute : je ne juge pas ces gens, même si j’ai mes appréhensions sur le phénomène
Il existe deux sortes de multi partenariat sexuel : la polygamie et la polyandrie (femme avec plusieurs hommes). La polyandrie existait dans l’ancien temps mais aujourd’hui, ce n’est plus accepté par la société. La sexualité, c’est aussi un besoin comme la faim et la soif. Le garçon adolescent, voulant s’affirmer pour montrer qu’il est audacieux et courageux cherche à avoir plusieurs filles à la fois. C’est la loi des 3T (Tout Trou est Trou), peu importe la qualité, il suffit juste qu’elle soit une femme. La névrose peut aussi conduire à un tel comportement ; Très souvent, les garçons sont à la recherche de leur mère à travers les filles et les filles à la recherche de leur père à travers les hommes. On dit souvent que l’enfant est à l’image de ses parents. Parce qu’il a vécu avec un père qui change régulièrement de femmes, le garçon peut vouloir l’imiter. Les fondements peuvent être endogènes comme exogènes. Ainsi, ne trouvant pas ce réconfort, le jeune peut se livrer à l’hypersexualité, la toxicomanie, l’ambition… Moi je ne juge pas ces gens, même si j’ai mes appréhensions sur le phénomène. Au lieu de juger, mieux vaut chercher à connaître les motivations qui ont poussé la personne à avoir ce comportement. Lorsqu’un individu se lance dans le multi partenariat sexuel, il faut comprendre que c’est un message qu’il transmet à la société afin de dire : « j’ai des difficultés dans la vie, venez à mon aide ». Mais quand ça devient excessif, on parle de la nymphomanie. Certains sont à la recherche d’une satisfaction et lorsque l’objectif est atteint, leur comportement peut changer. Mais lorsque l’individu atteint l’étape de dépendance, il faut solliciter l’aide d’un spécialiste. Il y a des anti-dépressions pour limiter la réaction. D’où la nécessité des séances de psychothérapie pour permettre à l’individu de verbaliser ses problèmes. Si vous demandez à quelqu’un qui a des rapports sexuels tous les jours d’arrêter, il y aura un vide que le spécialiste ne pourrait combler. Il faut trouver par quel comportement peut-on le remplacer.

Père André Quenum : ce n’est pas parce que j’ai des désirs sexuels que je dois l’assouvir n’importe comment et avec n’importe qui
Outre la polygamie, le multi partenariat sexuel est un désordre, une dérive qui blesse non seulement l’intéressé mais aussi sa victime. C’est un phénomène qu’il faut décrier. Certes, la vie affective est un don de Dieu, un désir positif. Mais ce n’est pas parce que j’ai des désirs sexuels que je dois l’assouvir n’importe comment et avec n’importe qui. Je dois vivre ma vie sexuelle pour mon bien et pour celui de ma partenaire. Comme Saint Paul l’a dit : « tout m’est permis mais tout ne m’est pas profitable ». Ce n’est pas parce que vous avez l’impression que tout le monde le fait que vous allez aussi le faire. J’ai besoin d’éduquer mon corps et de maîtriser ma sexualité. Sinon, je vais me nuire. Il faut aussi que les jeunes aillent vers leurs parents pour discuter de ces choses au lieu de se confier à des gens de leur âge car ces derniers ne leur diront que ce qu’ils veulent entendre. Le grand problème qu’il y a, c’est la question de la confiance en soi. On a l’impression que c’est en faisant cela qu’on est quelqu’un alors que ça peut détruire toute votre vie. Le jeune homme ou la jeune femme doit avoir des ambitions beaucoup plus grandes.

Docteur Mabou Ahokpossi  : ..0nous avons des rapports sexuels tarifés
Le multi partenariat sexuel est le fait d’avoir connu au bout d’une année plus d’un ami intime. Depuis plusieurs années, ce mal prend de l’ampleur, surtout chez les jeunes. Il faut aussi dire que la pauvreté favorise cet état de choses. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous avons des rapports sexuels tarifés, c’est-à-dire basés sur des intérêts financiers. C’est un problème multisectoriel. Le ministère de la santé n’est pas le seul concerné car si la population est malade, c’est clair qu’on ne puisse pas parler de développement. Au ministère de la santé, beaucoup de choses se font dans ce sens. Il y a un programme national de lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles. Nous aidons les jeunes à prendre conscience de leurs potentialités et à mieux les gérer. L’approche consiste à aider les jeunes qui sont sexuellement actifs à éviter les maladies. Et aussi les jeunes qui n’ont pas encore connu le sexe à repousser le désir. Il faut noter que nous accompagnons aussi tout ce qui se fait par nos partenaires, c’est-à-dire des campagnes de dépistage gratuit et de conseils, la campagne « Plus tard plus sûr », qui consiste à amener les jeunes à repousser leur date d’entre en activité sexuelle, les centres « amis pour jeunes » qui permettent aux jeunes d’avoir toutes les informations et les services cliniques. Les conditions de vie aujourd’hui font que le désir est de plus en plus grand, mais il vous est toujours possible de faire un choix et le bon choix, c’est « avoir une bonne santé de reproduction ».

Félicienne HOUESSOU (Coll.) & Sandric DIKPE (Stag)



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