Voix de femmes : « Les femmes peuvent se déployer dans toutes les activités exercées par les hommes », dixit Monique Ouassa Kouaro

2 mars 2023

Béninoise et professeure titulaire en sociologie-anthropologie, Monique Ouassa Kouaro est l’actuelle Doyenne de la Fashs (Faculté des sciences humaines et sociales) de l’Université d’Abomey-Calavi. Celle qui dirige le Laaedd (laboratoire d’anthropologie appliquée et d’éducation au développement durable), parle ici de la femme béninoise.

Quelle est la place de la femme dans la société béninoise actuelle ?

La femme est le pilier de la société béninoise. Elle joue un rôle prépondérant dans tous les paliers de la vie sociale, culturelle, économique, politique et environnementale. Elle est au cœur de la reproduction et de la production sociales. Ainsi, dans la sphère privée de reproduction, elle participe à la vie des ménages ruraux et urbains, veille à la transformation de la société à travers son leadership. Dans la sphère publique de production, la femme est incontournable dans le processus du développement de notre pays au regard de son poids important dans l’économie informelle et par ricochet dans le PIB. C’est vous dire que les femmes béninoises sont incontournables dans le fonctionnement de la société béninoise. Vous comprenez que les femmes béninoises sont très créatrices et leur résilience face aux crises est impressionnante et impacte profondément la société.

Que pensez-vous de l’égalité homme-femme (en général puis en milieu universitaire) ?

L’égalité homme-femme est un droit constitutionnel et une réalité au Bénin sur le plan juridique comme le confirme notre loi fondamentale. Sur le plan social en revanche, l’égalité homme femme est un leurre. Par exemple, sur le plan politique et scientifique, les disparités de genre sont criantes malgré les efforts du gouvernement pour l’égalité des sexes.
A l’Université d’Abomey-Calavi, nous n’avons que 16,37% d’enseignants femmes contre 83,63% d’enseignants hommes. Il faut souligner qu’au parlement, nous venons d’obtenir 25,68% de femmes contre 7,23% pour la mandature finissante. Ce score mémorable constitue une avancée remarquable. Toutefois, l’égalité des sexes est loin d’être une réalité au Bénin bien qu’il importe de préciser qu’une lueur d’espoir pointe à l’horizon avec les réformes en cours, du gouvernement et en particulier de la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique à travers les projets mis en œuvre pour améliorer la représentativité des femmes dans l’enseignement supérieur et aux postes de décisions.
A vrai dire, les femmes peuvent se déployer dans toutes les activités exercées par les hommes tant qu’elles en ont les compétences.
Partagez avec nous une anecdote vécue en raison de votre condition de femme.

L’anecdote ! (Sourire !)

C’est le poids des stéréotypes de genre, vécus au poste de responsabilité que j’exerce. Par exemple des collègues qui me sont familiers, m’adressent des courriers avec pour entête Monsieur le doyen. Car pour eux, le symbole de manager est masculin et cela rappelle la figure de l’autorité modelée par les normes sociales dans la société béninoise.
Pendant des soutenances de licence, master ou doctorat, il est arrivé que des étudiants en prenant la parole me désignent par le groupe de nominal « président de jury ». En effet, ces étudiants ne s’attendent pas à voir une femme jouer ce rôle. Pour rigoler un peu, je leur demande si je devrais me retirer pour permettre au président attendu de les évaluer. Là, ils se confondent en excuses. C’est vous dire que le sexisme est encore fort présent même en milieu universitaire, entre collègues enseignants et entre enseignants et étudiants.
Fort de votre parcours et consciente des réalités actuelles, que diriez-vous à :
 Une adolescente non scolarisée en ville ?

Elle a l’avenir devant elle. Elle peut entreprendre comme les femmes dans nos marchés locaux. Pourvu qu’elle ait une vision et agisse maintenant. Rien n’est tard.

- Puis un vieil homme gardien de la tradition en campagne ?

Un garant de la tradition suit le cours de l’histoire. Il devrait mettre sa sagesse en œuvre pour servir de guide aux jeunes générations dans la transmission de nos valeurs culturelles, positives et aider à l’abandon des us et coutumes déshumanisantes pour certaines catégories d’actrices et d’acteurs dont les filles, les femmes et les enfants. Je voudrais citer le trafic des enfants, le rituel de veuvage différencié, l’excision et toutes autres formes de violences basées sur le genre. Il pourrait ainsi contribuer à promouvoir les comportements positifs en faveur des filles et des femmes et être un acteur de la transformation des "normes de genre néfastes".
Propos recueillis par Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)



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