voix de femme : Sènami Donoumassou, "Inspiration et créativité ne sont pas l'apanage d'un genre"

6 mars 2023

Artiste visuelle et illustratrice talentueuse, l’autodidacte Sènami Donoumassou a fait du Bénin le lauréat de la première édition du Prix James Barnor en 2022. Enarque, celle qui détient une licence en Administration générale et territoriale, prend la parole ici au sujet de la femme.

Quelle est la place de la femme béninoise dans la société actuelle ?
Quel est le rôle de l’homme dans la société béninoise actuelle ? Je ne crois pas que l’on se pose cette question, ce qui me semble déjà être révélateur… (rires).

Quelle appréciation avez vous de la situation de la femme artiste au Bénin ?
Nous sommes dans une société où ’’ être artiste ’’, de prime à abord, n’est pas considéré comme un métier. En ce sens, être femme et artiste, c’est être un sujet d’incompréhension pour son entourage. Il y a beaucoup de préjugés et cela vous pousse à devoir faire 2, 3, 4 fois plus d’efforts pour ne pas que l’on voie votre travail que du point de vue de votre ’’ genre ’’. Il vous faut montrer que vous êtes à la hauteur de votre ’’ passion ’’ et que oui le crayon, le pinceau ou l’appareil photo s’utilisent aussi bien par une femme que par un homme.

Que pensez-vous des différents mouvements pour l’émancipation de la femme ?
Si aujourd’hui, j’ai pu aller à l’école et que je suis en mesure de prendre des décisions pour moi-même au quotidien et pour ma vie, c’est parce que des femmes avant moi ont ouvert des voies pour qu’elles soient en mesure d’être vues aujourd’hui pour ce qu’elles sont et font dans la société. Alors ce sont des mouvements qui sont importants. Il y a encore beaucoup à faire pour que dans la société, les femmes soient vues au-delà de leurs conditions de femme.
Cependant, je m’interroge beaucoup sur ces sujets, et il y a une question que je me pose depuis un certain temps : Quelles conceptions nos sociétés traditionnelles avaient de la femme bien avant l’arrivée des premiers missionnaires ? Dans bon nombre de nos langues traditionnelles, à ma connaissance la notion de genre, c’est-à-dire ’’ il’’ ou’ ’’ elle ’’ n’existe pas. Pourquoi ?

Partagez avec nous une anecdote vécue en raison de votre condition de femme ?
Celle qui revient souvent, c’est : « Non ! Ça c’est un travail d’homme ». C’est la réaction de beaucoup de personnes face à mon travail. L’inspiration et la créativité, ce n’est pas l’apanage d’un genre en particulier... (rires). Cette remarque me semble toujours étonnante.

Que diriez-vous à :
- un père qui s’oppose à ce que sa fille fasse une carrière artistique ?
La stabilité n’existe nulle part. Ce qui fait peur à beaucoup de parents dans le milieu artistique, c’est l’instabilité. Mais en réalité, tout est une question d’organisation. Le plus important, c’est d’être aux côtés de sa fille en tant que père afin de lui donner les armes nécessaires pour faire face aux différents obstacles qui pourraient s’ériger sur le parcours qu’elle aura choisi.

- une jeune femme qui souhaite faire carrière dans l’art ?
Foi, passion, persévérance et patience. Et surtout, quelles que soient nos qualités techniques ; il me semble essentiel de toujours partir du principe que l’on ne connaît rien. Personnellement, c’est ce qui me permet d’apprendre dans de nombreux domaines au quotidien.

Propos recueillis par Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)



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