Marché Dantokpa à la veille des fêtes de fin d’année : Des produits à vil prix, le piège de l’insécurité alimentaire

Eustache f. AMOULE 31 décembre 2014

C’est la période des fêtes de fin d’année. Et comme d’habitude, au marché Dantokpa, les prix des articles sont également en fête. Le moment est favorable à la vente des vêtements de toutes sortes, des produits de décoration, des denrées alimentaires et autres. Les commerçants, à cette période, déversent sur le marché les invendus de l’année écoulée et des nouveautés afin d’augmenter leur chiffre d’affaires.

Attention aux produits frelatés avec les liquidations de fin d’année

8h45 ce 22 décembre. Les premiers rayons du soleil apparaissent. Malgré la chaleur étouffante, le marché Dantokpa grouille de monde. Derrière les baraques ouvertes, des vendeurs et vendeuses qui vantent leurs produits. D’autres ambulants prennent d’assaut les allées du marché. Les clients, on y dénombre des centaines par allée. La foule grossit au fil du temps. Déjà à 10h30, la circulation au sein du marché était quasi impossible. Depuis la station ‘’Lègba’’ à la rue vers l’intérieur du marché, c’est le bouchon. Des chapeaux de père noël, des jouets, des pagnes, des bouquets de fleurs, des chaussures,… bref, tout ce qu’il faut pour la fête est disponible. Mais la dominance des jouets est remarquable. Avion, train, voiture, revolver, cheval, télévision, radio, appareil photo, spider man, avatar,… ils sont tous transformés en jouets pour accompagner le père noël dans sa mission d’égayer les enfants……. « Beaucoup d’objets sont transformés en jouets pour permettre aux parents de faire plaisir à leurs enfants pendant noël », laisse entendre Angèle Gandaho, vendeuse de jouets.

Des fortunes diverses
Non loi d’elle, c’est le marché des vêtements qui s’anime. Des chaussures, des pagnes, des sacs, des soutiens gorge et même des slips versés pêle-mêle sur le sol. « Liquidation, liquidation… 2500 est devenu 1000f ! Ne ratez pas l’occasion », crie à tue-tête une vendeuse assise devant son étalage de chaussures. Il s’agit des babouches pour dames. Selon les explications de la vendeuse Gisèle Azon, ces babouches n’ont jamais été vendues à 2500 Fcfa. « Ce sont des nouveautés apportées par les Chinois qu’on devrait vendre à 1200 Fcfa mais j’ai diminué 200f pour vite les liquider », confesse-t-elle, sourire aux lèvres. Deux pas plus loin, une autre vendeuse révèle, qu’elle crie juste ‘’liquider’’ pour attirer la clientèle. « J’ai des chaussures de 700 f jusqu’à 10000, 15000f. Si tu cries 15000 ou 10000, qui va venir vers toi ? Le pays est dur et tout le monde cherche ce qui est moins cher. Lorsque les clients voient de loin de belles chaussures et on dit 700f, ils viennent voir d’abord », explique une autre vendeuse de chaussures. Anita, une cliente confirme : « lorsqu’on entend les prix comme 700, 1000 F ou 1500 F, ça attire l’attention ». Mais, poursuit-elle : « les chaussures mises en liquidation se gâtent vite. J’en ai acheté l’année dernière à 1500f et je les ai portées deux fois seulement quand elles m’ont lâchée ». D’ailleurs, au marché Dantokpa, les usagers font des fortunes diverses. Avec la liquidation qui prend plusieurs formes à savoir la ‘’fausse’’ liquidation, le reversement sur le marché des invendus de l’année qui s’achève et aussi les produits périmés, les acheteurs sont parfois obligés de se méfier des produits vantés à cor et à cri.

Vente de produits périmés
Il y a surtout des denrées alimentaires périmées qui sont déversées sur le marché. Des macaronis, des boîtes de sardine, de tomate dont la date de péremption est arrivée sont déversés sur le marché et vendus à vil prix. Et pour parvenir à écouler ces produits impropres à la consommation, les vendeuses ont toutes les techniques possibles. Par exemple, elles se débrouillent pour effacer les références des dates d’expiration pour que le client ne se doute de rien. Des boîtes de sardine normalement vendues à 400F sont cédées à 500f le lot de 3. Une vendeuse de sardine et de pâtes alimentaires, entourée d’une foule nie complètement l’origine douteuse de ses produits. « Moi, quand je les ai achetés, c’était comme ça et aucun de mes clients ne se plaint pour ça », dit-elle. Mais, Christelle, une ancienne consommatrice ayant fait l’expérience confesse : « j’en prenais, mais la dernière fois, ça m’a amenée à l’hôpital. Si ces produits ne sont pas périmés, c’est que la qualité est douteuse ». C’est une coutume au marché Dantokpa. A l’approche des fêtes, il ne grouille pas que de monde ; la maladie et la mort circulent aussi sur les étalages.
Félicienne HOUESSOU
Les conseils de Robin Accrombessi, président du conseil national des associations de consommateurs (Cnac) aux populations pour être à l’abri des intoxications alimentaires

La consommation d’une bonne alimentation devient de plus en plus préoccupante. Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux populations pour qu’elles puissent consommer sain ?
Vous savez, c’est Hippocrate qui disait il y a 370 ans avant Jésus-Christ que si quelqu’un désire la santé, demandez-lui s’il est prêt à supprimer les causes de sa maladie. Alors entre autres maladies, il y a les intoxications alimentaires. Et donc, si les gens veulent bien se porter, ils devraient commencer par manger bien. Nous venons de tenir les assises nationales des consommateurs et entre autres grandes résolutions, il a été décidé que désormais, le Bénin puisse disposer d’un programme d’éducation alimentaire national. Le rôle de ce programme serait de permettre depuis le bas-âge à tout enfant et tout adulte de s’habituer aux normes de qualité d’aliments, de savoir comment identifier les aliments de bonne qualité, quels sont les aliments qui apportent des éléments nutritifs indispensables à notre croissance et à une bonne santé. Il a aussi été décidé qu’il y ait beaucoup plus de communications pour éduquer les consommateurs sur les qualités de normes agroalimentaires. Donc, les sensibilisations en cette période de fin d’année doivent être plus accrues. On s’est dit qu’il faut commencer avant la période de fin d’année, c’est-à-dire deux mois avant, cette année, un peu plus tôt l’année prochaine jusqu’à couvrir toute l’année. C’est de belles initiatives, mais le gros problème qui reste posé, c’est la question de la mobilisation des citoyens consommateurs de bonne volonté pour nous accompagner, parce que c’est des questions d’effectifs et de moyens. Nous avons l’obligation de saisir les autorités en charge de la protection alimentaire, il y en a une multitude aujourd’hui qui sont censées nous accompagner. Nous les saisissons, nous saisissons également le ministère de l’agriculture, le ministère en charge du commerce, mais nous sentons qu’à part quelques unes de ces autorités, mais pour la plupart, ce n’est pas le résultat escompté qu’on obtient. Comme je vous l’ai dit, nous avons effectivement commencé précocement les actions, depuis l’histoire de l’importation des œufs qui a défrayé un peu la chronique, nous nous sommes résolus de mobiliser un certain nombre de produits que nous enverrons au laboratoire. Quand nous avons saisi les structures concernées, certaines nous ont répondu. Mais ce n’était pas des réponses du genre à véritablement mettre les moyens pour qu’on puisse réaliser ces analyses. Le laboratoire central nous a proposé par exemple une réduction des coûts. Mais nous, en tant qu’association de consommateurs, nous ne sommes financés par personne. Voilà des goulots d’étranglement que nous rencontrons. C’est vrai que le ministre de l’agriculture avait entre-temps accepté sur recommandation du ministre d’Etat de façon officieuse de nous appuyer dans ce sens, nous leur avons écrit et nous attendons toujours la réponse. Nous de notre côté, nous n’avons pas tenu compte de tout ça, nous avons commencé nos séances de sensibilisation un peu plus tôt sur la radio Soleil Fm où depuis le mois de novembre, on ne fait qu’accentuer nos communications sur les questions d’alimentation. Et comme actions, il faut dire que nous avons mis la main sur des boissons avariées. Nous avons donc sollicité un huissier de justice pour faire la constatation avec nous. Mais cela a généré beaucoup d’autres problèmes puisque nous avons des assermentés qui ont parfois des comportements pas recommandables. Ceci a vicié toute la procédure. Nous avons touché la chambre des huissiers qui nous a quelque peu aidés et le dossier est encore sur tapis. Nous avons également mis la main sur des jus de fruits périmés à Dantokpa. Cela fait à peu près deux mois. Et là aussi, le dossier est encore sur tapis parce que l’officier de police qui nous a aidés à faire le constat et procéder à la saisie des produits a encore vicié la procédure. Beaucoup d’autres produits restaient encore dans les magasins et pour lesquels nous avons sollicité l’aide de certains laboratoires pour procéder à leur analyse, mais ces structures se sont dérobées. Et donc certainement, ces produits sont revenus sur le marché. C’était des biscuits, des laits qui sont dans des conditions intraitables, mal entretenues, des cartons pourris, avariés et ce sont nos enfants qui en consommeront évidemment. Pour ceux qui vont dans les cafétérias, il y avait aussi du café retrouvés dans des conditions où on veut les vendre à vil prix. Et récemment, la Brigade économique et financière a mis la main sur une maison qui produit localement et vend des liqueurs frelatées. En passant par le Pastice, le Chavass, etc.… et plein d’autre marques, des marques à la limite inventées de toutes pièces, mais sur la base d’alcool étilique et de méthanol avec des colorants et des produits hautement toxiques et cancérigènes. Et vous verrez des bouteilles usées recyclées et lavées simplement à la main, sans aucune mesure de désinfection. Et ces bouteilles sont conservées dans des locaux ouverts et où vivent toutes sortes de bestioles, et même dans des salles de toilette. Nous devrions déjà mener beaucoup d’actions, mais les moyens ne sont pas encore au rendez-vous. Parce que l’autre chose qui nous a aussi perturbés est la question de l’éducation et de la sensibilisation des consommateurs sur le virus Ebola. Il s’agit là aussi d’une question préoccupante sur laquelle nous ne sentons pas encore les populations véritablement sensibilisées. Or vous savez que la question d’Ebola est une question d’hygiène. Et pendant que nous parlons d’intoxication alimentaire, il en est aussi question.

Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux consommateurs en ces périodes de fêtes de fin d’année où les des produits avariés sont déversés sur le marché ?
Primo, je voudrais dire populations que la première sécurité s’assure par soi-même, la prise de conscience personnelle. Chacun doit se mettre dans la tête que les aliments qu’il doit consommer doivent être des aliments sains. Mais comment identifier les aliments sains ? Dieu nous a donné la vue pour voir les aliments. Quand c’est agroalimentaire, que vous pouvez voir directement, quand vous voyez une pomme avariée vous pouvez le savoir. Dieu nous a donné le nez pour que notre odorat nous permette de détecter l’odeur ou la senteur de ce qui est pourri. Dieu nous a donné le goût, pour que dès que nous mettons dans la bouche des aliments dont on n’a pas pu détecter l’altération par la vue ou l’odorat nos papilles gustatives nous alertent du goût inhabituel de ces produits. Au-delà, il y a de ces produits dont la détection de la qualité n’est pas chose aisée, même par le goût. Quand c’est par exemple des produits embouteillés ou emballés, ayez le réflexe de toujours vérifier la date de péremption. Vous pouvez voir Ulc (date limite de consommation), ou Dcr (date de consommation recommandée).
Et après vérification, vous passez à l’analyse de l’emballage. Est-ce que l’emballage qu’on m’a donné est esthétique ? Déjà, s’il n’est inscrit aucune indication de date là-dessus, ne prenez pas. Ou lorsque les dates inscrites ne sont pas conformes ou sont déjà dépassées, abandonnez simplement. Il y a un produit spécifique sur lequel je voudrais mettre l’accent. Il s’agit des bouillons qu’on appelle communément cubes. Quand vous observez bien le petit morceau de cube, il n’y a jamais de date inscrite. C’est l’emballage qui a de date, encore que c’est mal inscrit. Et je profite pour dire aux gens, quand vous prenez des produits tels que les boîtes de sardines, de conserves ou autres, où la date de fabrication ou celle de péremption sont dissimulées, et pas facilement visibles, abandonnez. Il faut ce genre de boycott pour que les fabricants comprennent que leur distraction ne marche plus. A part ça, lorsque vous prenez les bouteilles de boissons, ayez le réflexe quand c’est transparent de voir dans la bouteille s’il n’y a éventuellement pas de dépôts de déchets. Lorsque sur l’emballage, l’encre qui a servi à écrire bave ou que les textes ne sont pas lisibles et clairs, avec des fautes d’orthographe ou de grammaire, ce n’est pas du bon. C’est soit de la contrefaçon ou alors c’est des profanes qui sont dans le secteur. C’est bien aussi de voir les couvercles. S’ils sont rouillés ou ont des saletés, ne prenez pas. Lorsque vous tombez sur des liqueurs qui vous semblent étranges, ne prenez pas.
Il y a des structures qui sont spécialistes de la chose et qui parfois font tout pour vous présenter des emballages irréprochables. Dans ces conditions, il peut vous arriver d’avoir des doutes par rapport à des produits que vous consommez déjà ou que vous ne maîtrisez pas. Actuellement nous laissons notre numéro à la disposition des consommateurs. C’est le 64 09 00 00. Pour que toute personne qui se retrouve devant des produits dont il doute puisse nous appeler pour prendre conseil. Si ces produits sont des produits recommandables, nous le leur dirons. Dans le cas contraire, nous leur recommanderons de s’orienter autrement. Mais, il y a aussi quelque chose de capital. Il faut que nous commencions par avoir l’attitude de la consommation locale. Il ne s’agit surtout pas de s’orienter vers les jus de bissap, de citron ou autres fabriqués à la maison dans des conditions douteuses. Faites-attention, un choléra est vite arrivé. En ces temps de menace de Ebola, il faut aussi faire attention parce que l’hygiène devrait être de mise. Et pour les aliments tels que le Yaourt, je voudrais bien qu’on les boycotte un peu. Parce que les producteurs de yaourts nous jouent un sale tour aujourd’hui. Depuis que nous avons dénoncé le style d’inscription des dates sur leurs produits, ils n’inscrivent plus de date. On nous propose des produits dans des supermarchés dont la date de péremption est extrêmement lointaine. Les produits aux rayons dans les supermarchés ou les boutiques ne sont pas de genre à y rester longtemps. Quand vous allez acheter quelque chose, essayez toujours de prendre un reçu. Et quand une fois à la maison, le produit se révèle de mauvaise qualité, ne regardez pas le montant, retournez expliquer au vendeur qu’il intoxique les populations et que s’il continue, vous allez saisir les structures compétentes. Voilà donc des astuces à mettre en pratique pour rester un tant soi peu à l’abri des intoxications.

Un mot pour terminer cet entretien
Je dirai aux populations qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Nous demandons donc du soutien et de la part des populations et de la part des structures compétentes. Nous demandons également un accompagnement très structuré de la part du système judiciaire afin que notre mission soit réellement accomplie.



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