Entretien avec sa majesté Daagbo Hounon Hounan II sur la santé sexuelle : « Si vous ne parlez pas de la sexualité avec vos enfants, la rue, les médias, les réseaux… s’en chargeront »

Isac A. YAÏ 19 mai 2023

Pour éviter certaines déviances dans la société, l’éducation sur la santé, le droit sexuel et reproductif se fait de plus en plus à l’endroit des jeunes. Les leaders religieux ne restent pas en marge de cette sensibilisation. A travers cet entretien ? sa majesté Daagbo Hounon Hounan II, président de la plateforme des structures religieuses pour la santé, la paix, la sécurité et le développement, nous parle de certaines conduites à tenir pour assurer l’éducation des jeunes.

Vous êtes le président de la plateforme des structures religieuses pour la santé, la paix, la sécurité et le développement. Vous avez participé à une table ronde sur la santé et le droit sexuel et reproductif. Que peut-on retenir ?
Une table ronde organisée par rapport à la santé, c’est une bonne chose. Mieux encore, si elle concerne le droit à la santé sexuelle et reproductive. Car, de nos jours, la population du Bénin évolue à une vitesse exponentielle. Nous sommes plus de 12 millions. Nous ne sommes plus loin de 13 millions et la couche juvénile occupe un pourcentage important de cette population. Par rapport à ça, nous, en tant que leaders religieux, nous avons le devoir d’éduquer et d’instruire les enfants. Et pour mieux jouer ce rôle, il faut avoir le même son de cloche partout pour que les enseignements donnés à un point A soient les mêmes qu’à un point B ou C.... D’où l’importance d’une table ronde qui est un espace de partage d’expériences. Cette éducation permettra d’éviter les grossesses et les mariages précoces, les grossesses non désirées, les naissances rapprochées, les violences basées sur le genre… Nous, leaders religieux, devons prendre notre bâton de pèlerin afin de conscientiser les jeunes. Mais avant d’accomplir cette mission, il faudrait que nous-mêmes, nous puissions connaître les droits de ces enfants, l’autonomisation de la jeunesse et de la femme, le droit à la santé sexuelle…

Au cours de cette table ronde, la loi sur l’avortement sécurisé vous a été expliquée, surtout l’article 17 qui élargit les conditions. En tant que président de la plateforme des structures religieuses, quelle lecture faites-vous de cette loi ?
La santé des jeunes et de nos enfants est très importante. Au niveau de toutes les religions, il y a un code de conduite qu’il faut respecter. Mais si l’Etat décide de ne plus laisser certaines choses dans l’informel, c’est bien. La loi sur l’avortement n’est pas nouvelle, elle existait. Seulement qu’elle a été améliorée. De nouvelles conditions y ont été ajoutées de façon explicite afin que chacun sache quand est-ce qu’il faut faire l’avortement. Et cette même loi a bien encadré l’avortement. Une grossesse qui dépasse trois mois ne peut plus être avortée. Même pour avorter une mineure, il faut avoir son consentement d’abord. Cette loi ne vient donc pas pousser les enfants à la débauche ou encourager l’avortement. Même les médecins qui doivent faire cet avortement sont encadrés. Il y a des sanctions qui sont prévues en cas de dérapage.
Même dans la tradition, les dérapages sont sanctionnés. Par exemple dans le cas d’un géniteur qui enceinte sa fille, il y a des purifications qui se font. Car, les conséquences de ces actes affectent la famille, la communauté et tout le village.

En tant que parent, à partir de quel âge faut-il commencer à parler de la sexualité avec les enfants ?
On peut parler de la sexualité à tout âge avec les enfants. Dans l’ancien temps, on rassemble les enfants et on leur parle de la sexualité de façon directe ou indirecte. Dès lors que l’enfant commence à avoir un âge donné, on lui fait comprendre certaines choses dont on lui avait parlé avant et qu’on était sûr qu’il n’avait pas comprise. Aujourd’hui, les autorités sont en train de parler de l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école primaire. Ce n’est pas si mauvais car, à partir de 4 ans, les enfants sont curieux de tout connaître. Qu’on leur parle de sexualité ou non, il y a des illustrations qu’ils voient tous les jours. Elevez-vous des animaux à la maison ? qu’ils soient des mammifères ou volailles, les enfants voient leur accouplement. Parfois, les enfants surprennent les parents au lit ou sous la douche en train de se laver et ils posent des questions pour savoir pourquoi ce que papa ou maman a entre ses jambes est différent du sien. Les parents sont donc tenus de le leur expliquer. Car, l’enfant que nous éduquons aujourd’hui, c’est pour l’avenir. Les connaissances qu’il a vont l’amener à ne pas commettre des bévues. Si vous ne parlez pas de la sexualité avec vos enfants, la rue, les médias, les réseaux… s’en chargeront. Dans ce cas, si vous ne savez pas faire, ce sont vos enfants qui vous éduqueront par rapport à la sexualité.

En tant que leader religieux, comment faire pour que cette éducation sexuelle soit mieux cernée dans la société ?
La société est plurielle. C’est pour cela que nous sommes regroupés dans une plateforme pour avoir un même son de cloche partout et dans toutes les religions. Les thématiques sont beaucoup dans ce domaine. Entre autres le mariage précoce, le mariage forcé, l’autonomisation des filles et des femmes, la déscolarisation… Nous sommes chargés d’amener les gens à comprenre les lois afin qu’ils connaissant leurs droits et leurs devoirs. C’est à partir de là qu’on pourra sanctionner, car nul n’est censé ignorer la loi.
Propos recueillis par Isac A. YAÏ



Dans la même rubrique