Protocole d’entente entre parties opposées dans des litiges domaniaux : La potion magique du Conseil Consultatif Foncier pour mettre fin aux démolitions

22 mai 2023

Le Conseil Consultatif Foncier (CCF) a fait signer à 6 collectivités engagées dans des litiges domaniaux un protocole d’entente et des procès-verbaux de conciliation lors de sa session spéciale tenue ce vendredi 19 mai 2023 dans les locaux du ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. Gagnants et perdants à l’issue de procès ont pu s’entendre sur les modalités de la mise en exécution des décisions de justice qui pourront contenter toutes les parties. C’est désormais le mode opératoire mis en place par le CCF qui met fin à la spirale de conflits au sein des communautés et restaure l’esprit humaniste du béninois.

C’est une révolution dans les règlements des litiges et contentieux domaniaux au Bénin. Il n’y aura désormais plus d’expulsions forcées ou casses des maisons à la suite des décisions de justice. Gagnants et perdants devront s’asseoir ensemble à la table de négociation pour s’entendre sur des modalités de mise en exécution des décisions de justice. C’est la ‘‘potion magique’’ trouvée par le Conseil Consultatif Foncier (CCF) pour mettre fin à la spirale de conflits qui hantait les terres au sud du Bénin notamment dans les communes d’Abomey-Calavi et de Cotonou. L’organe installé en 2018 a réussi à mettre en place un processus de dialogue et d’entente à la suite de décisions de justice. Il se pose comme une antichambre par laquelle les parties devraient passer à la suite des verdicts. Il ne sera plus question de mettre aveuglement en exécution les décisions de justice avec des grincements de dents et des pleurs. C’est ce qu’ont compris les 6 collectivités invitées vendredi dernier lors de la session spéciale du CCF. Elles ont pris part aux négociations et sont parvenues à une entente traduite dans les procès-verbaux qu’elles ont signées en même temps qu’un protocole de mise en exécution des décisions de justice. « Je voudrais remercier les parties représentées qui vont apporter des témoignages et une illustration probante de ce que le législateur mettant en place le Conseil Consultatif Foncier ne s’est pas trompé. L’esprit du législateur de traduire dans la lettre des dispositions du code foncier et domanial est assez clair et se rapporte à la nécessité de mettre en exécution les décisions de justice dans un esprit de conciliation, d’entente parce que notre sociologie a été éprouvée par des expulsions consécutives à des décisions de justice, des casses et des démolitions de maison. Toutes choses qui ne sont pas adéquation avec l’esprit du béninois qui est un esprit de tolérance, de compréhension et de cordialité. Nous avons travaillé dans le cadre de certains dossiers dont les trois qui font l’objet de signature de protocole d’entente et de procès-verbaux de conciliation entre les différentes parties. C’est le lieu de saluer l’esprit de tolérance, de cordialité des parties ayant gagné les procès mais qui ont voulu encore tendre la main aux parties ayant succombé à ces différents procès pour que in fine le matériel que représente le foncier ne puisse surplanter les questions liées à l’esprit d’humanité. Je voudrais très sincèrement saluer l’esprit d’ouverture de ces parties qui ont eu des décisions favorables, je veux nommer Monsieur Lima, la collectivité Nobimè Agbodranfo, et Monsieur Yessoufou. C’est le lieu également de saluer les parties ayant succombé pour leur disponibilité à trouver des solutions qui allient toutes les parties en leur point d’encrage, d’intérêt », s’est réjoui Victorien Kougblenou, Secrétaire permanent du Conseil Consultatif Foncier.
Le travail a été de longue haleine. Les parties ont pris part à plusieurs séances de travail préliminaire ayant débouché sur un procès-verbal. Ce document a reçu l’accord de tous et les représentants de chaque collectivité sont passés apposer leur signature sur le procès-verbal et le protocole devant l’œil vigilant du président de CCF, le ministre Gaston Dossouhoui. Il s’est réjoui de ce dénouement qui va faire tâche d’huile et servir de témoignage aux autres parties. « C’est le lieu de féliciter les requérants qui acceptent de consentir à des sacrifices réciproques laissant de côté les intérêts personnels et égoïstes visant uniquement le caractère humanitaire de l’acte. Il y a quelques instants, le conseil consultatif a procédé avec les parties concernées à la signature de procès-verbaux de négociations avec pour corollaire à la conciliation. J’adresse mes chaleureuses félicitations aux parties signataires des procès-verbaux », a-t-il déclaré.

Zoom sur les rôles du conseil consultatif foncier présenté par son président Gaston Dossouhoui
Le conseil consultatif foncier que j’ai l’honneur de présider est le parlement du foncier non pas parce qu’il légifère au sens strict du terme mais parce qu’il est le lieu d’échanges et de concertations en matière de politiques, de stratégies et réformes touchant au foncier en République du Bénin. Le conseil consultatif constitue un point névralgique de la politique foncière dans notre pays même si dans les faits il s’illustre dans les décisions de justice rendues en matière foncière nécessitant la prise en compte des réalités sociales dans le cadre des expulsions forcées de famille que ce soit en masse ou non. Le conseil consultatif foncier a démarré ses activités en 2018 et a tenu à ce jour plusieurs sessions ordinaires et extraordinaires. Au-delà des actions officielles, nous avons un secrétariat permanent qui organise toutes les fois que nécessaire ou lorsqu’une situation relative au secteur est de nature à préjudicier aux intérêts de la population, des séances thématiques avec des parties prenantes. Le conseil s’intéresse à divers sujets d’actualité dans le secteur du foncier et de l’immobilier et émet son avis préalable dans le cadre du processus décisionnel. Au titre des activités menées ces trois dernières années, le conseil consultatif foncier s’est intéressé aux litiges fonciers qui trouvent leur fondement dans les anciennes décisions de justice et qui visiblement ont confirmé sur des superficies très importantes, le droit de propriété de certaines entités comme collectivités ou des familles. Cette décision ne comporte aucun repère géographique. En outre, elles sont difficiles à être répertoriées ou authentifiées au niveau des archives de justice. Il y a aussi des réseaux mafieux qui créent des litiges fictifs par diverses manœuvres frauduleuses et qui réussissent parfois à tromper la vigilance des juridictions déjà absorbées par le poids écrasant des dossiers dont elles sont quotidiennement saisies. Le conseil consultatif foncier a abordé également entre autres préoccupations la réorganisation des unités administratives en vue de faciliter la mise en œuvre des diverses formalités prévues par la législation foncière et domaniale qui nécessite la démarcation entre zone urbaine ou zone rurale, la lutte contre la spéculation foncière notamment l’assainissement de l’activité des agents et courtiers immobiliers. Le conseil consultatif se félicite aujourd’hui de constater que la plupart de ses préoccupations ont été prises en compte par le gouvernement du président Patrice Talon qui travaille inlassablement à l’assainissement du secteur immobilier, socle du développement durable. En ce qui concerne le cas particulier de l’exécution des décisions de justice rendues en matière foncière, le CCF a noté avec regret que malgré les mises en garde, certains agents d’exécution notamment les huissiers de justice continuent d’engager des mesures d’expulsion forcée et des casses de maison sans recours préalable aux bons offices confiés par la loi au CCF. Pour jouer convenablement sa partition, le CCF a décidé de mettre en place le dispositif nécessaire pour traiter avec célérité les demandes de négociation, il se félicite d’ailleurs des résultats obtenus dans ce sens. En effet, lors de sa session du vendredi 12 Mai 2023 comptant pour l’année 2022, le conseil a dépouillé les résultats de plus de 225 dossiers de négociations. Les résultats de négociations donnent de constater que les populations et acteurs extrajudiciaires prennent de plus en plus conscience de la nécessité de se référer au CCF avant l’exécution de toute décision de justice. Le rôle du conseil dans ce cadre est de veiller particulièrement à la préservation des intérêts des parties au procès ainsi que de tous leurs ayants droit en même temps qu’il assure rigoureusement la protection des droits consacrés par la décision de justice. Il ne joue surtout pas le rôle d’aéropage pour juger à nouveau les litiges régulièrement connus par les instituions de la République. En saisissant donc le CCF pour ses bons offices dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice, il doit être clair que le CCF ne se substitue pas aux juridictions de l’Etat. Il siège en tant qu’organe de conciliation dans le seul but d’obtenir un rapprochement des intérêts et du gagnant et du perdant. Le conseil consultatif a donc besoin de la bonne disponibilité des parties et de leur concours pour faire aboutir les négociations dans le bon sens.
Ange M’poli M’TOAMA



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