Prévention cardiovasculaire : Conseils de Cardiologue et nutritionniste

25 juillet 2024

Le cœur est un organe musculaire, creux et pulsatile assurant la circulation sanguine dans le corps humain ou animal. Et comme il est connu de tous, plusieurs personnes souffrent des maladies cardiovasculaires pour diverses raisons dont une mauvaise alimentation pour le cœur. Le cardiologue Martin Juneau et la docteure en nutrition Anne-Julie Tessier tous deux interrogés par « La Presse », média canadien sur la question, ont apporté des clarifications.

Il existe une certaine suspicion vis-à-vis de la science de la nutrition parce qu’elle semble parfois contradictoire. De ce fait, faut-il affirmer que certains régimes ou certains aliments sont bons ou mauvais pour le cœur, Anne-Julie Tessier, diététiste-nutritionniste, docteure en nutrition et associée de recherche au département de nutrition de l’Université Harvard clame : « …sans classifier les aliments comme étant bons ou mauvais, il existe certainement des types d’alimentation qui sont meilleurs pour le cœur. Plusieurs études sont à l’appui. Au-delà de l’aliment lui-même, la fréquence de consommation aussi est importante ». Sur la même question, Martin Juneau, cardiologue et directeur de l’Observatoire de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal soutient que dans la littérature scientifique, « on dit à peu près tout le temps la même chose depuis 25, 30 ans : plus de fruits, de légumes et de grains entiers, et moins de sucre ajouté, de sel, de mauvais gras et d’aliments ultra transformés. Le problème, ce sont les petites études dans la marge, pas très bien faites, qui sont des pièges à clics et qui font trop souvent la manchette, malheureusement ».

Qu’est-ce qui est le plus important de manger pour préserver la santé de son cœur ?
A cette question, Anne-Julie Tessier, sans langue de bois, affirme : « les fruits et les légumes se distinguent, entre autres parce qu’ils sont riches en fibres, mais aussi en potassium, un minéral qui aide à réguler la tension artérielle. Ensuite, les huiles végétales, avec leur teneur intéressante en acides gras, oméga-3, oméga-6, les légumineuses, l’avoine, les graines pour leurs fibres… ». A l’en croire, il n’est pas trop nécessaire de remplacer totalement les protéines animales par des protéines végétales. « Lorsqu’on discute d’alimentation, il faut tenir compte de notre culture, de nos préférences et de l’environnement. Récemment, on a fait des analyses dans deux cohortes de Harvard avec un suivi de plus de 30 ans. On a trouvé que, plus les gens consomment de protéines végétales par rapport aux protéines animales, moins ils ont de risques d’avoir des maladies cardiovasculaires. Le risque le plus faible a été observé avec un ratio de 1 pour 2. Au-delà de ce ratio, on observait plutôt un plateau. Augmenter notre apport en protéines végétales peut donc être bénéfique, sans devoir éliminer complètement les protéines animales », clarifie la docteure. Pour sa part, Martin Juneau pense qu’il faut distinguer la population générale des recommandations aux patients cardiaques. Dans le passé, explique-t-il, des études célèbres ont démontré qu’avec une alimentation strictement végétale, « on pouvait faire régresser les lésions coronariennes – pas juste les prévenir, les traiter. Parmi les patients qui ont vraiment peur de refaire un évènement cardiovasculaire, plusieurs acceptent de modifier leur régime de façon draconienne. En plus de 35 ans de pratique, j’ai rarement vu un patient devenu végétalien revenir à l’urgence », informe-t-il.

Quid de la viande de poulet, œufs, poisson et produits laitiers ?
Pour ce que ‘’l’on’’ sait, la viande rouge n’est pas très bonne pour le cœur. Mais qu’en est-il du poulet, des œufs, du poisson et des produits laitiers ? Pour la nutrionniste Anne-Julie, ces aliments ont leur place dans une saine alimentation. « Quand on les rassemble, les études nous montrent qu’une adhésion plus grande à une alimentation à base de plantes est associée à un risque plus faible d’environ 15 % d’avoir une maladie cardiovasculaire. Mais les types d’alimentation comme le régime méditerranéen, qui inclut des poissons, des œufs et un peu de produits laitiers, ou encore le régime DASH, qui incorpore des protéines animales en modération, sont tout aussi associés à un risque plus faible de maladie cardiovasculaire ». Martin T., recommande le régime méditerranéen. « Le régime végétalien, on le suggère aux gens très motivés qui ont une maladie particulièrement méchante. Mais j’ajouterais ceci : végé, mais de bonne qualité. Justement, une étude publiée au printemps dans l’American Journal of Clinical Nutrition a montré que les substituts à la viande comme le Beyond Burger et l’Impossible Beef ne sont pas meilleurs que la viande pour la santé du cœur, du moins à court terme… Ces trucs-là, on ne les recommande vraiment pas, parce que c’est plein de sel et la liste des ingrédients est tellement longue qu’il faut un doctorat pour les lire. Même chose pour un spaghetti, pâtes blanches, sauce tomate avec une frite et un Coke : c’est végé, mais c’est de la malbouffe », renchérit-il.

Opter pour des aliments contenant peu ou pas de sel !
« Une tomate avec du basilic, pas de sel, pour quelqu’un qui n’est pas habitué, ça ne goûte rien. Mais je vous garantis qu’après un mois, vous allez trouver que c’est encore meilleur sans sel ! Beaucoup d’organismes recommandent 1,5 gramme, 2 grammes par jour. […] Si vous éliminez les aliments ultra transformés et que vous cuisinez vous-même vos aliments, vous risquez de ne pas dépasser les recommandations. Le sel de table ajouté représente peut-être seulement 15 % de la consommation de sel », Martin Juneau. « La population générale ne devrait pas nécessairement s’abstenir de mettre du sel. Notre consommation de sodium provient en grande partie des aliments transformés et des repas pris au restaurant. Selon l’Institut national de santé publique du Québec, les principaux aliments contributeurs au sodium sont les pains, suivis des charcuteries, des fromages, des saucisses, des repas réfrigérés, des pizzas et des croustilles », clarifie Anne-Julie T.

Le régime cétogène, faible en glucides et élevé en gras ?
La docteure Anne-Julie Tessier explique que le régime cétogène ne concorde certainement pas avec quelques recommandations officielles mais certaines études montrent qu’en comparaison avec une alimentation faible en gras, une alimentation cétogène pourrait avoir certains bénéfices sur la santé (contrôle de la glycémie, des triglycérides…), mais à court terme. Et chez certains individus, poursuit-elle, une augmentation du mauvais cholestérol. On peut également se questionner par rapport aux carences nutritionnelles et à l’adhésion à long terme à cette alimentation très restrictive. « Quand des patients veulent absolument l’essayer, je leur dis qu’on peut les guider, mais que ce sera une alimentation extrêmement restrictive, avec des bons gras comme l’avocat, l’huile d’olive, les noix, le poisson… Des légumes, ça va, mais très peu de fruits. Pour des cas très ciblés de diabétiques de type 2, peut-être, mais c’est loin d’être notre premier choix », conclut Martin Juneau, lui qui s’intéresse depuis 40 ans à la prévention cardiovasculaire.



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