Lutte contre le terrorisme, enjeux géopolitiques et coopération bilatérale : Bazoum à Cotonou ce jour, une visite stratégique

13 mars 2023

Une visite d’Etat et pas des moindres. Ce jour, le président Patrice Talon accueille son homologue, Mohamed Bazoum du Niger. Une visite qui tombe d’abord dans un contexte sécuritaire marqué par la montée du terrorisme dans les zones frontalières partagées par les deux pays voisins puis économique avec non seulement des échanges commerciaux puisque Niamey dépend énormément du port de Cotonou, le projet de pipeline reliant le Niger et le Bénin mais aussi des enjeux géopolitiques. Car, le président Bazoum ne vient pas à Cotonou avec la seule casquette de président du Niger. Il est aussi le président en exercice de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Uemoa. Pour rappel, le président Bazoum a été désigné pour occuper ce poste en décembre dernier après que le président Talon plutôt pressenti dans un premier temps a fini par ne pas avoir l’accord de ses collègues à cause des conditions qu’il avait posées à l’époque.
De toutes les façons, les présidents Patrice Talon et Mohamed Bazoum ne pourront s’empêcher de se pencher durant leur tête-à-tête sur la lutte contre le terrorisme. Quand on sait que la France, un partenaire stratégique du Bénin et du Niger dans cette lutte contre le terrorisme a été obligée de se retirer du Mali et ensuite du Burkina-Faso et qu’actuellement, il est question du redéploiement de ses Forces, on peut comprendre que Bazoum à Cotonou n’a rien d’un hasard. En effet, le Niger comme le Bénin en dépit d’une opinion africaine de plus en plus défavorable à la présence des forces françaises en Afrique ont besoin de formation des troupes, de renseignements et donc de l’appui technique de l’ancien colonisateur pour suivre les mouvements des terroristes massés au niveau des frontières du Niger, du Bénin, du Burkina-Faso, du Mali, du Togo...

Bénin-Niger : le transport, le pipeline et le business
D’ailleurs, au vu de cette préoccupation sous-régionale et compte tenu des attaques jihadistes récurrentes le long de la frontière entre le Bénin et le Burkina, Patrice Talon a effectué le 16 février dernier, une visite éclaire à Ouagadougou pour rencontrer le capitaine Ibrahim Traoré et lui signifier les mesures prises par la partie béninoise pour défendre son intégrité territoriale. Le mercredi dernier, c’est à l’Elysée que Patrice Talon s’est rendu pas pour seulement déjeuner avec Emmanuel Macron mais surtout rappeler à son hôte les engagements pris notamment dans l’appui pour la lutte contre le terrorisme. Après avoir donc pris langue avec les présidents Burkinabé et Français, Patrice Talon accueille ce jour, Mohamed Bazoum pour certainement peaufiner des stratégies communes de lutte contre le terrorisme. Ce qui est sûr, de tous les dossiers qui seront évoqués entre les deux chefs d’Etats, le volet de la lutte contre le terrorisme sera inscrit en première ligne.
En dehors du chapitre sécuritaire, les relations bilatérales entre le Bénin et le Niger ont de tout temps été marquées par le transport de marchandises. Etant donné que le Niger est un pays de l’hinterland, il se trouve que la plupart de ses importations débarquent au port de Cotonou et prennent par la voie inter-Etats avant d’arriver au Niger. Il en est de même des exportations du Niger surtout l’uranium qui traversent le Bénin par la voie terrestre avant d’être embarquées au port de Cotonou. Au vu de la situation de dégradation de la chaussée qu’entraîne le transport fréquent de marchandises entre les deux pays, le projet Béninrail a été longtemps mûri mais tarde à être concrétisé. Peut-être que la visite de Bazoum à Cotonou sera l’occasion de revisiter ce dossier qui, en principe, devrait aider à fluidifier le transport de marchandises entre les deux pays avec la garantie que la voie inter-Etats serait moins sollicitée. Plus important est aussi, le projet de pipeline d’exportation Niger-Bénin. Un investissement colossal qui se traduit par un système de transport par canalisation pour évacuer le pétrole brut produit au Niger vers le marché international via le Bénin.

La France, l’élément unificateur ?
En somme, les liens économiques entre le Bénin et le Niger sont énormes. Bazoum ne vient donc pas en tourisme à Cotonou. Dans l’intérêt des deux pays, les deux chefs d’Etats se doivent de travailler à évacuer les moindres quiproquos. Déjà, parlant de l’axe Niamey-Cotonou, il est caractérisé par une fraternité et une coopération dynamique. Les deux peuples ont toujours vécu dans la paix. C’est dire que Mohamed Bazoum vient à Cotonou pour réchauffer une coopération bilatérale qui n’a jamais souffert d’antagonisme.
En plus, contrairement au Mali et au Burkina-Faso qui ont fait le choix de se détourner de la France, du moins de ses appuis militaires, Cotonou et Niamey continuent de compter sur la bienveillance de l’ancien colonisateur dans la lutte contre le terrorisme. De toute évidence, Talon de retour de Paris et quelques jours après, une visite de Bazoum, c’est l’axe Paris-Cotonou-Niamey qui se met en place. Dans cette recherche de redéploiement de ses forces, il n’est pas exagéré de penser que quelque part, la France joue dans l’ombre pour ne pas totalement perdre pied dans la sous-région. En clair, la visite au Bénin de Mohamed Bazoum est très stratégique tant au plan sécuritaire, économique que géopolitique. Les prochains jours nous édifieront davantage.



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