9 ans de gestion de Boni Yayi : Un bilan Mi figue mi raisin

Isac A. YAÏ 7 avril 2015

Pascal Todjinou, Sg/Cgtb
« Yayi a créé plus de problèmes qu’il n’en a résolu »

Yayi a créé plus de problèmes qu’il n’en a résolu. Il renie sa propre signature et cela nous cause trop de problèmes. Il a donc perturbé le cours normal des choses. Les enseignants ont réclamé 25% et il a accordé cela à tous les travailleurs, sauf aux enseignants. Il faut donc retenir que sur le plan social, rien n’a véritablement changé.

Dieudonné Lokossou, Sg/Csa Bénin
« Je pense que le Président a fait ce qu’il a pu dans les limites de ses pouvoirs »

Le Président Yayi est venu au pouvoir sans être issu d’une chapelle politique. Cela veut dire qu’il avait une virginité politique. Ce sont les politiciens qui lui ont fait recours pour régler une situation donnée. Ces politiciens appartenant à différentes chapelles, qui pour des intérêts, l’ont fait venir au pouvoir au détriment des politiciens traditionnels, devraient l’aider en toute honnêteté. Aujourd’hui, quand ils disent « Yayi, c’est fini », cela veut dire qu’ils sont finis eux aussi, puisqu’on ne peut pas détacher le bilan de Yayi de ces messieurs. Ceux qui adulaient Yayi dans un passé récent, tirent à boulets rouges sur lui car, il est en fin de mandat. On assiste alors à des alliances contre nature parce qu’ils veulent se repositionner après avoir tiré grandement profit du régime Yayi. Ce comportement est déplorable dans notre système politique, car s’il faut que les hommes politiques changent de veste à la fin de chaque mandat, il y a lors un problème d’éthique et de morale qui se pose. Il faut donc faire les états généraux de la politique.
Sur le plan économique, il y a eu quelques avancées significatives. Je ne suis pas là pour faire l’apologie du système. Il faut donc reconnaître qu’il y a beaucoup de zones d’ombre sur le plan économique. Il y a cette question de rupture de dialogue avec les opérateurs économiques nationaux. Le bilan est donc passable car, il y a eu un manque de cohésion dans l’évolution des choses.
Sur le plan social, le dialogue n’a pas été facile. Les confédérations, malgré leurs divergences idéologiques, étaient restées fermes face au gouvernement, surtout sur les questions de liberté publique, de liberté d’opinion et de liberté d’expression. Cela n’a pas été facile car, nous avons mené de durs combats pour préserver tout cela. Si notre démocratie n’a pas été enterrée, il faut alors rendre hommage aux secrétaires généraux de certaines confédérations qui ont bravé ce pouvoir pendant que les partis politiques filaient un parfait amour avec le système. Même si nous déplorons la façon dont le monde ouvrier est géré, il faut reconnaître qu’il y a eu quelques avancées dans la gestion de la carrière des travailleurs. Si nous prenons par exemple les enseignants du supérieur, ils ont leur statut particulier, ce qui fait qu’il y a moins de grèves au niveau des universités publiques. Cela ne veut pas dire que tous les problèmes sont résolus. Au niveau de la fonction publique, il y a eu quelques relèvements du traitement indiciaire. La dernière avancée, c’est les négociations que nous venons de boucler avec le gouvernement par rapport à l’extension du relèvement de la valeur du point d’indice dont les fonctionnaires de tous les autres secteurs ont pu bénéficier à l’exception des enseignants de la maternelle et du primaire. Je crois alors que nous tendons vers un léger mieux être. Pour parachever cela, il y aura l’élaboration de leur statut particulier à l’instar de quelques corps spécialisés de l’Etat tels que la police, la douane, les eaux et forêts. On a donc connu des avancées sur ce plan.
Le problème brûlant qui fait l’objet de préoccupation majeure est celui du chômage des jeunes. Les solutions trouvées jusqu’ici sont inadaptées selon moi. Aujourd’hui, nous n’avons pas les taux réels de chômeurs et d’absorption dans notre pays, parce qu’ailleurs, à la fin de chaque mois, toutes ces statistiques sont publiées et cela permet d’avoir une idée précise sur le chômage et le taux d’absorption du marché de l’emploi.
Je pense que le Président a fait ce qu’il a pu dans les limites de ses pouvoirs. Il ne pouvait même pas tout faire car, s’il faisait tout, ceux qui vont lui succéder ne trouveront rien à fouetter. Nous avons joué jusqu’au 27 décembre 2013, le rôle d’opposant. Il a fallu que certains parmi nous soient gazés et qu’il y ait des jets de sang pour que tout le monde marche librement aujourd’hui. Nous croyons que nous avons apporté notre pierre à l’édification et à la construction de notre démocratie.

Noël Chadaré, Sg/Cosi-Bénin
« Il y a quelques avancées qu’il faut souligner »

« Je dois vous dire qu’en 2006, lorsque le candidat Boni Yayi était dans le starting-block pour devenir le Chef de l’Etat du Bénin, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous l’avons accompagné. Il y avait un grand espoir. Nous avions compris que les différents responsables politiques d’alors ont montré leurs limites. Et quand Yayi a été candidat, nous l’avons tous accompagné pour qu’il puisse changer les choses au Bénin. Si on doit évaluer les 9 ans de gestion du Président Boni Yayi, on peut dire que c’est un bilan mi figue mi raisin, parce que les attentes ne sont pas comblées. Mais il faut reconnaître que tout n’est pas mauvais, comme le pensent certains. Au plan social, de 2006 à ce jour, nous avons constaté que le pouvoir n’a pas su anticiper les crises dans le secteur du travail, bien que nous ayons eu les cadres formels pour anticiper. On a attendu qu’il y ait des crises. Le pouvoir de Yayi a été chargé par des crises sociopolitiques. Il faut aussi reconnaître que certaines crises ont permis de connaître des avancées, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. A titre d’exemple, la prime d’incitation à la fonction enseignante est passée de 7500 Fcfa au temps de Mathieu Kérékou à 9000 Fcfa, ensuite à 10 000 Fcfa et enfin à 25% indexés aux salaires. Et ceci au prix de nombreux mouvements de grève. Parfois, le non respect des engagements génèrent aussi des crises. C’est le cas du secteur de la santé où nous avons aussi vu que les praticiens hospitaliers affiliés à la Cosi-Bénin ont signé avec le gouvernement en 2009 un accord qui n’a été pas été respecté. Il a fallu, tout récemment, qu’ils aillent en grève pour 3 mois environ avant que cet accord ne soit mis à exécution à travers les statuts particuliers. Il faut tout de même féliciter le pouvoir qui a fait un pas dans ce sens. Autre aspect, c’est que, dans nos universités publiques, à la suite d’une grève d’environ 4 mois, les Professeurs d’université ont eu une situation qui est enviée dans la sous-région. Cela est également à l’actif du pouvoir. Donc, tout n’est pas si mauvais, mais il y a quand même des choses à lui reprocher. Si nous prenons les 25% octroyés aux Agents permanents de l’Etat (Ape), c’est le fruit des revendications. Car, les conditions de vie ont poussé le Chef de l’Etat, à la suite des mouvements de grève, à convoquer une commission permanente de négociation et consentir une revalorisation de l’indice de traitement des Ape qui doivent bénéficier de 5% en 2011, 5% en 2012, 5% en 2013 et 10% en 2014. Le bémol, c’est que, en voulant l’appliquer, tous les travailleurs n’en ont pas bénéficié. Il s’agit des enseignants de la maternelle, du primaire et du secondaire qui, conformément au décret 505-2011, n’en ont pas bénéficié, alors qu’ils sont aussi des Ape. Il y a eu des actes qui ont amélioré les conditions des travailleurs. Il faut parler du reversement non seulement d’un grand nombre d’enseignants, mais aussi élargi à d’autres agents dans d’autres secteurs. Il y a quelques avancées qu’il faut souligner… ».

René Darboux, Citoyen
« Le président Yayi Boni a opté pour la politique des grands travaux de construction »

La gestion du régime Yayi du point de vue économique est moyenne. Bien que nous n’ayons pas de ressources pétrolières et autres, nous ne sommes pas au bas de l’échelle. Il a, à son actif la conservation de la paix sociale en général et le taux de croissance économique autour de 5%. De façon générale, il y a trois possibilités pour obtenir la croissance économique d’un pays ; l’augmentation des salaires, le soutien à l’investissement des opérateurs économiques et la politique des grands travaux. Donc, le président Yayi Boni a opté pour la politique des grands travaux qui consiste en la construction des routes, des écoles et autres infrastructures. Il faut souligner qu’il n’y a pas beaucoup de nationaux qui se sont spécialisés dans les grands travaux, ce qui enfreint l’impact que la politique des grands travaux pouvait avoir sur la population. Le gouvernement est obligé de confier ces travaux aux entreprises étrangères et finalement, nous constituons une source de revenu pour d’autre pays alors que nous avons chez nous des gens qui pouvaient se former dans le domaine.

Patrice Sagbo, membre du réseau ‘’Djinounkoun’’
« Ce ne sont pas des discours qui feront accroître notre économie »

9 ans à la tête du Bénin, je ne vais pas dire que le régime de Yayi a échoué. Mais il suffit de voir la balance entre les produits importés et ceux qui sont fabriqués et transformés chez nous. Le marché national a d’énormes besoins qui demeurent insatisfaits. Nous avons besoin des produits de qualité, faits dans les conditions les plus hygiéniques, mais, nos produits locaux sont abandonnés. Les producteurs n’arrivent même pas à insérer leurs produits dans les grandes manifestations organisées par l’Etat alors que c’est par ces genres d’actions que nous pouvons promouvoir nos produits locaux. Ce ne sont pas des discours qui feront accroître notre économie. Les femmes qui font de l’akassa, des galettes ou autres dans nos villages contribuent aussi au développement économique. Elles payent leurs impôts mais on ne fait rien pour renforcer leur capacité productrice. Avant d’amener nos produits à l’extérieur, il faut d’abord encourager l’économie locale en aidant les entrepreneurs locaux à rendre performantes leurs méthodes. Dans toute économie sérieuse, c’est après avoir dégagé le surplus qu’on va vers l’extérieur. Je prends l’exemple de nos forces armées. Les tenues qu’ils portent ne sont rien d’autres que des tenues importées. C’est de l’argent que nous jetons ainsi en faveur des autres pays, et pourtant, nous produisons du coton. Regardons tout ce que notre pays injecte dans l’importation du riz alors que nous avons des cultivateurs capables de produire ce riz et n’en ont ni les moyens, ni les conditions nécessaires pour le faire. Aussi, il y a le pacte de l’exclusivité qui est imposé à nos pays africains, qui suppose que tant que les produits ne viennent pas de chez nous, nous n’avons pas le droit de les transformer. Lorsqu’on n’encourage pas les producteurs locaux, c’est qu’on n’encourage pas le développement de l’économie locale.

Ildevert Igué, psychologue
« Le gouvernement de Yayi a fait des exploits, mais il a mal orienté sa politique de développement »

En tant que citoyen, je suis très déçu de la gestion actuelle de notre pays. Au lieu de se consacrer au développement du pays, ils n’ont fait que penser à eux-mêmes en développant un égoïsme qui ne dit pas sont nom. Ils ne pensent qu’à eux seuls, au détriment de la grande masse. Certes, il y a eu des actions, mais qui sont très minimes. On nous dit qu’on crée de l’emploi pour la jeunesse alors que ce sont en réalité des stages périodiques payants. Des programmes de micro crédit par-ci et par là qui ne servent pratiquement à rien. Dans nos vons, toutes les femmes vendent et bienvenue les pertes, car il n’y a personne pour acheter. C’est le gouvernement qui doit créer des industries de transformation ou des groupes avec suivi professionnel pour permettre à ces jeunes et femmes de mieux s’insérer. Les gens n’ont pas appris à pêcher et vous les envoyez directement à la pêche. C’est clair qu’ils iront gaspiller les sous. Les conducteurs de taxi motos, par exemple, au lieu de les orienter, on préfère les rassembler pour leur offrir de l’argent. Tout est devenu cher et ils ont préféré habituer les populations à la paresse en leur partageant de l’argent et des vivres. Le gouvernement de Yayi a fait des exploits, mais il a mal orienté sa politique de développement. Le risque pour notre pays d’ici 5 ans, c’est de se retrouver dans la famine.



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