Vague de coups d’Etat en Afrique : Des démocraties essoufflées, les militaires comme au bon vieux temps

Angelo DOSSOUMOU 6 septembre 2021

Il n’y a jamais rien sans rien. A une situation donnée correspond presque toujours un contexte qui le favorise. Tout ceci pour dire que la vague des coups d’Etat en Afrique ces derniers mois, n’est pas anodine. Que ça soit au Mali, au Tchad et depuis hier en Guinée, ils puisent, quoi qu’on dise, leurs racines soit d’une gouvernance socioéconomique exécrable soit d’une volonté manifeste de faire dos aux règles du jeu démocratique. Ainsi, au-delà des condamnations de principe de certaines institutions internationales et de réactions classiques parfois teintées d’hypocrisie de chefs d’Etats qui s’enregistrent à ces occasions, il est impérieux que les gouvernants sachent désormais, qu’en déviant de la mission à eux confiée par le peuple, ils favorisent la remise en cause de leur pouvoir par les militaires. Car, une démocratie mise en quarantaine, s’essouffle. Il s’ensuit des crises sociopolitiques voire économiques et donc, une tension où généralement, le seul recours pour changer la donne, c’est la remise en cause de l’ordre constitutionnel.
D’ailleurs, s’il est dit que l’armée est républicaine, son rôle n’est-il pas d’arrêter le piétinement des droits des citoyens par celui-là qui est sensé les défendre ? Du moins, à part les laudateurs et les bénéficiaires directs des délices du règne d’Alpha Condé, quel Guinéen pourra aujourd’hui logiquement se lamenter sur la chute du Professeur qui se prenait dans son pays, pour l’Alpha et l’Oméga ? La bonne leçon à retenir du coup d’Etat en Guinée, c’est tout simplement qu’à présent, dans nos démocraties africaines, les dirigeants réfléchiraient par deux fois avant de penser que leurs populations sont dupes et qu’ils peuvent impunément tordre le cou aux Constitutions dans le seul but de s’octroyer un troisième mandat. Alpha Condé vient de l’apprendre à ses dépens et tout porte à croire que c’est non seulement un signal mais aussi, un réveil des militaires qui s’embêtent de rester cloîtrés dans les casernes pendant que règne la grande anarchie.

Eviter à tout prix l’effet boomerang !
Alors méfiance ! Quand on sait que la démocratie telle que l’Afrique l’a copié du colonisateur rime toujours avec des élections libres, transparentes et qu’elle favorise dans un premier temps l’alternance au pouvoir puis le bien-être des populations, sortir de ce paradigme, c’est se tirer une balle dans les pieds. En s’accrochant au pouvoir malgré des entorses à cet idéal, plus vite on creuse sa tombe. Sinon, à quoi devrait s’attendre un démocrate qui confisque le pouvoir à son seul profit ? Surtout pas à des perspectives heureuses. Maintenant que le vent des coups d’Etat souffle si fort en Afrique au sud du Sahara, il est à espérer que le spectre des putschs puisse ralentir les élans néfastes dans la gouvernance de nos Etats. L’Afrique a trop souffert et mérite à son chevet des visionnaires et non des illuminés qui se prennent pour Dieu sur terre.
C’est pourquoi, il dépendra de chaque démocrate, la sauvegarde de l’ordre constitutionnelle dans nos Etats. A regarder toujours son nombril et à supporter l’inconcevable, tôt ou tard, plus bas on tombe. Ce qui est sûr, en Guinée, pour en arriver à une parodie d’élection pour un troisième mandat, Alpha Condé a eu des soutiens. Dieu seul sait, s’ils pensaient au bien du peuple ou à ce qu’ils en tireraient. Quelle qu’en soit leur raison, ils sont aujourd’hui comptables du retour des militaires en Guinée.
En somme, après trois décennies de l’ère démocratique en Afrique, il est une évidence que si la gouvernance ne respecte pas les normes établies et n’apporte pas le bonheur escompté, nous assisterons à un retour à la case de départ. Un peu comme aux lendemains des indépendances, les militaires s’imposeront et viendront donner des coups de pied à la fourmilière. Cependant, il est à noter que très souvent, quand les militaires s’installent, c’est aussi la porte ouverte aux dérives. Mais, à qui la faute ? La réponse saute à l’œil. Qui ne veut pas du retour des militaires doit jouer en tant que citoyen sa partition. Autrement, le Mali, la Guinée, le Tchad seront très bientôt les premiers d’une longue série.



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