Regis Guèdègbé sur la question de l'ingénierie électrique : « Le secteur de l’énergie au Bénin connait une croissance fulgurante »

5 décembre 2023

Depuis plusieurs années déjà, le secteur énergétique béninois connaît une avancée. Laquelle avancée doit son sens notamment aux décideurs politiques sans oublier les acteurs du secteur. Dans cet entretien, nous abordons la question avec un expert en la matière. Regis Guèdègbé est son nom. Il est ingénieur électrique et promoteur du groupe Degnon.

C’est quoi être ingénieur électrique ?
L’ingénieur électricien est un professionnel ayant reçu une formation pointue dans le domaine en question et qui est capable d’intervenir sur tous les types d’équipements électriques. Les automates qui contrôlent lesdits équipements n’ont pas davantage de secret pour lui. L’ingénieur électricien doit être une personne capable de définir les méthodes de tests, de diagnostics et en fonction des résultats, il doit pouvoir proposer des axes de résolution, de conception et/ou d’amélioration au service d’études, au service de dépannage selon le milieu.

Pour vous qui êtes ingénieur électrique, quelle appréciation faites-vous de ce secteur au Bénin ?
Le secteur de l’énergie au Bénin est en pleine effervescence et connait une croissance fulgurante. A en croire les statistiques disponibles et au regard des réalisations du Gouvernement qui ont porté le pays de zéro mégawatt en 2016 à plus de 60% d’autonomie énergétique à ce jour, on peut conclure que les investissements dans le domaine, et les travaux de réhabilitation des infrastructures vétustes entrepris donnent des résultats probants.

Ce grade dans la profession demande sans doute des contraintes et ou obligations. N’est-ce pas ?
Je parlerai en termes d’obligations ! Oui être ingénieur nous oblige à une quête permanente de solutions innovantes surtout dans un domaine comme l’énergie où il faut à tout moment, apporter des solutions durables, adéquates en matière de gestion et de mise à disposition des ressources énergétiques.

Et quel est le parcours qui vous a amené à ce stade ?
Déjà gamin, j’étais doué et enclin à démonter tout équipement électrique et/ou électronique et à le remonter sans difficulté majeure. Après le collège, j’ai souhaité intégrer une école technique. Mais c’est sans compter avec les ambitions de mes parents pour moi. Je souligne que j’avais une facilité évidente à comprendre les sciences naturelles communément appelées Biologie et donc, ils me voulaient cadre dans ce domaine-là. Ce n’est qu’après le lycée que j’ai pu intégrer une université de technologie (UIT de POITIERS). Avec ma passion pour la chose, l’amour d’être à l’opérationnel et le rêve de pouvoir aider les couches les plus démunies à avoir accès à l’électricité à moindre coût grâce aux nouvelles technologies, j’ai fini par créer DEGNON-GROUP Sarl en collaboration avec une collègue amie qui nourrissait les mêmes ambitions que moi. Depuis 2015 (Octobre précisément) nous essayons de maintenir le cap et de proposer nos services à la population béninoise et de la sous-région.

Entre l’énergie et la technologie, il n’y a qu’un pas. Parallèlement à votre titre d’ingénieur électrique, vous fournissez également des solutions, services, produits, électriques, électronique, hi-Tech etc. aux béninoises et béninois depuis des lustres. Comment cela s’explique-t-il ?
Exactement, la technologie ne peut exister sans l’énergie, et vice-versa. Comme je l’ai dit tout à l’heure, notre ambition est d’œuvrer pour que l’énergie puisse atteindre les couches les plus démunies à moindre coût. Ceci ne peut être possible sans la technologie. Je vous cite à titre d’exemple quelques axes : Les compteurs intelligents capables de fonctionner dans des zones mortes (non-couvertes par les GSM ou la FO), les câbles électriques pouvant assurer le transport d’énergie électrique en HTA communément appelée moyenne tension et en même temps servir au transport de la DATA, etc…

Quel est votre regard sur le numérique en général et en particulier sur le secteur en terre béninoise ?
C’est un secteur vital aujourd’hui. S’il n’existait pas, il aurait bien fallu le créer. Tout comme le domaine de l’énergie électrique abordé il y a un instant, il s’agit d’un secteur en pleine croissance dans notre pays. Ces dernières années, le déploiement de la fibre optique sur tout le territoire, la mise en œuvre de plusieurs e-services par le Gouvernement dans beaucoup de secteurs afin de faciliter la vie quotidienne des populations, la création d’un Datacenter, le processus de numérisation de l’administration publique, etc. sont autant de choses qui ont métamorphosé le pays. Je suis très optimiste pour l’avenir du pays dans un tel secteur pour ne citer que celui-là.

Il est pour certains corps de métier un frein à l’essor. Qu’en est-il pour l’Ingénieur électrique ?
J’ose croire que vous parlez du numérique. Personnellement, je ne vois pas a priori un corps de métier pour lequel cela constituerait un frein. Ah, si ! Vous ne pouvez pas par exemple, vous adonner dans un service ou une administration à des faits de prévarication et espérer que le numérique vous porte. Ce sera le vecteur de votre déchéance. En ce qui concerne l’ingénieur électricien, le numérique est à n’en point douter un outil qu’il emploie pour améliorer les performances, gérer au mieux les ressources, concevoir plus aisément et plus rapidement, anticiper et affronter plus efficacement les difficultés.

Peut-on toujours parler de passion pour les métiers du numérique ou bien c’est une occasion de cette ère ?
La passion existe toujours. Bien entendu, notre ère est clairement celle du numérique mais ne nous y méprenons pas. Sans passion, l’engagement de l’individu dans une activité, dans un processus, dans un travail n’est jamais à plein potentiel.

Pour vous qui avez déjà une expérience pratique de plusieurs années dans ce domaine, est-ce que vous le recommandez à la jeune génération ?
Evidemment, il faut de tout pour faire un monde et le numérique n’est pas le seul domaine de la vie. Cependant, il n’est plus aujourd’hui une chose à venir. Nous sommes déjà de plain-pied dans son époque. Ne pas encourager des jeunes à épouser et s’engager sur cette voie serait comme empêcher des gens de s’adonner à l’agriculture à l’époque de la révolution agricole. Ce serait une aberration.

Quels sont les vrais défis qui, malgré les efforts des acteurs de ce secteur de pointe restent à relever ?
Pour ce que j’ai compris, les défis à relever sont de trouver des solutions pour être complétement autonome d’un point de vue ressource énergétique, de ne plus dépendre des fournisseurs voisins, mais plutôt être dans une relation de complémentarité. De facto du premier point ci-dessus, pouvoir fournir l’énergie à toutes les zones du territoire béninois, à un coût forfaitaire ; trouver un meilleur mode de gestion et de collecte des règlements des factures d’électricité ; disposer d’une équipe de techniciens dédié au SAV de qualité et vraiment apte à écouter et résoudre les problèmes des abonnées ; éduquer la population à une meilleure gestion et maitrise des ressources en la matière. Le gaspillage d’énergie électrique induit beaucoup de problèmes.

Ce secteur est-il saturé comme le disent certains ?
Le Bénin n’est pas le pays le plus numérisé, le plus connecté, etc. Devant nous se trouvent bien de pays qui pourtant ne se déclarent pas saturés dans ce domaine. La saturation viendra probablement mais ce ne sera pas pour ce siècle d’autant que les innovations pleuvent toujours.

Quels sont vos ambitions pour le BENIN dans ce domaine ?
Impacter plus de gens. L’ambition est d’abord de faciliter la vie aux populations comme je l’ai souligné à l’entame. Ainsi, nous prévoyons de nous engager plus dans tout ce qui a trait au développement à la base afin de soutenir les efforts des politiques, soulager les populations et apporter notre contribution à l’édification d’une meilleure nation.

Carte sur table. Quelle est votre plus grande réalisation dans le système électrique ? Un logiciel, une application ?
Pas de réalisation matérielle de ce genre. Pour développer et mettre en œuvre des solutions de ce genre, il faut disposer de grandes ressources. Nous avons beaucoup d’idées en la matière, mais attendons les opportunités concrètes pour la mise en œuvre.

Un mot pour mettre fin à cet échange ?
Je suis très optimiste quant à l’avenir. J’espère pouvoir répondre à de nouvelles questions venant de vous dans quelques années pour dresser à l’occasion, le bilan de ce qui aura été fait. Je vous remercie pour cette opportunité que vous m’avez offerte.
Réalisation : Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)



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