Evacuation répétée des victimes des catastrophes sur le CNHU-HKM : Le plateau sanitaire précaire du pays en cause

Moïse DOSSOUMOU 31 janvier 2023

Porga. 700km de Cotonou. 24 mai 2006. Explosion d’un camion-citerne dont le chauffeur avait perdu le contrôle. Le drame survenu du fait des riverains qui tentaient de siphonner l’espace des cuves du véhicule. Le bilan est lourd. 54 morts. 60 blessés dont une vingtaine brûlée au 3ème degré. Le centre de référence de la zone, l’hôpital confessionnel Saint Jean de Dieu de Tanguiéta n’avait pas de draps ni de médicaments pour faire face à un drame d’une telle ampleur. La salle de réunion fut transformée pour la circonstance en salle de soins. Vaille que vaille, les victimes ont reçu les soins. Quelques années plus tard, bis repetita. Nous sommes le 08 septembre 2016 à Tori-Avamè. Une localité située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou. L’explosion de produits alimentaires en cours d’incinération a endeuillé la localité. Les victimes qui tentaient d’extirper des flammes des sacs de farine de blé ont payé le prix fort. 16 morts, 92 brûlés. Les survivants référés au Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) ont été accueillis au service d’urgence débordés. A ces deux drames de la misère encore vivaces dans les esprits vient s’ajouter celui de Dassa. Le dimanche 29 janvier 2023, la plupart des passagers qui ont pris la route de Parakou pour Cotonou étaient loin de s’imaginer qu’ils embarquaient pour un aller simple vers la mort. A mi-chemin, à hauteur de Dassa, une collision entre leur bus et un camion en stationnement a occasionné l’irréparable. 24 morts à la date du 30 janvier. Et plus d’une dizaine de brûlés référés pour la plupart au CNHU-HKM. 

Cotonou, le centre de convergence
Ces drames aux images insoutenables et leur gestion viennent rappeler aux gouvernants, s’il en était encore besoin, que le Bénin est loin du compte en matière d’équité dans la mise en place des plateaux sanitaires de qualité à l’intérieur du pays. En 2006, si la région de l’Atacora était dotée d’un hôpital public de référence avec les équipements nécessaires et le personnel adéquat, nul doute que beaucoup de brûlés qui ont trépassé par la suite auraient eu la vie sauve. Même cas de figure à Tori-Avamè. Bien que géographiquement proche de Cotonou, les populations ont dû se débrouiller pour évacuer leurs proches blessés à moto sur des routes en mauvais état en direction des centres de santé de Ouidah et Cotonou. Par la suite, il faut le reconnaître, les ambulances ont pris le relai. Mais au bout du compte, le décompte macabre s’est alourdi. A Dassa, il y a quelques jours, les blessés ont été transportés dans un premier temps à l’hôpital de zone de la localité. Malgré sa bonne volonté, le personnel soignant de garde n’a pu faire grand-chose. A en croire le ministre de la santé, Il a fallu mobiliser les ambulances des départements à proximité du lieu du sinistre pour évacuer les brûlés sur Cotonou, soit plus de 200kms de trajet. Le hic est que l’axe Dassa-Bohicon, long de près de 80kms, est en très mauvais état.

L’équité est fondamentale dans la construction de la nation
C’est bien beau de mettre en branle le plan de riposte et il faut d’ailleurs saluer la prompte réaction du gouvernement qui très vite a pris ses responsabilités. Mais il aurait été mieux que les conditions soient au préalable réunies afin que les brûlés soient soignés sur place ou à proximité du lieu de l’accident. Leur pronostic vital aurait été moins engagé. Quand on parcourt un peu le Bénin, on se rend compte du grand écart qui existe au niveau des services essentiels entre la métropole Cotonou et ses environs et le reste du pays. Ce n’est pas trop demander aux pouvoirs publics de veiller à l’équité dans les options d’érection des infrastructures sanitaires, routières et socio-éducatives. La pauvreté du pays ne saurait être le prétexte pour justifier cet état de choses. Tout est une question de volonté politique. la preuve, un hôpital de référence plus côté que le CNHU-HKM sort de terre à Abomey-Calavi à environ une vingtaine de kms de Cotonou. Cet effort peut également être fait à Natitingou, Djougou, Parakou, Kandi, Dassa, Bohicon ou Abomey, Pobè, Porto-Novo, Lokossa et Klouékanmè. Ce n’est pas trop demander d’exiger que les victimes de tels drames soient prises en charge illico presto au lieu d’attendre leur évacuation sur Cotonou.
Les accidents sont des faits fortuits et ils surviennent lorsqu’on s’y attend le moins. Mais, gouverner, c’est prévoir. Il appartient aux pouvoirs publics d’anticiper sur la gestion de ce type de catastrophe en posant les actes qu’il faut à l’intérieur du pays de sorte que les citoyens, où qu’ils soient, bénéficient aussi des efforts collectifs de mobilisation de ressources. Le droit à la vie et à la santé est sacré. Il faudrait travailler et faire les arbitrages nécessaires afin que les victimes de divers drames n’aient pas à parcourir des centaines de kilomètres avant de tomber sur un hôpital bien équipé avec un personnel compétent et présent au poste. Même si les ressources sont limitées, le Bénin est capable d’offrir ce minimum à toutes ses filles et à tous ses fils. Ce n’est pas un plaidoyer fantaisiste.



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