Cour constitutionnelle au sujet du crime de terrorisme : le régime de la détention provisoire réajusté

16 juillet 2024

La Cour constitutionnelle a rendu jeudi dernier lors de son audience plénière une décision importante sur des actes terroristes. Pour la haute juridiction, les criminels et les groupes terroristes occupent un même espace. Elle considère que le terrorisme et les crimes de sang sont tous deux considérés comme des infractions graves. Avec cette décision de la Cour constitutionnelle, les sages appellent ouvertement à une mise en cohérence du code pénal.

Des faits, il résulte que par requête en date à Cotonou du 14 février 2024, monsieur Aliou INOUA, détenu à la prison civile d’Akpro-Missérété, a saisi la Cour constitutionnelle, pour détention arbitraire et violation de droits humains. Au soutien de son recours, il expose qu’il a été interppellé le 30 septembre 2021 à Tanguiéta et placé sous mandat de dépôt, le 7 octobre 2021, par le procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) pour des faits d’appartenance à une organisation terroriste. Poursuivi devant le juge des flagrants délits, celui-ci s’est déclaré incompétent. Présenté à la commission de l’instruction de la CRIET, il a été inculpé et un nouveau mandat de dépôt a été décerné, le 17 janvier 2022, contre lui par le juge des libertés et de la détention. Estimant qu’au regard des dispositions de l’article 147 du code de procédure pénale, sa détention provisoire ne peut être prolongée plus de trois (03) fois, il sollicite de la Cour de déclarer contraire à la Constitution son maintien en détention provisoire. En réponse, le président de la commission de l’instruction de la CRIET explique que la détention provisoire de monsieur Aliou INOUA, qui court à partir du 17 janvier 2022, date à la laquelle il l’a inculpé, a été prolongée le 17 janvier 2023, puis renouvelée les 17 juillet 2023 et 17 janvier 2024. Étant détenu pour des faits de nature criminelle, sa détention provisoire n’a pas excédé la durée légale fixée par la loi. Il conclut que le requérant fait une lecture erronée de l’article 147, alinéa 6 du code de procédure pénale. Suivant décision DCC 24-133 du 11 juillet 2024, sous le visa des articles 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples et 147, alinéa 6, du code de procédure pénale, la Cour a relevé que monsieur Aliou INOUA est poursuivi des chefs d’appartenance à une organisation terroriste. Elle précise qu’en matière criminelle, abstraction faite des crimes de sang, des agressions sexuelles et des crimes économiques, la durée maximale de détention provisoire est de trente de (30) mois. En l’espèce, la Cour note que le requérant est poursuivi des chefs d’appartenance à une organisation terroriste. Suivant un raisonnement a fortiori, elle indique que l’acte terroriste, tel que défini par les articles 161 à 165 du code pénal, englobe des infractions aussi graves que variées allant des crimes de sang, des agressions sexuelles aux crimes économiques. En outre, elle fait observer que le terrorisme ou son financement, en raison de leurs ramifications ou imbrications très complexes, nécessitent non seulement des recherches approfondies, mais engendrent de lourdes conséquences sur l’existence de l’État, l’intégrité territoriale, les relations économiques, la paix, la sécurité des personnes et des biens. Logiquement, elle en déduit que ces deux infractions doivent être arrimées à un régime de détention provisoire plus sévère, à tout le moins, identique à celui des crimes de sang, des agressions sexuelles et des crimes économiques, pour lesquels la prolongation de la détention provisoire n’est pas limitée. En conséquence, la Haute juridiction dit et juge que la détention provisoire du requérant n’est pas contraire à la Constitution. Désormais, à l’instar des crimes de sang, des agressions sexuelles et des crimes économiques, la détention provisoire, en matière de terrorisme ou financement de terrorisme, peut être renouvelée, sans limitation. Toutefois, les autorités restent liées par l’obligation de présenter la personne poursuivie à une juridiction de jugement dans un délai cinq (05) ans. La décision INOUA appelle une mise en cohérence du code pénal et du code de procédure pénale pour les adapter aux exigences de la lutte contre les nouvelles formes de criminalité.



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