Hervé Tognissè SINKPEHOUN, Ingénieur agronome sur la cherté de la vie : “Une dépendance excessive aux produits de rente expose l'économie à des fluctuations des marchés internationaux”

12 juillet 2024

La cherté de la vie est une réalité préoccupante au Bénin, marquée par l’augmentation des prix des produits de première nécessité tels que le maïs, le riz, le haricot, l’huile, le gari, les légumes traditionnels et exotiques comme la tomate, le piment etc. Cette hausse des prix peut être attribuée à plusieurs facteurs interconnectés. D’abord, à l’échelle internationale, l’inflation mondiale joue un rôle significatif en influençant les coûts locaux des matières premières et des produits finis. Par exemple, une augmentation du prix du pétrole entraîne des coûts de transport plus élevés. Les facteurs locaux contribuent également à cette situation. Les changements climatiques et les conditions météorologiques, comme les sécheresses et les pluies extrêmes sur des temps records, réduisent les récoltes, augmentant ainsi les prix des produits alimentaires de base comme l’a si bien mentionné un producteur qui dit ceci pendant une interview : « Je dirais que le climat est un sérieux problème dans mon travail récemment. Lorsque j’ai besoin de pluie je n’ai que du soleil et lorsque j’ai besoin de soleil, la pluie arrive ». Cette situation de changement climatique a clairement un impact négatif sur leurs productions. Les problèmes de transport et d’infrastructure, tels que des routes en mauvais état et des infrastructures inadéquates dans certaines zones rurales, contribuent aussi à l’augmentation des coûts de distribution des produits agricoles.
Les facteurs structurels ne sont pas en reste. En effet, le gouvernement du Bénin met depuis longtemps un accent considérable sur les produits de rente, en particulier le coton, qui est une source importante de devises pour le pays. Cependant, cette focalisation sur les cultures de rente présente des limites notables, surtout en période de hausse des prix des produits de consommation courante. Pour lutter efficacement contre la cherté de la vie, il est crucial de privilégier davantage les produits vivriers. Les produits vivriers, tels que le maïs, le riz, le haricot, le manioc, les légumes, les tomates et les piments, jouent un rôle vital dans la sécurité alimentaire et la stabilité économique des ménages béninois.
Une dépendance excessive aux produits de rente comme le coton expose l’économie à des fluctuations des marchés internationaux. Les variations des prix du coton sur le marché mondial peuvent entraîner une instabilité économique, affectant les revenus des agriculteurs et réduisant leur capacité à acheter des produits alimentaires de base. En revanche, en mettant davantage l’accent sur les cultures vivrières, le Bénin pourrait assurer une production alimentaire stable et réduire la vulnérabilité aux chocs externes. De plus, les produits vivriers sont essentiels pour la subsistance quotidienne de la population. La production locale de ces denrées alimentaires peut aider à stabiliser les prix en réduisant la dépendance aux importations. Lorsque les produits alimentaires de base sont majoritairement importés, toute fluctuation des taux de change ou des coûts de transport se répercute directement sur les prix locaux, aggravant la cherté de la vie. En augmentant la production nationale de produits vivriers, le Bénin peut réduire les coûts associés à l’importation et atténuer les effets de l’inflation mondiale sur les prix locaux.
Par ailleurs, encourager la production de produits vivriers peut générer des emplois et améliorer les revenus des agriculteurs locaux. Les investissements dans les infrastructures agricoles, comme les systèmes d’irrigation et les entrepôts de stockage, ainsi que la fourniture de formations et de subventions aux agriculteurs, peuvent augmenter la productivité et la rentabilité des cultures vivrières. Cela non seulement améliore la sécurité alimentaire, mais stimule également l’économie locale en créant des opportunités de revenus durables pour les agriculteurs et les travailleurs agricoles.
En outre, diversifier les cultures en mettant l’accent sur les produits vivriers peut renforcer la résilience face aux changements climatiques. Les cultures vivrières variées peuvent mieux résister aux conditions climatiques extrêmes, comme les sécheresses et les inondations, réduisant ainsi les risques de pénuries alimentaires. Une approche équilibrée qui valorise à la fois les cultures de rente et les produits vivriers est essentielle pour assurer une stabilité économique et alimentaire à long terme.
Pour toutes ces raisons, il est important et urgent que le gouvernement béninois réévalue ses priorités agricoles et accorde une importance accrue à la production de produits vivriers. En adoptant des politiques et des mesures de soutien visant à augmenter la production locale de denrées alimentaires, le Bénin peut lutter efficacement contre la cherté des produits de consommation courante, améliorer la sécurité alimentaire et renforcer la résilience économique du pays.



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