Incendie causé par l’essence de contrebande : le drame de trop à Sèmè-Kraké

25 septembre 2023

Un week-end endeuillé à Sèmè-Kraké. Après une compagnie de transport, c’est l’essence de contrebande qui a fait des siennes plongeant le Bénin dans le noir. Un nouveau drame en l’espace 8 mois met toute une nation dans l’émoi. Alors que le souvenir de la date du 29 janvier est encore douloureux dans les mémoires, les béninois inscrivent une nouvelle date dans la légende des tragédies nationales. Une journée sombre, 35 morts calcinés et une trentaine de blessés dont 20 brûlés graves en soins intensifs au Centre National Hospitalier et Universitaire (CNHU) de Cotonou. C’est le triste bilan d’un incendie qui s’est déclenché dans un entrepôt de l’essence de contrebande à Sèmè-Kraké appartenant à Jean Zinhouemedé dans la matinée de ce samedi 23 septembre 2023. Selon les sources officielles et les témoins sur place, un local de l’entrepôt a pris feu suite à une explosion de bidons d’essence frelatée communément appelée ‘‘Kpayo’’. Aussitôt, l’incendie a ravagé tout le périmètre de 1000 mètres carrés détruisant tout sur son passage. Malgré la mobilisation des sapeurs-pompiers, le pire n’a pas pu être évité plongeant plusieurs familles dans le désarroi et causant l’émoi dans le pays. C’est un drame de trop qui fait frémir. Mais on pouvait s’y attendre. Au lendemain du drame de Dassa et de quelques accidents notés çà et là causés à l’occasion du transport de l’essence de contrebande, des voix s’étaient élevées pour prédire ce qui arriverait si rien n’était fait. La sourde oreille face à ce jeu dangereux de transport, d’entreposage et vente anarchique de ce liquide inflammable coûte la vie à de nombreux compatriotes. En temps normal, la manipulation de telles matières aussi sensibles ne doit pas être laissée à n’importe qui. D’où la nécessité de réguler le secteur de commercialisation de produits pétroliers. Il est vrai que le commerce de l’essence de contrebande nourrit des milliers de personnes avec au moins 54.000 points de vente dans le pays selon des chiffres officiels mais il ne doit pas être source de drame. Les deux paramètres mis ensemble, il est nécessaire que l’Etat intervienne pour régir ce secteur de vie économique afin de satisfaire concurremment les besoins vitaux des populations et la sécurité des biens et des personnes.
Quelques heures après le drame, le gouvernement a communiqué sur les mesures prises pour offrir aux acteurs du commerce illicite des produits pétroliers la possibilité de bénéficier d’emplois décents. A l’instar de milliers d’offres d’emplois à la GDIZ, le gouvernement s’emploie à construire des mini-stations à travers le pays dans la perspective de la reconversion de ces acteurs. A terme, très peu qui resteront dans le commerce et là, l’Etat prépare des mesures pour réguler les lieux d’exercice de l’activité. Par exemple, la vente de l’essence de la contrebande pourrait être interdite devant des écoles et des lieux à forte concentration humaine. Le gouvernement pourrait également agir pour imposer des normes d’entreposage, interdire le transport à main des bidons d’essence de contrebande et revenir sur la méthode de service du liquide en adoptant le pompage. C’est à ce prix qu’on pourrait éviter à l’avenir de vivre de nouveaux drames au Bénin.

Réaction du gouvernement suite au drame
Prise en charge gratuite des blessés, ouverture d’une cellule d’écoute

Quelques heures après le drame, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Une délégation composée de 4 ministres est arrivée dans la soirée au CNHU pour porter assistance aux blessés. Les émissaires du Chef de l’Etat ont présenté les compassions de la République aux familles mais ont surtout pris des mesures pour sauver des vies en soins intensifs. Ils ont annoncé que les blessés seront pris en charge gratuitement en même temps que des dispositions d’ordre sanitaire sont prise pour maitriser la situation. « Nous avons été effectivement alertés du drame de Sèmè-Podji et aussitôt le dispositif de riposte sanitaire a été activé avec la mise en route du service d’aide médical, le SAMUet d’autres ambulances qui se sont déportés sur les lieux et ont permis de conditionner et de ramener les victimes au Centre National Hospitalier Universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou. 20 brûlés de degré assez important avec des surfaces corporelles touchées allant au-delà pour la plupart de 40% donc vraiment des lésions très graves et nous avons des blessés dont l’âge varie entre 12 et 43 ans, sans oublier de jeunes enfants. Dès qu’ils sont arrivés, l’équipe médicale qui a été déjà mobilisée avant leur arrivée s’est déployée, les a conditionnés et a fait les traitements nécessaires et tout cela bien sûr, sur l’instruction du chef de l’Etat gratuitement. L’ensemble des structures devrait être mobilisé pour pouvoir faire en sorte que tous les intrants dont l’équipe médicale aura besoin soient disponibles aussi bien sur le plan des équipements que sur le plan des intrants, médicaments et autres de prises en charge », a expliqué Benjamin Hounkpatin Ministre de la Santé qui a fait un état des lieux des brûlés. « A l’heure actuelle, nous avons pu stabiliser l’ensemble des brûlés dont 12 sont vraiment dans un état critique et sont en service de réanimation. Il faut dire qu’avec l’intensité de l’incendie, les niveaux de brûlures vont parfois jusqu’à 100% de la surface corporelle touchée. C’est pour dire le degré de gravité des cas que nous avons devant nous mais tout est mis en branle par l’équipe médicale pour faire en sorte que la prise en charge soit optimum avec l’appui de nos partenaires. Je pense que le nécessaire et le maximum seront faits pour que nous puissions garantir la vie sauve pour ces cas », précise-t-il.
Le gouvernement a pris toutes les dispositions pour la prise en charge de tous les soins médicaux et également psychologiques. « Nous sommes également en train de réfléchir à la mise en place d’une cellule d’écoute soit à Sèmè soit à Porto Novo pour qu’on puisse venir à cet endroit-là pour prendre des informations ou faire écouter simplement », a assuré Véronique Tognifodé, ministre de la Microfinance.

Les réformes annoncées pour réguler le commerce de l’essence de contrebande
Le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni présent dans la délégation gouvernementale a fait part des réflexions qui se mènent au sommet de l’Etat pour réguler le commerce de l’essence de contrebande. Des mesures seront bientôt prises pour assurer un emploi décent aux acteurs du secteur et sécuriser les biens et les personnes. « Malheureusement le drame qui vient de se produire nous rappelle l’impérieuse urgence de régler la question du kpayo. Le commerce du kpayo dure depuis plusieurs décennies, c’est plusieurs dizaines de milliers de familles qui se nourrissent de ce commerce. C’est une activité dangereuse, illicite et les personnes qui font ce commerce ne le font pas parce qu’elles veulent s’exposer aux risques liés à la contrebande. Elles ne font pas ce commerce parce qu’elles aiment inhaler ces produits qui les rendent malades, mais plutôt parce qu’ils n’ont pas le choix. C’est pour ça que le gouvernement a décidé depuis plusieurs mois de lancer un programme de réinsertion, reconversion de ces acteurs. Nous avons au Bénin 54000 points de vente de kpayo, le recensement intégral a été fait. Il y a un programme qui est en train d’être mis en place, qui marche déjà et qui grâce à des formations courtes, permet de former les gens et de transformer en acteurs économiques d’un métier décent. Nous sommes convaincus qu’en donnant un métier décent à ces acteurs, ils vont pouvoir changer d’activité. Depuis le début de cette année, c’est plus de 5000 personnes qui ont été reconverties en métier de textile à Glo-djigbé . C’est du concret, c’est des personnes qui n’avaient aucune compétence dans le domaine des textiles faisant d’autres activités essentiellement de l’informel, qui sont formées et qui maintenant ont un emploi décent et c’est ça notre enjeu. Reconvertir ces acteurs pour permettre aux personnes d’avoir une activité différente, décente pour nourrir leurs familles. Mais pendant qu’on fait ça, on ne peut pas fermer les yeux sur l’urgence d’éviter que l’incendie se reproduise, le gouvernement conscient de ce fait a lancé l’année passée un programme de mise en place de mini-stations parce qu’on ne pouvait pas réussir d’un coup de baguette magique à arrêter ce commerce », a déclaré l’argentier national.

Ouverture d’une enquête judiciaire
A la suite des ministres, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Porto-Novo, Abdoubaki Adam-Bonglè a annoncé l’ouverture d’une enquête à travers un communiqué publié dans la soirée de ce samedi. Il s’agira de faire la lumière sur les circonstances du drame.
Ange M’poli M’TOAMA



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