Après 18 mois de crise politique, Israël se dote d’un gouvernement

17 mai 2020

Le 24 décembre 2018, la coalition au pouvoir en Israël décidait de dissoudre le Parlement et de provoquer des élections anticipées. Depuis, trois scrutins législatifs successifs n’avaient pas permis de dégager de vainqueur. Finalement, ce dimanche 17 mai, Israël s’est doté d’un nouvel exécutif, fruit d’un accord de partage du pouvoir entre les deux principaux rivaux des trois dernières campagnes : Benyamin Netanyahu et Benny Gantz.

La cérémonie a été plusieurs fois reportée : initialement prévue mercredi dernier, elle a été décalée au lendemain en raison de la visite en Israël du secrétaire d’État américain Mike Pompeo. Mais des mécontentements au sein du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahu, ont poussé le Premier ministre sortant, et finalement reconduit, à demander à son principal partenaire de coalition, Benny Gantz, un nouveau délai.

Finalement, ce dimanche 17 mai, à cinq jours d’un couperet légal qui aurait entraîné le pays dans une quatrième campagne, le nouveau gouvernement a prêté serment. Ni Benyamin Netanyahu, le Premier ministre à la plus grande longévité de l’histoire d’Israël, ni son principal rival et ancien chef d’état-major, Benny Gantz, n’ayant réussi à obtenir de majorité claire au cours des trois derniers scrutins, Israël a désormais un gouvernement d’union nationale.

Méfiance réciproque
Le rapprochement entre les deux rivaux s’est opéré à la faveur de la crise sanitaire et économique provoquée par le nouveau coronavirus. Dès la première ligne, l’accord de coalition évoque une « crise historique » et mentionne « les conséquences sociales, médicales et économiques » de la propagation du coronavirus. Le Likoud et Bleu-Blanc estiment ainsi que « le bien d’Israël nécessite l’établissement immédiat d’un gouvernement d’urgence nationale ».

Dans ce gouvernement d’union nationale, les deux anciens rivaux devraient alterner à la tête du gouvernement : Benyamin Netanyahu d’abord, Benny Gantz, en principe, dans 18 mois. Dans son discours à la Knesset ce dimanche, Benyamin Netanyahu a annoncé la date de cette alternance : elle devrait avoir lieu le 17 novembre 2021. Mais la complexité de l’accord entre les deux hommes est révélatrice : « Il n’y a aucune confiance entre les deux camps. C’est probablement la principale caractéristique de cet accord politique », souligne Yohanan Plezner, ancien député centriste et président de l’Institut israélien de la démocratie.
En 1984, le Parti travailliste de Shimon Peres et le Likoud d’Yitzhak Shamir étaient aussi convenus d’un partage du pouvoir et d’une alternance au poste de Premier ministre. Mais les lois fondamentales n’avaient pas été modifiées. « L’entente reposait sur un minimum de confiance. Ce n’est pas le cas aujourd’hui », juge Yohanan Plezner. Pour le politologue, « un nouveau régime a été créé : nous avons deux Premier ministres. Tous les deux ont un droit de veto sur les décisions du gouvernement, sur les nominations, sur les lois. Bien que Benny Gantz n’est censé devenir Premier ministre que dans 18 mois, il a déjà, par bien des aspects, près de 50% de l’autorité dont jouit un Premier ministre. »

Inflation ministérielle
Au sein du gouvernement, deux personnes ont le titre de Premier ministre : Benyamin Netanyahu, Premier ministre en exercice, et Benny Gantz, « Premier ministre alternant ». Chaque camp devait disposer du même nombre de ministres, créant une inflation de portefeuilles. Finalement, la parité stricte entre les deux blocs n’est pas respectée, mais avec 34 ministres et 16 ministres délégués, ce gouvernement est le plus large de l’histoire d’Israël.

La taille du gouvernement, et les attributions des ministres, lui a valu des attaques avant même sa prise de fonctions. Le ministère du Développement de la communauté interroge ainsi bon nombre d’Israéliens. Quelle sera la tâche de cette ministre ? Relevant qu’il existe également un ministère de l’Égalité sociale et un ministère des Affaires sociales, Anshel Pfeffer, journaliste politique au quotidien Haaretz, assure que « pour s’assurer que tous ces ministères ne se fassent pas la guerre, il y a aussi un cabinet ministériel spécial de réconciliation » qui a été créé.
Fin de la crise ?

« Vous avez oublié de nommer un ministre pour coordonner le gouvernement avec la réalité », a raillé pour sa part Limor Livnat, une ancienne ministre du Likoud. Sur les réseaux sociaux, les internautes s’amusent à se donner des titres de ministres, aux attributions excentriques. Et une émission satirique diffusée sur la chaîne publique Kan ce week-end se moquait de ce gouvernement : le présentateur affirmait recevoir deux ministres dont les attributions étaient précisées par des gestes. Le premier était le ministre du doigt d’honneur quand les attributions du second se situaient au niveau de l’entre-jambe.

« Nous aurions tous deux aimé former un gouvernement différent » a reconnu, ce dimanche, Benny Gantz en s’adressant à Benyamin Netanyahu. Mais pour l’ancien chef d’état-major, cette union est un choix de raison qui permet « de mettre fin à la plus grave crise politique » de l’histoire d’Israël. « Nous pouvons déclarer une fin à la phase la plus aiguë de la crise politique mais ce n’est pas la fin de la crise politique », modère Yohanan Plezner. Car l’existence même du gouvernement dépend de nouvelles décisions judiciaires. « Les juges de la Cour suprême n’ont pas encore tranché sur certaines questions, notamment la loi qui permet la nomination de deux Premiers ministres », relève Yohanan Plezner.
Source : rfi



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