Tatiana A. Hountondji, socio-anthropologuesur l’hypersexualité : « La prévention doit passer par une éducation sexuelle »

2 décembre 2022

Actifs sur les réseaux sociaux, consommateurs assidus des contenus télévisés et médiatisés, les adolescents sont aussi exposés à l’hypersexualisation sociale. A travers cet échange, la socio-anthropologue Tatiana A. Hountondji, spécialiste des questions de famille et fécondité, genre et développement, santé sexuelle et reproductive, éducation sociale, établit le lien entre cette tendance et les maux dont souffre l’adolescence. Elle met les parents face à leurs responsabilités en insistant sur l’éducation sexuelle comme moyen de prévention.

Qu’est-ce que l’hypersexualisation sociale ?
C’est cette propension et précocité des jeunes et adolescent.e.s, surtout des filles, à l’exhibitionnisme et à la sexualité. Autrement dit, l’hypersexualisation renvoie dans la société à une certaine valorisation consciente ou non de la sexualité chez les enfants et les jeunes à travers leur exposition ou rapprochement à des faits sexuels en tant qu’acteurs ou observateurs.

Comment se manifeste-t-elle ?
Cette représentation sexualisée des adolescent.e.s s’opère à travers une mise en évidence de comportements, attitudes et mode de vie assez impudiques. C’est un phénomène observable au niveau de la couche juvénile à partir des fréquentations, l’habillement, le maquillage, la coiffure, la manucure, l’extravagance, les goûts pour certains loisirs, le gavage par l’alimentation , la recherche d’attention, etc.

Comment ce phénomène a-t-il évolué ?
L’évolution de l’hypersexualisation sociale est dépendante de la mondialisation, de la modernisation, de la rencontre de plusieurs cultures et de l’effet de mode qui la sous-tend.

Quelles sont les causes de son expansion ?
L’hypersexualisation prend de l’ampleur dans nos sociétés à cause de l’acceptation de l’ère numérique. Ainsi, les enfants, les adolescent.e.s et les jeunes sont de plus en plus exposés aux médias sociaux (télévision, cinéma, magazines, panneaux publicitaires, Facebook, Instagram, Snapchat et TikTok, etc.).

Où se situent les responsabilités ?
Les responsabilités sont partagées tant du côté des familles, des parents que de la société elle-même. En effet, c’est au sein de la famille que l’enfant, futur citoyen, reçoit les premières notions de base, de savoir-faire et savoir-être en société. Quant aux adultes, en dehors du cadre familial, ils se doivent d’être de bons exemples pour les jeunes qui internalisent facilement les conduites extérieures à leurs réalités quotidiennes.

Pourquoi est-ce alarmant aujourd’hui ?
La sexualisation de l’espace public met plus en danger les filles et les adolescentes qui sont au-devant de la scène médiatique. Cela pose donc un problème de genre. Les représentations sociales dans le cas présent sont favorables au recours à la femme en tant qu’utilité sexuelle. De ce fait, ce phénomène compromet l’égalité entre homme et femme dont le statut connait une chosification qui se résume à sa reconnaissance de par l’exhibition de son corps (seins, fesses, ventre, hanches, etc.). C’est une réalité qui à long terme affectera davantage la perception que les filles, adolescentes et femmes auront d’elles-mêmes dans leur contribution au progrès de la nation.

Pourquoi les enfants et les adolescents sont-ils les plus exposés ?
Les jeunes sont les plus touchés car n’étant pas assez matures ou préparés pour filtrer tous ces contenus sexuels auxquels ils sont quotidiennement exposés. Par conséquent, ils reproduisent rapidement ces faits dans leur réalité.

A quels dangers les expose l’hypersexualisation sociale :
à court terme ? : Intimidation, suivisme, exhibitionnisme, déviance, relation amoureuse précoce, sexualité précoce, mauvais rendement scolaire, harcèlement sexuel...
à moyen terme ? : MST/ITSS , agressions ou abus sexuels, grossesse précoce, déperdition et abandon scolaire, proxénétisme, pornographie, …
à long terme ? : Mauvaise perception de soi, introversion, dépressions et troubles psychologiques, perte de l’identité, reproduction sociale au fil des ans, …

Comment les prévenir et comment y faire face si les conséquences sont survenues ?
La prévention doit passer par une éducation sexuelle. Les parents doivent veiller à l’éducation à la santé sexuelle et reproductive de leurs enfants dès leur bas-âge. C’est-à-dire que les questions autour de la valeur morale, liées à la bienséance, la décence, la gestion de la puberté et de l’intimité, les comportements vestimentaires et alimentaires, les soins corporels, les relations amoureuses, doivent être une préoccupation pour les parents.
En cas de survenues de conséquences liées à l’hypersexualisation, les parents et l’entourage sont conviés à un suivi et accompagnement affectif de leurs enfants. Ces derniers devraient être envoyés vers les formations sanitaires ou juridictions dédiées pour une prise en charge appropriée.

Que devraient faire les autorités politico-administratives ?
Déjà, il faut dans les écoles sensibiliser les enfants et les jeunes à l’hypersexualisation en les conscientisant sur les dangers réels qu’ils encourent.
Renforcer les mesures de contrôle de diffusion des informations à caractère sexuel. Asseoir également un système de régulation du contenu dans l’émission de programmes audiovisuels, propagandes, posters ou publicités empreints de sexualité. Malheureusement, il serait vraiment fastidieux de contrôler l’accès des jeunes aux réseaux sociaux, véritables tendances lourdes dans l’hypersexualisation sociale.

Propos recueillis par Fredhy-Armel BOCOVO



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