En organisant hier cette conférence publique dans les locaux de la salle bleue du palais des congrès de Cotonou, les ténors de l’Union fait la Nation se sont livrés à une démonstration de force pour prouver qu’en dépit des nombreux départs de leurs militants vers la mouvance présidentielle, que cette alliance demeure une force incontournable dans l’arène politique béninoise. Outre les barons de l’International Socialiste venus du Cameroun, du Togo et du Burkina-Faso…ils étaient tous là pour la circonstance, Albert Tévoédjrè, Moïse Mensah, Pierre Osho, Sylvain Akindès, le député Bani Samari des Fcbe, Antoine Détchénou, Lazare Sehouéto, Bruno Amoussou, Idji Kolawolé…
’’…Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise…’’ C’est par ces propos évocateurs que Lazare Sèhoueto, un des barons de l’Union fait la Nation a planté le décor. A l’en croire, cette conférence publique, voire cette pléiade de personnalités politiques, ambitionne d’aider la jeunesse béninoise qui ne cesse de s’interroger sur le statut de l’homme politique, statut très embrouillé au Bénin. ’’…Il n’y a pas de génération spontanée en politique, pas d’accension politique sans guide, on ne devient pas homme politique par transmission génétique..’’ Dans son exposé, le Président du Parti Social Démocrate Emmanuel Golou a laissé entendre que dans un contexte peu reluisant marqué par la mondialisation libérale et des crises financières récentes, l’Afrique a beaucoup de défis à relever : se battre résolument contre la pauvreté est un défi majeur de notre temps, accélérer le processus d’intégration régionale, régler la question sécuritaire, lutter pour l’enracinement de la démocratie dans nos pays, arrêter la marginalisation de l’Afrique et redonner espoir aux jeunes et aux femmes…
Lire ci-dessous quelques grandes lignes de l’exposé de Président du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste
Quelques grandes lignes de l’exposé
Le contexte dans lequel se trouve l’Afrique n’est pas brillant
Considérée comme la grande invalide de la planète, l’Afrique rassemble 12 % de la population mondiale, représente 1% du produit intérieur brut mondial, participe pour 2% du commerce mondial et attire 2 à 3% des investissements directs. L’agriculture y demeure extensive, le processus d’industrialisation y est embryonnaire et les secteurs minier et tertiaire demeurent dominants.
Au lourd héritage colonial, se sont ajoutées des politiques économiques qui n’ont pas répondu en priorité aux besoins de la population mais au diktat néocolonial.
L’Afrique reste pour le monde entier, particulièrement, pour les puissances qui dominent le monde, une source de matières premières : hydrocarbures, uranium, métaux rares ou encore, terres agricoles maintenant ouvertes à l’expansion de l’agrobusiness occidental. Mais l’Afrique reste aussi le continent où le taux de croissance démographique dépasse le taux de croissance économique.
S’agissant de l’avenir du continent, Jacques Attali, dans son livre intitulé " Une brève histoire de l’avenir" écrit ceci : "En 2025, le continent aura encore un produit intérieur brut (PIB) par habitant, inférieur au quart de la moyenne mondiale".
Telle est la peinture faite de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain, mais les défis de l’Afrique ne peuvent être isolés du contexte de la mondialisation libérale et des crises financières récentes.
Il est admis que les trois quarts de la population mondiale sont devenus perdants dans le processus de mondialisation et sont victimes de l’intensification de la pauvreté et de l’amplification des inégalités. On estime qu’entre 40 et 50 % des habitants du continent africain, vivent dans la pauvreté absolue.
La crise des subprimes en 2008 aux Etats-Unis, une manifestation de la crise du capitalisme, n’a guère épargné l’Afrique quant à ses conséquences sur la croissance économique, la réduction du commerce et de l’investissement. Elle a également provoqué un approfondissement de la pauvreté, source des instabilités sociales et politiques.
Dans un tel contexte, l’Afrique a beaucoup de défis à relever. Nous nous intéresserons à quelques uns.
L’Afrique a beaucoup de défis à relever
* Se battre résolument contre la pauvreté est un défi majeur de notre temps
Je crois que dans un esprit de responsabilité internationale, l’Afrique doit s’approprier son propre destin en comptant essentiellement sur ses propres forces. Dans ce cadre, il faut mener des politiques qui assurent la croissance, soutiennent l’investissement et créent des emplois. Tout un chacun se souvient des effets dévastateurs des politiques d’austérité budgétaire dite d’ajustement structurel dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection sociale. La création d’un bon climat des affaires et la mise en place d’infrastructures appropriées sont des atouts certains pour attirer les investissements. C’est dans ce cadre qu’il faut souhaiter la réalisation des objectifs du NEPAD.
Il faut créer les conditions pour transformer l’abondante épargne interne en capital à travers la mise en place de marchés financiers locaux afin de faire face à la forte demande de financement du développement. On estime à près de 40%, la richesse privée africaine se trouvant hors du continent.
Il faut mener des politiques de transformation et de valorisation des ressources naturelles. Favoriser l’industrialisation est le passage obligé pour une croissance durable et créatrice d’un grand nombre d’emplois.
Or au cours des cinq dernières années, le continent n’a guère brillé en matière d’industrialisation. Malgré sa croissance soutenue, l’Afrique dépasse à peine 1% de la production industrielle mondiale. Pire, la part du secteur manufacturier dans le PIB des 27 plus grandes économies africaines a reculé, passant de 15% en 2000 à 12% en 2010.
Pour l’heure, plusieurs études annoncent des perspectives excellentes et féeriques pour l’Afrique en termes de taux de croissance assis sur les matières premières. En 2013 en effet, les économies du continent devraient croître de plus de 5% en moyenne. Mais il est évident que les effets sur le bien être des africains, le but ultime de notre combat, resteront faibles si l’on ne met pas en œuvre des politiques sociales équitables qui éliminent ou réduisent les inégalités sociales.
En outre, le combat pour de meilleurs prix aux produits de base pour l’accroissement du revenu des populations appelle une solidarité internationale au sein de notre organisation, l’Internationale Socialiste. Cependant, l’Afrique devrait se doter d’une Charte de l’exportation dont l’objectif serait de fixer un minima de transformation ou de valorisation sur le continent. Ainsi s’amorcera une maitrise graduelle de nos économies. Rappelons que pour l’Afrique, et selon les estimations, le taux de croissance moyen devrait atteindre au moins
7 % par an pour que l’extrême pauvreté soit divisée par deux.
* Accélérer le processus d’intégration régionale
Je ne vous ferez pas l’affront d’insister sur le rôle des Etats les plus puissants dans la conduite des affaires mondiales. Que tout soit fait pour préserver leurs intérêts est une évidence. Qu’il faille s’organiser pour nous faire entendre et sauvegarder nos intérêts est également une évidence. Les pays émergents dont on parle aujourd’hui l’ont compris si bien que le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud influencent chaque jour un peu plus les relations internationales.
Sur le continent et pour m’en tenir à la zone francophone, les grands ensembles en Afrique Occidentale et Afrique Centrale de la période coloniale ont disparu. L’initiative du Conseil de l’Entente, qui a démarré au même moment que celle de la Communauté Economique Européenne a connu des fortunes diverses.
L’intégration régionale ou sous-régionale n’est pas un effet de mode. C’est une nécessité si l’Afrique veut compter au milieu de ce siècle. Souvent quand on parle d’intégration, beaucoup y voient seulement l’aspect économique. C’est très bien mais cela est limité. Il faut aussi l’intégration politique. Les micro-Etats africains ont besoin d’un socle institutionnel minimal régional pour y construire leurs propres avantages et y organiser le développement à long terme. Les organisations régionales ou sous-régionales nous paraissent aujourd’hui préoccupées par le montage et la gestion de quelques projets d’infrastructures. Ce qui est insuffisant si l’on veut emprunter les chemins qui ont amené le Brésil ou la Chine au stade où ils sont. C’est aussi à travers l’intégration régionale que peut se régler efficacement la question sécuritaire en Afrique.
* Régler la question sécuritaire
Il s’est tenu au Portugal en février dernier un Conseil de l’Internationale Socialiste. Très préoccupée par la crise malienne, le Conseil a décidé de tenir en urgence un Comité Afrique à Niamey qui a effectivement eu lieu en mars 2013.
Il ressort des échanges que deux facteurs majeurs ont pu être à la base de cette crise. D’abord, il y a eu des erreurs stratégiques dans la gestion des révoltes passées dans le Nord du Mali avec les Touareg. Ensuite et surtout, le pays a connu un déficit démocratique croissant provoquant ainsi un affaiblissement des institutions démocratiques. Le consensus malien qui avait été appliqué en 2002, par lequel tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale faisait partie du gouvernement, a créé un vide au niveau de l’opposition démocratique et du contrôle si essentiel des actions du gouvernement.
Le Comité a vivement recommandé que la bonne gouvernance était la seule base pour la paix et la stabilité. Il a insisté sur le fait que les institutions étatiques devaient retrouver leur force et leur indépendance.
Mais la crise malienne a suscité en Afrique beaucoup de commentaires aussi bien au niveau de la classe politique qu’au niveau de la société civile quant au déroulement des opérations de rétablissement de la paix dans ce pays.
Les africains auraient souhaité que ce soit leurs forces armées qui libèrent le Mali. Bien qu’ayant pris conscience de la gravité de la situation, les Etats africains sont restés l’arme au pied, renouvelant les réunions sans décisions pendant que les terroristes se renforcent. Il faut donc saluer l’intervention française quand bien même elle nous ramène à des périodes que nous croyions révolues.
C’est vrai que, dix neuf ans après le drame rwandais, l’Afrique n’est pas toujours en mesure de régler elle-même ses conflits les plus graves.
Il faut souhaiter que la force d’intervention rapide créée au dernier sommet de l’Union Africaine soit opérationnelle le plus tôt que possible pour permettre à l’Afrique d’avoir une autonomie d’action et de défense.
Il faut aussi que dans notre sous-région, soit créée une force militaire de la CEDEAO dotée de moyens et capable de garantir la sécurité individuelle et collective de nos Etats.
Le terrorisme ne connaissant pas de frontière, une coopération internationale est nécessaire pour coordonner les actions visant à assurer la sécurité pour tous....
- 5 novembre 2024
- 5 novembre 2024