Saison des mangues à Cotonou et environs : Pour défaut de conservation, les poubelles accueillent les pourritures

Landry Salanon 19 mai 2022

La saison des mangues dans la grande ville du Bénin comme dans les autres, est marquée par sa commercialisation devenue plus récurrente. Toutefois, une quantité considérable du stock destinée à la vente finit dans la poubelle faute de moyens efficaces de conservation.

La jauneur de plus en plus fréquente dans chaque coin de la ville de Cotonou annonce la saison des mangues. Dans les marchés, devant des maisons, au bord des voies ou sur les places publiques, la vente en détails des mangues s’observe un peu partout soit sur la tête dans de grands plateaux pour les ambulants, soit exposées sur des étalages. Régulièrement prisées par des consommateurs notamment pendant la saison, les mangues sont vendues dans leurs variétés telles que Kent, Keitt, Sensation, Pistolet, Logan, Osteen, Haden, Julie, et la liste n’est pas exhaustive. De 100F à 500F CFA l’unité et de 200F à 1000F CFA et plus pour le lot d’environ 5, les mangues sont vendues chez les vendeuses en détails en fonction de leur qualité et de leurs variétés. Et les consommateurs en témoignent. M. Amoussou, enseignant du secondaire ne nie pas son penchant pour les mangues. « J’ai l’habitude d’acheter les mangues. Je prends souvent un ou deux tas que les vendeuses vendent à 500F », a-t-il confié. Madame Assanatou, vendeuse de pagne abonde dans le même et avoue qu’elle adore manger la mangue, même quand ce n’est pas la saison et peu importe le prix. Si les consommateurs aiment manger les mangues et ce, de façon plus fréquente pendant la saison, Ils essaient d’acheter une quantité raisonnable qu’ils peuvent consommer dans un bref temps pour éviter d’enregistrer un éventuel cas de pourriture.

La gestion du stock chez les grossistes
Chez les grossistes, l’ambiance a l’air d’un marché. Des clientes de vente en détails et des consommateurs ordinaires, avec des sacs en main, prennent d’assaut les lieux où les grossistes déchargent leurs marchandises. Autour de la maîtresse de la vente, sont entreposés des sacs appelés “Bafana-Bafana” et des paniers pleins de mangues de différentes qualités. L’ouverture des sacs est soigneusement nouée avec des cordes ; les paniers quant à eux, sont coiffés avec le même soin, de feuilles de ciment. Dès l’arrivée d’un client, des sacs ou des paniers sélectionnés sont respectivement dénoués ou décoiffés, puis place au tri. C’est après cette étape que le prix est négocié et le client paye. Ce qui est abandonné par le client est laissé de côté. À peine ceux qui veulent en manger immédiatement viennent pour trier encore à vil prix. Le sort du reste est voué à la poubelle et le service chargé du traitement des déchets solides vient faire le ramassage. Sur 10 sacs ou paniers triés par les clients, 3 ou 4 sont rangés à l’endroit où les chargés du traitement des déchets ménagers viennent faire le ménage. Dame Rosemonde Hounsounnou, une grossiste, comme de nombreuses autres, expose qu’elle vit dans la commercialisation des mangues en l’occurrence ce qui concerne la gestion des stocks disponibles. Elle a indiqué que les mangues proviennent souvent en masse des champs de la région septentrionale du pays. « Nous achetons les mangues du nord et un peu au centre. C’est par exemple, dans les localités de savè, Parakou, Djougou, Bantè et autres que nous rencontrons les propriétaires des champs », a-t-elle indiqué. Aussi, est-elle revenue sur le transport après l’achat et les conditions d’embarquement.« Nous négocions les mangues avec les propriétaires lorsque c’est encore sur les arbres », a-t-elle fait savoir. Elle a confié qu’après cette étape, il faut payer ceux qui vont cueillir les mangues, le ramassage, et l’embarquement pour le transport. « Avant le chargement, il faut bien emballer les mangues dans des paniers ou dans des sacs pour éviter d’éventuels cas de dégringolade en cours de chemin », a signalé dame Rosemonde.

Manque d’une bonne politique de conservation
A en croire Rosemonde, les conditions dans lesquelles les mangues sont convoyées vers les points de vente, facilitent leur pourriture avant et pendant la vente. « À la destination on constate qu’une quantité importante des mangues entame leur processus de putréfaction », a-t-elle fait savoir. Nathalie Gnansounou, vendeuse en gros des mangues indique que les clients, que ce soit revendeurs ou consommateurs ordinaire, ne veulent pas acheter sans avoir séparé ce qui est en bonne forme de ce qui ne l’est pas. « Si tu refuses le tri aux clients, tu ne peux pas vendre ton stock. Autrement, tu risques de voir tout ton stock dans la poubelle. Combien, peux-tu en manger toi-même ? Combien tes enfants et tes proches vont-ils pouvoir manger ? Tu ne peux qu’accepter le tri », a-t-elle fait comprendre. Pour un spécialiste en agronomie qui a préféré taire son nom, c’est aussi l’absence d’une bonne politique de conservation. Il a également évoqué des pratiques peu conseillées auxquelles des commerçantes ont recours pour accélérer la maturation des mangues. « Si par des produits, la mangue doit mûrir précocement, elle doit pourrir rapidement aussi », a-t-il avancé. Cependant, celles approchées, ayant reconnu l’existence de telles pratiques, se sont inscrites en faux en ce qui concerne le recours. C’est presque pareille situation que vivent nombre de commercantes des mangues. Un tour à quelques points de vente des grossistes a permis de toucher du doigt la réalité. C’est ce constat de visu qu’on fait dans les parages immédiats de la clôture du collège d’enseignement général 1 (CEG1) d’Abomey-Calavi, en face de l’église protestante de Godomey-Houédonou, à Djidjè, non loin de la mosquée, à Gbodjè, non loin de l’église catholique, pour ne citer que ceux-là.

Un risque de faillite et des difficultés
S’il est vrai que ces pertes sont enregistrées chez les vendeuses grossistes des mangues, il n’en demeure pas moins que leur économie, et par ricochet, leur vie quotidienne soient négativement impactée. Même si Abla Sovissi, commercante de mangues se dit que ce n’est pas nouveau les cas de pourriture notés au niveau de leur stock et qu’elles font avec, Nathalie Gnansounou, pense que chaque fois, le capital est mis en hypothèque et le quotidien en famille prend aussi un coup. « Tu subis simplement des pertes qui te conduisent des fois à la faillite. Du coup, au ménage il y a des difficultés d’assurer des charges », a souligné Nathalie Gnansounou. Ayant abondé dans le même sens, dame Rosemonde fait remarquer que de toute la chaîne, les plus perdantes et victimes des cas de putréfaction enregistrés dans la commercialisation des mangues, ce sont les grossistes. « Depuis le champ, le propriétaire encaisse pleinement ce qui lui revient. Les revendeuses et les consommateurs, eux, ils trient et achètent en quantité raisonnable pour éviter le gâchis. Tout ou la majeure partie, quand il s’agit des pertes, se repose sur les grossistes », a-t-elle fait remarquer. Si les effets néfastes, dus aux pertes liées aux cas de pourriture enregistrés, sur les vendeuses grossistes des mangues ne sont plus à démontrer, il importe de prévoir des dispositions susceptibles de leur alléger la tâche. Les acteurs du commerce lancent un appel aux autorités en vue de bénéficier de l’accompagnement venant d’elles. L’agronome pense à une bonne politique de conservation et de transformation. « En 2014, il y a eu une équipe de collègues qui faisait un travail dans cette logique. Mais je n’ai aucune idée de la finalité. Les autorités doivent soutenir ces initiatives pour la bonne cause », a-t-il suggéré. La recherche des moyens efficaces de conservation, les dispositions pour la transformation, l’ exportation et l’organisation du secteur pourront diminuer les pertes enregistrés et rassurer la commercialisation. Le secteur mangue pourra être une source économique de développement.
Fidégnon HOUEDOHOUN (Stag)



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