Bernard Alotowanou, Directeur national des secours et catastrophes à la Croix rouge du Bénin : « N’importe qui n’enterre pas une personne décédée de la Covid-19 »

La rédaction 9 juillet 2020

Bernard Alotowanou, psychologue clinicien de formation, directeur national des secours et catastrophe à la Croix rouge du Bénin et responsable chargé de l’enterrement des personnes décédées de la Covid-19 au Bénin.

Le Bénin a connu son premier cas de décès dû au coronavirus le 5 avril 2020. Parlez-nous de l’enterrement bien sécurisé et digne des personnes décédés de la Covid-19 au Bénin.
En ce qui concerne l’enterrement sécurisé des personnes décédées de la Covid-19 au Bénin, je suis le responsable chargé de cette tâche au sein de la Croix Rouge du Bénin. Nous travaillons en réseau avec les directeurs départementaux du Ministère de la Santé. Lorsqu’il y a des cas de décès dus à la covid-19 dans n’importe quelle localité ou une commune du pays, on nous fait appel pour prendre en charge l’enterrement. Nous avons déjà formé des équipes pour cette tâche et nous avons également à notre disposition des équipements qui nous permettent de nous mettre en route pour le centre de santé où il y a décès. L’équipe récupère le corps pour procéder à l’enterrement.

Comment se réalise l’enterrement ?
Il y a un protocole qui est suivi. N’importe qui n’enterre pas une personne décédée du coronavirus. D’abord nous procédons à la désinfection ensuite nous passons au port d’équipement de protection individuel. Le port de combinaison et le déshabillage sont des choses qui s’apprennent. Le matériel entrant dans ce processus est à notre disposition. Le gouvernement nous accompagne dans ce sens. Nous avons le dispositif qu’il faut pour travailler dans des conditions idéales afin d’aller vers ces corps sans être infectés.

Les personnes chargées de ces activités ne sont-t-elles pas exposées ?
Non on a eu à faire par le passé l’enterrement des corps de personnes atteintes de Lassa et d’Ebola qui sont plus graves que la Covid-19. Mais je pense qu’ils ne sont pas exposés parce qu’ils sont formés pour ça. Et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’on ne peut pas remettre le corps aux parents parce qu’ils ne sont pas formés pour le faire.

Le corps d’un sujet décédé de la Covid-19 serait-il contagieux ?
La Covid-19 se transmet par la salive. C’est pour cela que parmi les mesures préventives recommandé par le gouvernement nous avons le port de masque. Or, un cadavre ne respire plus et ne pourrait plus parler. Le corps des décédés de la Covid-19 n’est donc plus contagieux. Toutefois, nous mettons tout ce qu’il faut comme s’il s’agissait de l’Ebola, ou du Lassa. Nous utilisons les mêmes dispositifs de protection. En plus de cela, les corps sont désinfectés depuis le lit de l’hôpital jusqu’au cimetière. Il y a un sac dans lequel nous mettons les corps sans vie de ceux qui sont infectés du corona virus pour les enterrer.

Et depuis le début, vous avez pris en charge combien de corps ?
Depuis le début jusqu’à présent, nous avons pris en charge 21 corps atteints de la Covid-19 dans les cimetières de Somè comme de Djègan-Daho à Porto-Novo.

La Croix Rouge béninoise arriverait-elle à être débordée en ce qui concerne l’enterrement des sujets décédés du coronavirus ?
Si nous avons assez de moyens et d’équipement je pense que nous ne serons pas débordés. Car nous avons assez de ressources humaines. Nous avons surtout besoin de formation, de l’équipement, de l’accompagnement et enfin des moyens roulants pour accomplir cette noble mission que la croix rouge a devant elle. Vous savez, le véhicule qu’on utilise pour transporter les corps ne doit plus rien faire.

Y a-t-il des difficultés dans votre tâche ?
Les difficultés sont énormes. Parfois nous travaillons la nuit et vous savez bien que ce moment n’est pas fait pour ce travail. Certains parents disent qu’ils ne sont pas informés de ce que c’est le coronavirus qui a tué leur frère ou leur parent. Il faut aller à la table de négociation avant de pourvoir enterrer le corps. Il y a eu un cas où c’est le procureur qui est venu intervenir avant que nous n’arrivions à recueillir le corps pour procéder à son inhumation.

Serait-ce vrai que les parents n’ont pas accès à la dépouille de leur proche décédé de la Covid-19 ?
C’est une fausse nouvelle. A l’hôpital comme au cimetière, les parents viennent et prient sur leur corps avant enterrement. L’enterrement se fait devant les parents. Ils connaissent le lieu et la tombe de leur proche décédé.

Votre mot de la fin à l’endroit de la population.
J’invite la population à respecter les gestes barrières de la Covid-19 et de ne pas s’affoler. C’est une maladie parmi tant d’autres. Qu’elle signale vite les symptômes et de prévenienne les agents de santé en cas de difficulté. En cas de décès, leur parent sera enterré dans des conditions normales.
Propos recueillis par Jephté HOUNNAGNI (Coll.)



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