Autorité nationale de lutte contre la corruption : Les 13 membres ont prêté serment hier à la Cour suprême

Karim O. ANONRIN 16 mai 2013

Avec l’Anlc, si la corruption résiste, ces 13 membres auront échoué

Les 13 membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) ont prêté serment hier devant les membres de la Cour suprême au siège de l’institution à Porto-Novo. Il s’agit de l’Inspecteur d’Etat Edouard Alexandre Dagba, du Communicateur Agapit Napoléon Maforikan, de l’universitaire Elisabeth Afiavi Gnansounou, de l’inspecteur des banques Georges Patinvoh, du Magistrat Guy Ogoubiyi, de l’Expert Comptable Pierre Lucien Brun, de l’Administrateur des impôts Madjè Victorin Togninou, du Colonel des douanes Raoul Afouda, du Spécialiste en passation des marchés publics Koffi David Virgile Quenum, de l’Inspecteur de police Atchou, de Jean-Baptiste Elias, du Lieutenant-Colonel Cossi Antoine Dansou et Victorin Attolou, absent à la cérémonie pour raison de santé. Ils ont prêté serment conformément aux dispositions de la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Aux termes de cette loi, il est créé un organe dénommé Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, composé de (13) membres à raison d’un Inspecteur d’Etat désigné par l’Inspection générale d’Etat ; d’un Communicateur désigné par la Haac ; d’un Sociologue désigné dans le corps professoral universitaire par ses pairs ; d’un Inspecteur des banques désigné par l’association des professionnels de banques et établissements financiers ; d’un Magistrat ayant au moins quinze ans d’ancienneté désigné par ses pairs ; d’un Expert Comptable désigné par ses pairs de l’Ordre national des comptables ; d’un Administrateur des impôts désigné par l’Exécutif ; d’un Inspecteur des douanes désigné par l’Exécutif ; d’un Spécialiste en passation de marché public désigné par l’Exécutif ; de deux officiers de police judiciaire dont un agent de la gendarmerie et un agent de la police ; d’un Représentant du patronat désigné par ses pairs ; et d’un Représentant de la société civile intervenant dans la lutte contre la corruption.

Toujours aux termes des dispositions de ladite loi, avant leur entrée en fonction, les membres de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption prêtent devant la Cour Suprême le serment suivant : " Je jure de bien remplir fidèlement et loyalement, en toute impartialité et équité les fonctions dont je suis investi, de respecter en toute circonstance les obligations qu’elles m’imposent et de garder le secret des délibérations auxquelles j’ai pris part ". Il faut noter que les membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) ayant prêté serment ont été soumis à une enquête de moralité et sont tenus de déclarer leurs biens avant leur nomination. C’est du moins ce qui ressort des propos du président de la Cour suprême. Ils ont un mandat de 3 ans renouvelable une fois. Néanmoins, ils sont passibles de peine d’amende voire d’emprisonnement en cas de parjure. Avant la prestation de serment, le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko, a invité le Procureur général près la Cour suprême, Raoul Hector Ouendo, à faire son réquisitoire. C’était un réquisitoire qui invitait les membres de l’Anlc à prendre conscience de la gigantesque mission qu’ils auront à accomplir durant leur mandat. Rappelons que la cérémonie de prestation de serment a connu la présence des membres du gouvernement, des députés, des magistrats, des sages de la ville de Porto-Novo, pour ne citer que ceux-là.

(Lire ci-dessous un extrait du discours du président de la Cour suprême, les impressions de quelques membres de l’Alnc et celles de quelques invités)

Extrait du discours du président Ousmane Batoko à la prestation de serment des 13 membres de l’Anlc

« ... vous devez être courageux et audacieux... »

"…Dans sa marche résolue vers la construction d’une société basée sur la force du droit et de la justice, sous différents régimes, notre pays a toujours essayé de placer la moralisation de la vie publique au cœur des politiques nationales de développement. Cette volonté politique, maintes fois affirmée, a connu, à l’épreuve des faits, moult péripéties, avec des résultats, les uns aussi mitigés ou décevants que les autres. Ces résultats qui n’ont point, loin s’en faut, tenu la promesse des fleurs, n’ont nullement émoussé la détermination du peuple béninois à rechercher dans son génie propre, les valeurs de civilisation qui fondent l’appartenance de ses différentes composantes, à une communauté de destin, une communauté humaine éprise de paix, de justice et d’équité. L’adoption de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, est l’aboutissement, on ne peut plus heureux, du long processus engagé par notre pays, aux fins d’asseoir la République sur des principes d’égalité et de justice et de donner à chacun de ses filles et de ses fils, les chances de son plein épanouissement. La lutte contre la corruption, puisque c’est de cela qu’il s’agit, reste en effet, l’un des défis majeurs de notre temps, de notre peuple qui a tant soif d’une gouvernance meilleure et qui doit opposer à ce phénomène, une réplique audacieuse et bien organisée. Je m’en voudrais donc, à ce stade de mon propos, de ne pas exprimer, au nom de toute la compagnie judiciaire de notre pays et en mon nom propre, toute notre satisfaction à l’endroit des deux autres composantes du pouvoir d’Etat que sont le Gouvernement et l’Assemblée nationale qui ont inlassablement œuvré à doter le Bénin, d’un puissant instrument de lutte contre ce fléau de tous les temps qui se dresse, dans son ignominie, à l’antipode des principes et valeurs portés par la démocratie et l’Etat de droit. Maintenant que l’Exécutif et le Législatif ont été au rendez-vous des attentes de nos concitoyens, par l’adoption de la loi ci-dessus indiquée, il revient à la justice de jouer, et cela pleinement, sa partition. La loi du 12 octobre 2011, au-delà de ses imperfections, reste un véritable référentiel, un instrument, expression du génie béninois, dans notre détermination à faire reculer les manifestations et les effets pervers de cette pieuvre dont les tentacules ont enserré tous les secteurs de la vie nationale, les enlaçant si étroitement qu’elle fait pratiquement corps avec eux. Et c’est ici que se pose, avec une certaine gravité, la question de la place et de la mission de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, dans la nouvelle dynamique de réarmement moral de notre société. La redoutable mission confiée à cette Autorité, dans ses différentes rubriques, fait de cet organe, un précieux outil de mise en œuvre conséquente de la nouvelle loi, dans ses pertinentes innovations. Les dispositions de l’article 5 de la loi, consacrent les relations étroites que l’Autorité doit avoir avec la justice, chargée de la répression des faits tombant sous le coup de la nouvelle norme. C’est vous dire, Madame et Messieurs les membres de l’Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption, qu’outre les missions de sensibilisation, d’éducation, de prévention et d’exploitation des données et informations, vous interviendrez de manière décisive dans le processus de la répression en prêtant votre concours avisé aux autorités judiciaires. L’autre aspect de votre mission, Madame et Messieurs les récipiendaires de ce jour, vous invite à rechercher dans la législation, les règlements, procédures et pratiques administratives, les dispositions et usages favorisant la corruption, afin de proposer des mesures visant à leur correction. Au-delà des lois et règlements, c’est à l’observation des pratiques quotidiennes de nos concitoyens que vous devez faire preuve d’imagination, afin de proposer toutes les pistes de réforme ou des mesures à même de freiner les autres formes de corruption qui sont tout autant, constitutives de la négation des valeurs sur lesquelles repose la République. Au-delà également des commissions sur les marchés publics, des dessous- de-table ou des cailloux sur les dossiers contre le vent, le non respect du code de la route, notamment des feux tricolores ou des terre-pleins dans la rue ou sur les voies, les retards répétés des agents publics au service, le fait de s’asseoir à son poste sans avoir le cœur au travail, le refus de protéger et de respecter le bien public, l’usage abusif des instruments de travail à des fins personnelles, les mensonges d’Etat, en particulier des promesses que l’on sait pertinemment non tenables, le refus d’agir dans l’intérêt général, les renvois intempestifs des causes à examiner, la divulgation des résultats d’un concours ou d’un examen avant la proclamation officielle, le dévoiement, l’escroquerie, la transhumance politique et j’en passe, sont, de mon point de vue, assimilables à la corruption, dans l’esprit de la loi dont vous avez la charge de l’application. Vous devez être courageux et audacieux. La diversité de vos provenances professionnelles est un atout pour la réussite de votre mission. Nos concitoyens vous ont appelés à une obligation de résultats puisqu’ils se nourrissent désormais, de l’espoir que la dynamique engagée avec l’adoption de la présente loi sur la corruption, sera porteuse de changement de mentalité et de reconversion de tous, dans les valeurs qui fondent toute vie en communauté. Vous ne devez pas les décevoir. La Nation qui a tant souffert et qui continue de souffrir de la voracité d’appétit et des crimes économiques et financiers commis par ses élites, ne vous pardonnera pas de trahir la mission historique qu’elle vient de vous confier. Vous êtes des pionniers et, en cette qualité, vous devez tracer le chemin, baliser les sentiers qui conduisent à la renaissance morale de notre nation. Votre responsabilité, au regard des légitimes attentes de nos concitoyens, est immense. Elle est même redoutable… "

Martin Assogba, président de l’Ong Alcrer

" …Nous attendons de voir comment cette Autorité de lutte contre la corruption va travailler. Nous, en tant qu’organisation de la société civile, œuvrant depuis 19 ans dans la promotion de la lutte contre la corruption, nous n’allons pas les lâcher d’un pouce. Nous allons leur déférer des dossiers et nous allons leur demander de les étudier. Au cas où ils n’étudieraient pas les dossiers, nous serons obligés de les dénoncer. Ils doivent faire en sorte que la corruption soit boutée hors de notre pays et que les gens craignent désormais cet organe… "

Boniface Yèhouétomè, 2ème Vice-président de l’Assemblée nationale

" …La dernière étape de l’application de la loi contre la corruption vient d’être accomplie pour permettre à cet organe de commencer par travailler. J’ai vu la qualité des membres qui ont été choisis pour composer cet organe et nous souhaitons que la loi contre la corruption soit véritablement appliquée (…) Il est important que chacun puisse jouer sa partition, pas seulement les membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, pour que ce fléau disparaisse complètement de notre pays… "

Eric Kouagou N’Dah, Ministre des enseignements maternel et primaire

" …Mes impressions sont bonnes. Après plus de 20 ans de démocratie, nous sommes arrivés à installer une Autorité nationale de lutte contre la corruption à travers une loi votée par les représentants du peuple. C’est une institution qui a maintenant les mains libres pour travailler (…) Ceux qui composent l’organe sont des personnalités bien connues et respectables. J’espère qu’avec ces gens responsables, nous allons atteindre un bon résultat… "

Elisabeth Afiavi Gnansounou Fourn, Membre de l’Anlc

"…Nous allons continuer à nous battre comme nous en avons l’habitude. Ce que nous avons toujours fait à l’université jusqu’à aujourd’hui, nous allons le continuer avec la même rigueur, la même détermination… "

Agapit Napoléon Maforikan, Membre de l’Anlc

" C’est un moment de fierté et de solennité parce que nous venons de prendre le pari d’éradiquer le fléau de la corruption. Individuellement, on ne peut pas prendre un pari. J’ai l’espoir très engagé que les 13 membres essayeront d’honorer cette confiance qu’on a placée en eux. Nous essaieront de respecter les dispositions de la loi et de les appliquer à fond pour faire progresser cette bataille contre la corruption pour qu’à terme, on ne parle plus de lutte contre la corruption, mais d’éradication de la corruption au Bénin. Accompagnez nous par les informations, le soutien et surtout dénoncez quand vous pensez que nous sortons de la droite ligne… "

Professeur Théodore Holo, président de la Haute Cour de Justice

"…Un pas vient d’être fait dans la lutte contre la corruption parce qu’une loi a été votée et il fallait un organe pour garantir le respect de cette loi. Il n’y a pas longtemps, nous avons reçu à la Haute Cour de justice une délégation des Nations-Unies pour évaluer les efforts fait par notre pays pour respecter la Convention des Nations-Unies sur la lutte contre la corruption (…) Je souhaite bonne chance à ceux qui ont été installés pour faire un travail de qualité. Certes, on ne peut pas éradiquer la corruption parce que c’est un fléau mondial ; mais on peut quand même diminuer ses effets parce que ça handicape le développement. Les moyens prévus pour satisfaire tout un peuple ne peuvent pas être accaparés par quelques uns… "

Jean-Baptiste Elias, Membre de l’Anlc

" Je pense remercier tout le peuple béninois pour la confiance qu’il a placée en ma modeste personne pour la lutte contre la corruption que nous menons dans ce pays depuis près de 20 ans. Je voudrais ensuite remercier le président de la République, Chef de l’Etat, Chef du gouvernement, que nous avons gentiment et fermement boosté pour que ce projet de loi puisse devenir une réalité. Je voudrais également remercier le président de l’Assemblée nationale, la présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale et les députés qui ont fait de cette loi une réalité dans notre pays. C’est un pas important que nous avons eu à franchir en nous dotant de cette loi qui, je l’espère, fera que nous puissions assurer la bonne gouvernance dans notre pays, lutter contre la corruption et faire en sorte que le respect de la chose publique devienne une réalité (…) Les conseils donnés par le président de la Cour suprême aujourd’hui doivent nous permettre de remplir à bien les fonctions qui sont les nôtres. Les membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption vont se retrouver, essayer d’échanger, élire le bureau et se mettre au travail… "



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