Théologie Systématique : Iranchè Germain Idjiwa parle de la Sotériologie et la migration

2 décembre 2022

Iranchè Germain Idjiwa de l’Eglise protestante Méthodiste du Bénin (EPMB), s’intéresse à la Sotériologie et la migration. En formation à l’université protestante de l’Afrique de l’ouest (UPAO-BENIN), plus précisément sur le Campus de Porto-Novo, le doctorant fait le lien entre la Sotériologie et la migration. Dans sa publication préthèse, le doctorant passe au peigne fin le phénomène de la migration des jeunes africains vers les pays occidentaux. Malgré les risques liés aux transports et l’incertitude dans les pays d’arrivée, les jeunes africains, toutes catégories confondues, continuent de se ruer dans ces pays où ils ne vivent pas forcément dans de bonnes conditions . Dans son document de recherches, il évoque les causes et conséquence de ce phénomènes assimilé à un esclavage volontaire.

INTRODUCTION
Depuis plusieurs décennies, les migrations africaines vers les villes européennes ont pris de l’ampleur : étudiants, diplomates, commerçants et aventuriers ont investi les capitales européennes, y ont séjourné, de manière provisoire ou prolongée. Assurément, l’histoire de l’humanité est marquée par les mouvements migratoires. Le phénomène de la mobilité humaine implique souvent des souffrances, de la pauvreté, du chômage, de la privation, de la carence alimentaire (la famine). La migration résulte de l’espoir de gagner davantage ailleurs, grâce à de meilleurs salaires ou à une rémunération plus appropriée ; l’individu cherche un marché où il pourra travailler dans son domaine de compétences ou de préférence. Les motivations des migrations ont été et sont encore aussi variées que différenciées. Quelles sont alors les causes et les conséquences de la migration en Afrique ? Dans le souci de freiner ou d’éradiquer ce fléau qu’est la migration, qu’elle est la contribution de l’Eglise ? Enfin, en quoi la sotériologie peut-elle aider au repositionnement de l’Afrique sur l’échiquier mondial ?

I- Clarification conceptuel
1- Qu’est-ce que la sotériologie

« Le terme sotériologie vient du grec : sôtéria qui signifie salut et logos généralement défini comme science, discours. La sotériologie est une science théologique qui traite du salut de l’humanité et de sa rédemption. La sotériologie est la doctrine chrétienne qui donne une place centrale au message chrétien qui commande de l’intérieur toutes les affirmations théologiques : Dieu en Jésus-Christ descend jusqu’à l’homme pour le libérer des emprises de tous genres, et le sauver. »
2- Qu’est-ce que la migration
« Une migration humaine est un déplacement du lieu de vie d’individus. » « Déplacement volontaire d’individus ou de populations d’un pays dans un autre ou d’une région dans une autre, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles. »

II- Etat des lieux
La migration est le déplacement du lieu de vie d’individu. Il peut s’agir d’une migration entre pays (immigration et émigration ) ou d’une migration locale dans une région du globe. C’est un phénomène aussi ancien que l’humanité. Dès la seconde moitié du XIXe siècle une migration de masse est allée combler les pénuries de main-d’œuvre en Europe. L’Afrique, l’Asie et l’Amérique latin sont les principales zones de la migration. Des mouvements migratoires ont toujours existé entre les pays du subsahel, du sahel et du Maghreb en général ; mais il s’agissait surtout de Ghanéen, de Togolais, de Béninois, de Maliens, de Marocain, de Nigériens, d’Ivoiriens et de Tchadiens, qui s’y rendaient pour des travaux saisonniers, et parfois, pour s’y installer. Mais aujourd’hui, le but a changé : il s’agit d’aller plus loin en Occident. La migration n’est pas un phénomène nouveau. Les difficultés qu’ils rencontrent dans leur pays poussent des milliers de jeunes africains à préférer la migration. Des hommes ont faim ou sont persécutés. Rien ne les empêchera d’aller dans les pays où ils pensent trouver le salut c’est-à-dire où l’on ne connaît ni la faim ni l’arbitraire. L’Afrique doit en tirer ses leçons. Migrer, quitter son pays, quel que soit le motif, est toujours un choix douloureux. Migrer est un choix personnel, aucune mesure étatique n’empêche des hommes de circuler dans un monde où existe la libre circulation des personnes et des biens. Nous avons entre autre, la migration intracontinentale, extracontinentale et l’exode rural. Ils sont devenus aujourd’hui pour les jeunes un moyen de se sauver de la pauvreté. La migration extracontinentale est accentuée dans le monde et particulièrement en Afrique. Quelles sont alors les causes liées à cette migration des africains en général et des béninois en particulier.

III- Cause de la migration
Il est bien difficile de savoir quelle a été la cause principale de la migration. Aucun homme ne quitte son pays pour le plaisir de migrer. Mais, pourquoi quittent-ils alors leurs pays ? Ou pourquoi migre-t-on ? Ils quittent pour la quête du bonheur. Vouloir être heureux à tout prix, mettre sa vie en jeu et ne pas renoncer. Quelle que soit les difficultés. Quel que soit le temps qu’il faudra y consacrer. Un frère déclare « nous sommes sortis de nos familles et de nos pays la rage au cœur avec l’envie de réussir. ». Pour lui, le chômage et la pauvreté constituent la principale cause de la migration. Les causes sont multiples et multiformes : ces causes sont économiques, politiques, naturelles, culturelles, éducationnelles, psychologiques, institutionnelles, les violences, les affaires etc.
Les personnes qui ont migré pour des raisons politiques, la migration est douloureuse car elle représente un acharnement (requérant d’asile : au Bénin on a KOMI Koutché, AJAVON Sébastien, Léhady SOGLO, DJENONTIN AGOSSOU Valentin, DJIBRIL Amadou Fatouma, Simplice Codjo Dossou, Léonce HOUNGBADJI, en Côte d’Ivoire on a Guillaume SORO et au Togo on a BOKO Aklesso)
Pour des raisons économiques ils recherchent de meilleures perspectives économiques et tentent de travailler à l’étranger parce qu’ils sont confrontés à une extrême pauvreté dans leurs pays et ne voient d’autre possibilité que de partir
Pour des raisons sociales ils fuient les guerres, les conflits ethniques, religieux, les violations des droits de l’homme et la sorcellerie. Certains ne migrent pas de gaîté de cœur : il s’agit des personnes qui partent dans l’espoir d’une vie meilleure ou la recherche d’une vie meilleure, pour échapper à un conflit, à une catastrophe naturelle ou à un changement climatique. La dictature, l’absence de la démocratie et la malnutrition deviennent le vécu quotidien des populations. Les conflits, les guerres, les soulèvements populaires, les coups d’Etat, le terrorisme, les problèmes environnementaux, le manque du civisme, l’intolérance, le racisme, la discrimination, le mariage forcé, le travail des enfants, difficultés sociales, c’est au regard de toutes ces formes d’aliénation et de privation de liberté de l’individu qui poussent les gens vers la migration.
Nous avons la migration intra continentale qui se déroule à l’intérieur d’un continent par exemple les migrations intra-africaines et l’exode rural, appelé aussi migrations rurales, qui désigne le déplacement durable de populations quittant les zones rurales pour aller s’implanter dans des zones urbaines.
Il faut noter que pour d’autres migrer est un choix personnel, la migration se fait par envie de découvrir le monde. C’est le cas notamment des étudiants qui partent en échange scolaire dans un autre pays, et des touristes de courte ou de longue durée.

IV- Conséquences de la migration
Il faut souligner que les conséquences migratoires se présentent en trois volets : les conséquences dans le pays d’accueil, dans le pays d’origine et les risques de la traversée.
1) Pays d’accueil
Si nous considérons le point de vue du pays d’accueil, les conséquences se présentent comme suit : La population augmente (surpopulation étroitement liée à une forte croissance démographique). On note, une répartition inégale des revenus, des taux élevés de chômage, les viols, la délinquance, les conflits armés et les épurations ethniques, les violations des droits de l’homme en général. Les politiques tentent de capter ou de tirer les migrations « utiles », notamment en termes de force de travail, l’acceptation des migrants selon le niveau de qualification « utile » au pays d’accueil s’avère plus facile. L’impact économique de ces migrants est plus ou moins important selon le travail effectué. En effet, les migrations dites « économiques » concernent très souvent une population jeune, qui devrait être comptabilisée dans la population active, et il s’ensuit une transformation de la structure démographique de la population active.
2) Pays d’origine
Le taux de dépendance économique augmente, car la part de la population active capable de subvenir aux besoins des inactifs, tels que les enfants, les retraités, des vieillards, des femmes âgées etc., devient trop faible, alors que ce taux diminue dans le pays d’accueil. Le fait que les migrants fassent partie de la population active affecte dangereusement la dynamique de la production. Ce qui entraine inévitablement la famine. Les personnes dotées d’une solide formation et d’un esprit d’initiative se décident plus facilement à migrer. Le départ à l’étranger d’ouvriers qualifiés accentue les difficultés que connaît leur Etat d’origine. La migration accentue les difficultés. La population diminue et vieillit. Une croissance économique faible. Pénurie de main d’œuvre et chômage, fuite des cerveaux. La fuite des cerveaux est un aspect pernicieux de la migration.
3) les risques de la traversée
Des conséquences regrettables découlent de ces migrations internationales surtout vers la côte de l’Espagne et de l’Italie en Europe, avec des milliers de perte en vies humaines dans la méditerranée. Car les conditions de voyages sont à risque (entassé dans les embarcations, sans condition hygiénique, de manière informelle…)

V- Présentation des actions menées par l’église dans le domaine de la migration
Le phénomène de la mobilité humaine évoque l’image même de l’Eglise, peuple en pèlerinage sur la terre, mais toujours orienté vers la Patrie Céleste. L’église s’implique considérablement à solliciter par la charité, à encourager la famille humaine à une solidarité réciproque et sincère. Car la communauté chrétienne se sent proche de ceux qui vivent dans cette douloureuse situation de quitter leur famille ou leur pays. Elle fait de son mieux pour les soutenir et leur manifester son intérêt d’amour. La charité ou l’amour est la voie maîtresse de l’église. Cette grâce surnaturelle, qu’est l’amour est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. Cet amour pousse les chrétiens à s’occuper activement de ceux qui sont vulnérables. Ici l’Église prend constamment soin des besoins des personnes en souffrance tant spirituellement que matériellement. L’EPMB a mis sur pied un plan stratégique de développement (PSD), un département de la diaconie et du développement holistique dans le but de créer des emplois à la population pour leur bien-être (centres de santé, établissements scolaires, centres d’accueils, centres sociaux, une assistance pastorale, centre de formation polyvalente des jeunes filles démunies d’Atchoukpa, le centre agro-pastoral et de formation des jeunes de Ahohota)

VI- Apport de la sotériologie pour le repositionnement sur l’échiquier mondial
Dans nos pays, l’exercice du pouvoir connait des fortunes diverses. Beaucoup de ceux qui sont en position d’autorité commentent des abus, des injustices, des crimes, toutes choses qui créent des mécontentements, favorisent les antagonismes, fragilisent la société, compromettent le développement et entrainent la migration du peuple. A cet effet, il est impératif d’inviter toute la communauté ecclésiale à assumer sérieusement des responsabilités dans ce domaine de la migration, en offrant un service organisé et ordonné aux personnes en situation en vue de les empêcher de partir. Si quelqu’un dit, « j’aime Dieu, et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jean 4 :20). Ce lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain signifie que l’affirmation de l’amour de Dieu devient mensonge, si l’homme se ferme à son prochain et plus s’il le hait, aimer son prochain est une route pour rencontrer Dieu, et fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu. Le genre humain est donc une seule famille. Par conséquent, tous les hommes et les femmes sont donc frères et sœurs en humanité et sont aussi destinés à être tels, par grâce, dans le fils de Dieu, Jésus-Christ. À partir de cette perspective, nous pouvons dire que les migrants, les réfugiés, et toutes personnes en difficultés forment tous une seule famille. A partir de là, la solidarité humaine et la charité ne doivent exclure aucune personne, aucune culture et aucun peuple. Les plus vulnérables ne seront plus des personnes dans le besoins à l’égard desquels nous accomplissons un acte de solidarité, mais ils sont membres de notre famille, auxquels nous lie le devoir de partager les ressources que nous avons. Ceux qui seront invités à entrer dans le royaume de Dieu demandent : cf. Matthieu 25 : 37« Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu. Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi » (Mt 25 : 37-39). La réponse sera « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Mat25 :40). De même, ceux qui seront renvoyés demanderont : « Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté » (Mt 25 :44). Ils recevront cette réponse « Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites. » (Mt 25 :45). Nous sommes appelés à voir le Christ dans chaque frère et sœur dans le besoins, proclamer et défendre la dignité de chaque migrant, de chaque personne en situation. De cette façon, l’assistance apportée ne sera pas considérée comme une aumône due à la bonté de notre âme, mais comme un acte de justice qui leur est dû. L’unité de l’Eglise ne vient pas de l’origine même de ses membres, mais de l’Esprit de la pentecôte qui fait de toutes les nations un peuple nouveau qui a comme fin le royaume, comme condition la liberté.
Pour mettre fin à la migration, il faut :
1. mettre en place un système de la solidarité pour assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition (Jean 6 :1-16 : la multiplication des pains par Jésus)
Le petit garçon mentionné au v.9 nous rappelle qu’à tout âge nous pouvons faire quelque chose pour le seigneur et pour le bien des autres
2. réduire le chômage, (Genèse 2 :15 et 2 Thessaloniciens 3 :10 « si quelqu’un ne veut travailler, qu’il ne mange pas non plus ») c’est un proverbe familier chez les juifs, expression de la loi universelle du travail. Il faut noter qu’à Thessalonique certains avaient cessé tout travail. Puisque le Seigneur vient, estimaient-ils, à quoi bon cultiver son champ, et vaquer aux affaires de la vie présente ? Et, triste conséquence, ils mêlaient à tout (v.11, 1Timo5 :13). Paul proteste avec véhémence.
3. lutter contre la pauvreté sous toutes ses formes et partout (2 Rois 17 :9-24 qui nous montre l’hospitalité de la veuve de sarepta)
4. mettre fin à la famine partout et au gaspillage alimentaire, (Jean 6 :12-13[Le Seigneur ne veut que rien ne soit perdu. C’est pourquoi il envoie les disciples ramassé les morceaux qui restaient. Il est le modèle parfait placé devant nous et il faut être économe et soigneux pour lui ressembler et plaire à Dieu. ])
5. garantir à tous une éducation primaire, (Ephésiens 6 :4. L’obéissance doit marquer l’enfant, et le soin dans l’éducation et les avertissements doivent marquer le père. Il faut mettre l’accent sur l’éducation chrétienne et la connaissance des saintes écritures)
6. assurer un environnement durable, (Genèse 2 :15 « Et l’éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver (idée du travail) et pour le garder (l’idée de préserver des bêtes féroces et de la déforestation)
7.{{}} La solidarité (Actes 2 :42-47 « tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun »)
8. accompagner, encadrer, suivre et protéger les personnes en situation et les jeunes migrants afin qu’ils trouvent le salut tant souhaité, (Math25 :35-45)
9. Combattre la politique politicienne en formant les fidèles

Conclusion
Les droits de l’homme et la démocratie doivent faire l’objet d’un souci permanent dans le plus grand nombre de pays d’Afrique. Et, je souligne que les phénomènes migratoires dépendent en grande partie du non-respect des droits de l’homme et de la démocratie dans les pays d’où viennent les populations migrants. Les occidentaux doivent aussi aider à créer de l’emploi dans le continent africain, en investissant dans l’industrie, le textile, l’agriculture, la pêche, l’élevage. Réduire la pauvreté en Afrique est le moyen le plus efficace pour lutter contre la migration. Pour éradiquer ou freiner ce fléau, nous avons besoin de valeurs qui tolèrent la diversité culturelle et respectent la dignité des pauvres, afin de renforcer la solidarité avec ces derniers et de mobiliser les individus, les communautés, les entreprises et d’autres encore contre la pauvreté, l’injustice, la dictature et l’instabilité politique.

Référence Bibliographie
1) COLLECTIF, Dictionnaire Encyclopédique de la Bible, Imprimeries Réunies, Valence-sur-Rhône, Paris, Tome I, 1956.
2) COLLECTIF, le Nouveau Petit Robert, Paris, 2009
3) COLLOMBAT Benoît, & SERVENAY David, au nom de la France, guerres secrètes au Rwanda, la Découverte, Paris, 2014.
4) GANDHI, tous les hommes sont frères, Paris, NRF-Gallimard, 1969.
5) GIRARD René, la violence et le sacré, Desclée de Brouwer, Paris, 1972
6) GANDONOU, J. Cours de Théologie Systématique, Sotériologie en contexte africain, UPAO, Porto-Novo, 2019-2020, p.1, inédit.

Internet
http://fr. wikipedia.org/wiki/Portail : Migration
http://www.topchretien.com
https://www.larousse.fr



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