Voix de femme n°28 - Felana Rajaonarivelo : Sa lumière transcende les ténèbres

3 avril 2024

Yeux scintillants, sourire chaud et large jusqu’aux oreilles, luisant entièrement d’aménité, Felana est toute rayonnante de vie. Revenue plusieurs fois des frontières sombres où s’éteint la flamme vitale, la douce warrior se sent si aimée de son Zanahary (Dieu en langue malgache) : sa lumière transcende les ténèbres.

Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)

Indéboulonnable ! Il est là et bien tendu. L’arc du sourire se trace nettement sur le visage de Felana, dès que son regard se pose sur quelqu’un. Elle observe, va aux autres de bon cœur, discute, les interroge et les écoute avec une surprenante générosité. Connue ainsi à Madagascar (son pays) et ailleurs, la photographe CEO de l’agence Fireflies, cultive une âme d’enfant qui s’émerveille de tout. Chez les autres, elle voit le bien dont ils sont capables. Comment brusquer un personnage aussi affable, qui inspire son entourage ? D’une aura pacifique, elle porte bien ses origines d’ Antsirabe, la ville d’eau.
Riche de la bienveillance dans son vocabulaire et dans son attitude, tout l’amour dont elle irradie est pour elle-même une thérapie. A lui, elle a confié des blessures et des cicatrices qui gisaient. Il a été son plus grand remède aux heures les plus obscures de son existence. Dans la bataille remportée contre le cancer qui ne lui laissait que 6 mois selon les médecins, pendant la pandémie de la CoVID-19 qui l’a allitée 2 mois durant avant de la rendre asthmatique, pendant son enfance souvent en petite santé et l’alcoolisme de son père si aimant, Felana n’a pas perdu la pureté qui fait des enfants des êtres si charmants.
Sur son arbre de vie, Féfé ne renie pas ses formes noires. Elle s’en sert comme des sonnettes d’alarme qui la tire de la torpeur du quotidien et de la cécité de la routine pour savourer chaque petite étincelle, chaque petit miracle de la vie : la satisfaction de manger des pommes de terre, le plaisir de recevoir le coup de fil d’un être aimé ou encore la joie d’admirer un coucher du soleil. Incorrigible "sunset lover", la fan de "Petit biscuit" et de chocolat aime lire l’espoir d’un nouveau départ, d’un recommencement dans la fin de course journalière de l’astre solaire. A l’instar de cette boule de feu pendue dans le ciel, Felana réchauffe tendrement mais peut aussi brûler grièvement. La colère tonne rarement dans son ciel, cependant ses grondements sont redoutables quand son tonnerre arrive. Sauve qui peut lorsque ses lèvres lâchent sèchement "Pas maintenant !" : ça sent le roussi. Il vaut mieux respecter les distances prises par la lionne car dans cet état, elle craint de tenir des propos et poser des actes très blessants et regrettables. Oui ! A ce point ! Il ne faut guère se laisser duper par sa candeur et son apparence câline. Felana est une sportive pratiquant assidûment plusieurs danses depuis ses 04 ans. Même si elle se sent diminuée par les ennuis de santé qu’elle a connus, de bons restes lui servent encore et sa gnaque n’a pas baissé. Bien au contraire ! Determinée à se faire ses preuves, elle grave son nom dans le marbre très masculin de la production audiovisuelle institutionnelle sans être poussée par un collectif de photographes. En 2023, elle a décroché le "Trophée Millenials" dans la catégorie "Best leader under 45 years" après le Prix d’Art contemporain Paritana en 2020. Un clin d’œil pour le choix de son cœur : la photographie (depuis 2009), sa passion pour l’image depuis son bas âge.
Dans chaque bribe de femme lui évoquant sa mère, "The Woman king" de sa vie, elle puise l’énergie nécessaire pour briller et rendre fière sa génitrice, chanteuse et professeur de danse, celle-là qui a renoncé très tôt (à 16ans) à son rêve de devenir magistrate pour se dédier à ses enfants.

Rêve ! Felana en a un. Avec lucidité, elle contemple au futur proche un continent : une terre noire, unie et prospère, un océan dans lequel les femmes sont des opportunités florissantes. Dans cette Afrique et au delà, les Viola Davis, Angélique Kidjo et Tella Kpomahoun ne se comptent plus. Engagée, l’artiste milite pour la femme africaine qui ose et qui fait bouger les choses. Déjà en 2019, elle était lauréate de Afrique au féminin de Canal + Université. Son oeil exercé de photographe s’élève au dessus des handicaps quels qu’ils soient. C’est la raison pour laquelle "Debout" est l’intitulé de son film documentaire sélectionné pour le Festival international des films de femmes Cotonou en 2024.
Immunisée par la réconciliation tardive avec son père guitariste, décédé peu de temps après et en son absence en 2018, la benjamine de la famille apprend à ne plus s’inoculer le venin des regrets et moins encore celui de la pression sociale. Soutenue par une confiance en soi qu’elle bâtit pierre par pierre, elle s’est remise des 10 kg qui lui sont restés de la CoVID-19 et assume de chausser du 34. Après 10 ans d’hésitation, elle postule en 2023 et est retenue la même année au Mandela Washington Fellowship Program. Au travail, Féfé apprend à célébrer chaque petite victoire pour mieux se hisser vers les plus grandes. Quand elle veut profiter du style bohème, la pétale de fleur s’enivre du parfum d’avoine et exhale une senteur festive. Sa vie n’est pas qu’une valse du blanc et du noir. En orange, fushia, rouge ou simplement en couleurs chaudes, l’artiste la voit aujourd’hui en arc-en-ciel. Elle la voit haute en couleurs et animée par des "Curves in Shadow" (courbes sculptées par la lumière). Quand vient la nuit, l’ampoule de l’inspiration s’allume et c’est parti. Adepte de la musique, Felana se meut sur du classique, du rock, de l’Afro, soit un tout très éclectique. Alors les cernes qui pourraient la trahir ne sont point les preuves de nuits de beuverie, plutôt les marques de nuits de travail rompu.

Heureuse de la femme qu’elle devient, la citadine d’Antananarivo continue d’avancer, inspirée par les siens et par son mari. Seulement la trentaine révolue, avec la philosophie de Steve Jobs et Nelson Mandela à l’esprit, la fée luciole sait maintenant plus que jamais ceci : "The Show must go on".



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