Naémi Akpenin-Mahou Essey sur la valorisation du Wassa-wassa : « Faire du Couscous ‘‘Made in Bénin’’ pour l’Afrique et l’occident »

6 novembre 2023

L’entrepreneure Naémi Akpenin-Mahou Essey, promotrice de l’entreprise Nao Stardom, après sa Licence en Marketing commercial, s’est lancée dans la transformation agroalimentaire, notamment la valorisation du mets béninois connu sous le nom de Wassa-wassa. Elle veut en faire une gamme de Couscous ‘‘Made in Bénin’’.

Pourquoi avoir pensé à la valorisation de Wassa-wassa ?
J’ai pensé à valoriser le mets Wassa-wassa parce que tout d’abord, je constate que beaucoup de personnes aiment le consommer mais le temps ne permet pas à tout le monde d’en manger comme il le faut. Par exemple, il faut jusqu’à 3h 30 min pour préparer ce met à la maison. C’est ainsi que dans mes réflexions, j’ai réalisé qu’il est possible de faire le pré-séché pour permettre à tout le monde, célibataires comme femmes qui travaillent, de pouvoir apprêter ce mets en un temps bref. En plus de cela, j’ai constaté qu’au Bénin, c’est un mets qui est consommé par tout le monde. C’est sans gluten, donc les diabétiques y compris les personnes âgées sans oublier les enfants et les femmes enceintes, peuvent le consommer régulièrement sans crainte. C’est ainsi que j’ai jugé utile de le valoriser. Il faut aussi rappeler que c’est en 2019 que l’idée m’est venue. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet, je faisais juste quelque chose. Mais après, j’ai amélioré et le travail a bien repris comme une entreprise en 2020.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, comment pouvez-vous décrire le Wassa-wassa ?
Le Wassa-wassa est un mets du Nord Bénin. Mais, il est consommé presqu’un peu partout dans le pays. Le Wassa-wassa est un metsb réalisé à base de la cossette d’igname.

Pouvez-vous donner un peu de détails sur comment arriver au produit final qui est le Wassa-wassa ?
Pour préparer le Wassa-wassa de façon locale, il faut d’abord commencer par éplucher l’igname et la transformer en cossette. La cossette est séchée et réduite en poudre. Et après, on fait des granulés à partir de la cossette réduite en poudre. Il faut noter que cette étape prend beaucoup de temps. Dans un premier temps, il est cuit puis rincé proprement et préparé à nouveau. L’étape de la cuisson se fait au bain-marie avant d’être servi. Le processus dure au moins 3h. Mais avec l’innovation que j’ai apportée, le Wassa-wassa est préparé en cinq minutes sur le feu comme on prépare le couscous et le riz que nous mangeons.

Parlant de la forme rénovée du Wassa-wassa dont vous êtes l’ambassadrice qui exempte des tracasseries quand il est localement préparé, pouvez-vous nous parler de cette touche spéciale que vous avez apportée à ce mets qui le valorise et permet de le consommer en 5 minutes ?
Ce que j’ai fait et qui est nouveau, c’est que j’ai essayé de transformer le Wassa-wassa en produit alimentaire sec à l’image du Couscous qu’on peut conserver pendant 2 ans. Et c’est cela qu’on prépare juste en cinq minutes. Ainsi, il n’y a plus de temps à perdre. D’ailleurs, on dit souvent que le temps, c’est de l’argent. Même nos frères et sœurs qui sont de l’autre côté de l’Amérique, de l’Europe ou un peu loin, peuvent, avec le Wassa-wassa mis en boite, vivre pleinement l’Afrique dans leurs assiettes.

Le Wassa-wassa rénové peut être conservé pendant au moins 2 ans. Ce qui n’est pas le cas avec ce que font les bonnes dames. Dites-nous comment vous êtes parvenue à ce stade ?
Pour le moment, je fais tout à la main. Je n’ai pas encore eu les moyens pouvant me permettre de le faire avec des machines. Je peux dire que je travaille beaucoup et cela me prend assez de temps. En ce qui concerne les matières premières comme par exemple l’igname, je payais les cossettes lorsque j’ai démarré ce projet. Mais aujourd’hui, j’ai mon champ d’igname, même si ce n’est pas beaucoup et ce sont les ignames de mon champ que je transforme moi-même. Ainsi, je suis sûre de la qualité de la cossette que j’utilise. Il faut signaler que dans mon champ, c’est le bio que je fais. Il n’y a pas de l’usage des engrais, ni des herbicides. Quand je payais les cossettes avant, je constate que le Wassa-wassa apprêté est soit amer soit il y a un peu de grains de sable. Depuis que j’ai commencé avec l’igname de mon champ, je crois que les choses s’améliorent et c’est normal maintenant. De plus, je vois maintenant que cela garantit la santé et du coup, je fais la production biologique.

Depuis le champ jusqu’à la mise en boîte pour le marché, comment se déroulent les différentes étapes ?
Au niveau du champ, je cultive moi-même les tubercules d’igname que je récolte. Aujourd’hui de nombreux cultivateurs utilisent les herbicides mais moi, je fais les insecticides et les engrais avec les fientes et autres, pour améliorer ma production. Après cela, je fais la cossette. Mais je ne la sèche pas par terre comme tout le monde le fait. C’est vrai que je n’ai pas encore de machine à moudre de façon personnelle mais quand je vais pour écraser, j’essaie de leur demander de faire un petit nettoyage. A la maison, je le conserve soigneusement. Même si je n’ai pas encore les grands moyens de production, j’essaie d’améliorer la manière de produire. Pour sécher aussi, je n’ai pas encore un grand four mais avec mon petit four, j’essaie de m’en sortir avec le séchage. J’ai constaté que quand j’arrive à utiliser le four solaire, le produit est plus joli et attrayant et cela peut être mieux que le four à gaz que nous utilisons.

Qu’en est-il de la distribution sur le marché ?
Dès le début, je faisais la prospection. Chaque soir ou pendant les week-ends, je mets quelques boîtes dans un sac et je me promène avec. Qui que je croise sur mon chemin, je lui présente le produit. Beaucoup de personnes m’encouragent. Moi-même, j’ai toujours gardé mon courage, je poursuis. J’ai eu la chance de rencontrer une dame qui vit en France et elle a pris jusqu’à 500 cartons. C’est à partir de ce moment que la distribution a commencé à prendre petit à petit. J’ai aussi eu la chance de participer à la foire du ‘’Consommons local’’ plusieurs fois. Cela m’a aussi permis d’avoir un peu de visibilité. Une structure a fait une vidéo sur moi et cela aussi a donné un impact positif à la distribution. Il faut aussi noter que jusqu’à présent, je continue mes prospections. Lorsque je n’ai pas de production, je vais au marché de Tokpa pour présenter le produit aux bonnes dames et à d’autres personnes pour qu’ils puissent le découvrir vraiment.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans cette aventure ?
Les difficultés sont énormes et multiples. La visibilité du produit reste un grand défi. Je n’ai pas encore les moyens qu’il me faut. Plein d’autres ambitions sont aussi nourries notamment comment améliorer le produit autant pour la qualité que pour la quantité. Malheureusement, je suis limitée par les moyens. Je suis obligée de faire avec les moyens de bord pour le moment.

C’est clair que le travail que vous abattez n’est pas de tout repos. Cela amène à vouloir savoir plus sur votre statut et votre niveau d’étude.
Naémi est d’abord célibataire. J’ai fait les études universitaires et j’ai ma licence en marketing commercial. J’ai fait le marketing commercial parce que j’ai du goût pour les petits commerces. Je vendais les amuse-gueules. Après, je me suis dit que créer quelque chose pour moi-même sera bien. C’est ainsi que j’ai mûri les idées dans le domaine de la transformation agroalimentaire d’où je fais la production et moi-même je commercialise mes produits.

Avez-vous des collaborateurs ou des partenaires ?
Je travaille souvent seule. A des moments donnés, j’engage des collaborateurs à qui je paie de façon journalière ou hebdomadaire pour la distribution, comme je n’ai pas encore les moyens d’embaucher totalement. En ce qui concerne les boîtes, je lance les commandes auprès des imprimeurs. Moi-même je m’occupe du découpage et je colle tout à la main. Donc mon produit est bio, 100% local et ‘’Made in Benin’’. Pour la distribution, quelques supers marchés de la place essayent aussi d’avoir le produit à leur disposition. Avant, je partais dans ces supermarchés pour présenter mon Wassa-wassa. Je tenais des séances de dégustation gratuite. Donc, après avoir dégusté, certains m’appellent pour des livraisons. Ils ont compris que c’est du bon.

Quels sont vos projets dans cette initiative du domaine de transformation Agroalimentaire ?
Si j’ai vraiment les moyens, je vais implanter une usine de transformation de couscous et là, je vais embaucher beaucoup de personnes qui vont travailler pour moi. Je veux rivaliser un peu avec le couscous importé. Et puis, quand l’entreprise sera un peu grande, le prix aussi sera un peu abordable pour les consommateurs.

Avez-vous un appel à lancer ?
Je sollicite le soutien et l’accompagnement des autorités et des bonnes volontés. J’ai vraiment besoin des aides pour porter le projet haut. C’est le Bénin qui est ainsi révélé dans le domaine de la transformation Agroalimentaire. C’est bien d’avoir du couscous de marque béninoise. C’est ce qui me plaît vraiment, le ‘’Made in Benin’’. Les pays voisins, pourquoi pas, peuvent commencer à le consommer aussi si le projet est bien soutenu. Déjà, des gens me contactent depuis le Burkina Faso, le Togo et bien d’autres pays. Ils ont vu le produit sur Facebook et ils sont intéressés. Si la production est forte, toute l’Afrique sera alimentée et même au-delà du continent.

Votre mot de la fin
Je vous remercie de l’occasion qui m’est accordée. J’exhorte aussi tous ceux qui ont de petits rêves comme moi de toujours persévérer et petit à petit, cela va aboutir.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN



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